Ces patrons de clubs qui souhaitent que ça change
A la faveur de la crise actuelle des droits TV, certains présidents veulent revenir à un niveau de vie plus modeste pour le foot pro.
LA COQUE DU BATEAU est gravement endommagée, mais il faut rester calme et ne pas chercher les canots de sauvetage. Ainsi pourrait-on résumer l’état d’esprit de nombreux présidents de clubs pros devant l’incapacité de Mediapro à faire face à ses engagements. Pourtant, la situation financière ressemble à un désastre. Déjà détériorée par l’absence de public dans les stades et un marché des transferts atone, la comptabilité des clubs est maintenant complètement dépendante des droits télé qui représentent en moyenne 55 % des budgets (jusqu’à 76,2 % pour Nîmes…).
Aujourd’hui, la 2e échéance de 172 M€ inscrite dans le contrat de Mediapro aurait dû être versée aux clubs. Le diffuseur n’honorant pas sa traite, la Ligue compensera grâce à un prêt bancaire et la mobilisation de ressources propres. Mais le répit n’est que provisoire et une nouvelle échéance pour Mediapro se profile déjà, début décembre…
« La bulle a explosé »
« Si jamais une catastrophe devait survenir, ce ne serait pas le problème de quelques clubs mais de l’ensemble du système, estime Waldemar Kita, le président de Nantes. N’oubliez pas qu’une partie de l’argent des droits télé va aux arbitres, à la fédération et au monde amateur. Nous aurons besoin de l’etat avec ce mot d’ordre : Il ne faut pas tuer le foot ! A nous d’être imaginatifs et de trouver des solutions. »
Pour Bernard Joannin, son homologue d’amiens (L 2), « c’est une agrégation d’ennuis qui s’abat sur le foot. Nos revenus disparaissent. Le monde du foot est très affaibli et j’espère une prise de conscience par les agents, joueurs, dirigeants... Car notre niveau de vie est exagéré ». Un autre patron de club, à condition de ne pas être cité, va plus loin que Joannin. « La bulle a explosé, lance-t-il. Les seuls qui ont bénéficié de l’explosion des droits télé sont les joueurs et leurs agents, de moins en moins fréquentables. A l’avenir, il faut instaurer, par écrit, des mécanismes de baisse de salaire en cas de nouvelle catastrophe comme le Covid ou Mediapro. Dans la charte du foot, il est déjà prévu que les salaires baissent de 20 % en cas de relégation en L 2. Il faut ajouter ce type de mécanisme et arrêter avec les gros salaires qui étouffent les clubs. »
Kita veut éviter de paniquer
Waldemar Kita est moins convaincu par l’urgence de changer de modèle. « On serait morts, car on serait les seuls, cingle-t-il. Vous croyez que les autres grands championnats nous suivraient ? Non, ils nous piqueraient très vite nos meilleurs jeunes. » Le dirigeant nantais refuse de tirer trop fort la sonnette d’alarme. « Si je panique, je ne suis pas à la hauteur de ma fonction. C’est ma philosophie de chef d’entreprise. Avoir peur serait, en fait, la pire des choses. »
D’autres se félicitent néanmoins d’avoir eu peur au bon moment. A l’image de Saintetienne, qui vient de vendre pour une somme record (35 M€ + 5 M€ de bonus) son jeune défenseur Wesley Fofana à Leicester. L’idée était d’utiliser une partie de la somme pour recruter. Mais, fin septembre, le club a appris les atermoiements de Mediapro et décidé, en urgence, de conserver la totalité de sa manne financière. « Dans le monde pro, certains sont prudents, sourit Bernard Joannin. Nous, en bons Picards, gardons les pieds sur terre. Mais je crains que d’autres aient eu une politique plus audacieuse… »
Hier soir, la LFP a, selon le journal « L’equipe » saisi le tribunal de commerce de Paris pour faire payer Joye Media SL, l’actionnaire de référence de Mediapro, dans le dossier du conflit des droits télé.