C’est une maison bleue...
Lancée pour les 110 ans de Bugatti à La Défense le 14 septembre 1991 avec Alain Delon en gueststar, l’EB110 vient de fêter ses trente ans. L’occasion de célébrer cet anniversaire dans l’ex-usine de Campogalliano, surnommée “La Fabricca Blu” (L’usine bleue) qui a fermé ses portes le 23 septembre 1995.
L’usine avait été inaugurée avec faste le 15 septembre 1990, le jour du 109ème anniversaire d’Ettore Bugatti. Romano Artioli, l’auteur de cette renaissance, avait alors organisé un rallye de 77 Bugatti entre le berceau de la marque à Molsheim et la nouvelle usine sise au coeur de la Motor Valley près de Modène. Dessinée en trois mois par l’architecte Giampaolo Benedini, par ailleurs jeune cousin de Romano Artioli et également auteur d’une partie du dessin final de l’EB110, elle avait été très remarquée, tant ses 13 000 m2 se voulaient innovants et luxueux. Ils abritaient le studio de conception et de développement, l’atelier de fabrication climatisé et baigné de lumière naturelle, mais aussi une cantine digne d’un restaurant et un show room au sol recouvert de marbre, sans oublier une petite porte d’entrée en bois, venue de Molsheim. Comme le dit Benedini : « Ettore Bugatti a toujours travaillé de manière indépendante pour allier technologie et esthétique. La meilleure façon de lui rendre hommage était de respecter ses principes et de construire l’usine dans la continuité de ses voitures exceptionnelles. »
Le 14 septembre dernier, l’usine, désormais désaffectée, a retrouvé l’agitation des grands jours lors des trente ans de l’EB110. La compacte supercar a bien vieilli, elle était très avancée pour l’époque avec son châssis en carbone, ses quatre roues motrices et ses quatre turbos, trois caractéristiques des Bugatti actuelles. L’EB110 s’était également distinguée par ses quatre records du monde de vitesse, sa participation au Mans et son client star, Michael Schumacher. Les coûts de production très élevés, l’absence de volant à droite ou d’homologation américaine ont mis un terme au rêve d’Artioli. A vrai dire, Bugatti n’a pas totalement disparu des lieux, l’atelier voisin de l’ex-usine s’appelle B. Engineering. Il est présidé par Jean-Marc Borel, l’ex-directeur adjoint de Bugatti, et Gianni Singhinolfi qui en était le responsable de la production. B. Engineering a racheté début 1997 de nombreux actifs de Bugatti, notamment des châssis jamais utilisés, dont l’un a servi pour l’Edonis, une supercar unique et alors très prometteuse, des cellules carbone, des plans…
Si le but était initialement de rassembler trente EB110 pour fêter ses trente ans, soit 25 % de la production, ce sont finalement onze EB110, un record, qui étaient présentes. Figuraient notamment le châssis 001 apporté par B. Engineering, qui n’est autre que l’auto présentée à Paris, l’EB110 LM du Mans et la Sport Competizione pilotée à Sebring, mais aussi des GT et SS venues de Grèce, des EtatsUnis et d’Europe. Enfin, la Centodieci lancée en hommage à l’EB110 était aussi de la partie, une ultime reconnaissance pour Artioli et les hommes clés de l’épopée Bugatti également présents, notamment Loris Bicocchi, le pilote essayeur d’époque et Giampaolo Benedini, l’architecte.
Au dîner de gala organisé dans la rotonde de l’usine où trônait l’EB110 001, a succédé le dimanche une journée publique clôturée par une parade des onze EB110 jusqu’à la mairie de Campogalliano où une plaque en l’honneur de Bugatti a été dévoilée. Un rassemblement de Lotus Elise visait aussi à rendre hommage à Elisa, la petite fille de Romano Artioli également présente. En effet, l’Elise, le best seller de Lotus, est née quand Lotus appartenait à Artioli. Son nom avait alors été inspiré par Elisa. Ce week-end de célébration, à la fois festif et nostalgique était aussi un adieu à l’usine bleue. Rachetée par un discret collectionneur, elle s’apprête à accueillir un musée auto qui prendra place dans les ex-bureaux de la marque.
La compacte Bugatti EB110, dont le dessin avait été jugé déconcertant il y a trente ans, a plutôt bien vieilli.