Philippe Comar
Premiers traits
L’Atelier contemporain, 112 p., 20 euros
Philippe Comar réveille l’enfant qui sommeille dans ses crayons de graphite, dans ses pinceaux d’encre de Chine, dans ses fusains et ses sanguines. Avec force, mémoire et poésie, l’artiste devenu virtuose, rejoint dans Premiers traits ses balbutiements de dessin quand il faisait littéralement corps avec les matières. Lorsqu’il dessinait la main dans le sable, sur la poussière des meubles, dans le reste de farine de la paillasse de la cuisine ; lorsqu’il dessinait en piétinant la neige, en faisant des arabesques de miel sur sa tartine de beurre ou en réalisant des compositions à jets d’urine sur la plage… « Mémoires d’un dessinateur ? Je sais que les autobiographies fidèles sont impossibles. […] La mémoire ne garde rien, elle transforme. Ce n’est pas son défaut, c’est son mode opératoire », écrit-il dans son ouvrage qui commence par soixante pages d’un texte écrit sur la crête de la ligne du temps et qui se poursuit par quarante pages de dessins, très différents les uns des autres, venant corroborer que le dessin est son outil privilégié pour saisir le monde. Pyrites, isolateurs électriques en faïence, herbes en bataille, oreille gauche d’un éléphant, architecture… « C’est le dessinateur qui rend le sujet prestigieux. » Il n’y a pas d’a priori. « Les formes n’acquièrent cette intensité figurative que parce qu’elles ont été pour ainsi dire surexposées par l’artiste, qui les a longtemps scrutées. » La sincérité et la subtilité du texte de Philippe Comar donnent à voir et à entendre les racines performatives du dessin. Quand dessiner, c’est ressentir… Décrivant la rapidité et la nervosité avec laquelle il dessinait les poils du sexe féminin, il évoque le gribouillis tourbillonnant figurant la crainte, l’obscurité : « Le dessin n’imitait pas la chose, il traduisait mon ressenti. » C’est là la force du dessin d’enfant : il ne représente pas la vie, il est la vie même.