Frantz Duchazeau
Les Derniers Jours de Robert Johnson Sarbacane, 240 p., 29,90 euros
Frantz Duchazeau, c’est l’aristocratie de la BD. Robert Johnson, l’aristocratie du blues. Le dessin en noir et blanc est subtil, élégantissime, tracé au pinceau et rehaussé à ce qui semble être de la pierre noire par un Duchazeau qui ne cède jamais à la colorisation souvent déplorable, ayant pour effet de massacrer les planches originales. Surtout quand cette mise en couleur n’est pas assurée (et assumée) par l’auteur lui-même. Chaque page est remarquablement composée et l’ensemble peut s’apparenter à un longmétrage que Scorsese aurait pu tourner. À ce propos, en 2003, le cinéaste a publié le CD Martin Scorsese Presents the Blues: Robert Johnson compilant 14 enregistrements du musicien, dont les deux titres les plus connus, Love in Vain et Sweet Home Chicago. Le récit de la mort de Robert Johnson (qu’on ne racontera pas ici, hé, hé) est tout en flashback – donc une véritable biographie du musicien passé à deux doigts de la reconnaissance. En effet, deux Blancs sillonnent en voiture le Deep South à la recherche d’un certain Robert Johnson que le producteur new-yorkais John Hammond veut inviter à jouer au Carnegie Hall – on n’en dira pas plus sur l’aboutissement de cette quête du Graal musical, hé, hé. Inutile de préciser que la vie de Johnson est digne d’un blues des plus déprimants. Taloches quotidiennes d’un beau-paternel, désastre conjugal (mais pas comme on pourrait le penser – on ne dira toujours rien), alcool, « chasse aux nègres » comme il dit, pendaisons ( Strange Fruit), bastons… Bref, un road movie, groovy mais très noir. Tout ce bastringue est servi par une somptueuse édition hautement collectionnable. Du même auteur, toujours musical : le Rêve de Meteor Slim (on y croise Johnson), Lomax (les deux compilateurs du blues), ou encore Blackface Banjo (sur les Minstrel).