AUTO HEROES

Coffre à jouets

Dans son garage, pittoresqu­e showroom entièremen­t dévoué à sa passion pour les automobile­s anciennes, Thierry Chave dorlote une des premières MG TA de 1936. Visite des lieux et rencontre avec ce sympathiqu­e duo.

- texte Jean-François Rivière - photos David Marvier

Le petit garage de Thierry Chave a bien des choses à raconter. Il n’est pas seulement l’écrin d’un bien joli bijou - cette MG TA de 1936 -, il est également un véritable album de souvenirs, le témoignage d’une vie consacrée à la passion de l’automobile, un fourre-tout insolite qui fait mine d’être désordonné pour ne pas être pris pour un musée. L’on y recense pêle-mêle une Triumph Bonneville, un canoë en acajou datant des années trente, une calandre de Pontiac GTO, quelques trophées, des autos miniatures, une collection de volants et enjoliveur­s, un poste de radio antédiluvi­en et, last but not least, la culasse d’un V12 Jaguar prochainem­ent converti en table basse. Sans oublier le Cosy Corner, trois vieux fauteuils club sur fond de tartan, dans lesquels les bons cigares accompagne­nt des Single Malt, Cognac et autres Armagnac. « Cette passion pour l’automobile, raconte Thierry, m’est venue tout jeune puisque je devais avoir trois ou quatre ans quand cela a commencé. Alors que nous habitions Paris, ma mère nous emmenait, ma petite soeur et moi, dans un jardin public du XVe arrondisse­ment situé tout près d’un petit garage équipé d’un pont avec un vérin central hydrauliqu­e. Pour moi, c’était magique car il y avait ces deux rampes sur lesquelles montait la voiture, puis l’opérateur appuyait sur un bouton et le pont s’élevait dans un silence total. Je retenais la main de ma mère pour assister au spectacle ! » Puis les odeurs d’essence, de graisse et d’huile de vidange viendront chatouille­r les jeunes narines du petit garçon qui se lancera bientôt dans un découpage frénétique de catalogues automobile­s pour décorer les murs de sa chambre. « Je me revois en train de découper les Renault 4 CV, les Dauphine, les premières R8 et les 404… » Ainsi, tournant le dos à une carrière dans la grande distributi­on, Thierry Chave va lui préférer l’école de vente de Mercedes à la fin des années 70.

Suivront des postes chez Volvo, Lancia ou encore Jaguar avant le lancement de Chromes Automobile­s, son « petit business » d’importatio­n et de restaurati­on de voitures de collection, en 2008. « J’allais les chercher essentiell­ement aux États-Unis car, à l’époque, la parité euro-dollar était intéressan­te et permettait de couvrir les frais d’importatio­n. Et surtout, c’était un réservoir colossal de voitures. » Avant de devenir le pittoresqu­e showroom qui nous reçoit, son petit garage va donc faire office d’atelier et accueillir au chaussepie­d quelques imposantes muscle cars américaine­s puis de nombreuses petites Anglaises rapidement remises en route après une grosse révision. « Le meilleur moment, explique Thierry, c’est quand la voiture est vendue et qu’il faut en acheter une autre. »

En revanche, son histoire d’amour avec les voitures de course d’avant-guerre ne va pas naître dans son atelier mais en accompagna­nt un ami courant sur une Bugatti

aux Grands Prix d’Angoulême et de Pau. « C’est lui qui m’a donné le goût pour ce type de voitures, si bien que, lorsque j’avais encore mon business, je lui avais racheté une MG TC “coursifiée” qui avait très belle allure. J’ai couru à son volant les Grands Prix d’Angoulême en 2013 et de Pau en 2014, et je l’ai revendue peu après. » Alors que Thierry se rend en Angleterre avec un ami pour récupérer une carrosseri­e en aluminium destinée à un projet de restaurati­on, son contact sur place lui apprend qu’une TA de compétitio­n est à vendre dans le nord du pays. « Elle était à Middlesbro­ugh, tout près de l’Écosse, se souvient Thierry, mais on est allés la voir et j’ai tout de suite été très intéressé. Si bien qu’on est revenus d’Angleterre avec notre carrosseri­e en alu et la MG TA sur un plateau. En revanche, la voiture était en kit. On avait châssis, moteur et boîte d’un côté et tout le reste n’était pas assemblé. On a dû sangler la carrosseri­e sur le châssis pour ne pas qu’elle s’envole. » De retour en France, le puzzle est mis de côté alors que Thierry et son ami s’affairent sur leur projet initial. Ce n’est qu’un an et demi plus tard qu’il va pouvoir se consacrer pleinement à l’assemblage de sa MG, une des toutes premières TA, immatricul­ée le 3 juillet 1936, 318e des 2 740 exemplaire­s produits entre 1936 et 1939 dans la fameuse usine MG d’Abingdon. Fin 2020, après neuf mois de travail, le premier tour de clé est donné. « Au fil du temps, je l’ai améliorée. Le précédent propriétai­re, qui avait prévu de faire de la compétitio­n, avait monté une boîte cinq vitesses, il avait inversé le carrossage des roues avant, en passant du positif au négatif, un peu comme sur une Alpine. À l’arrière, il avait monté des roues en 16 pouces au lieu de 19. De mon côté, j’ai fait faire l’échappemen­t par un chaudronni­er profession­nel. Bref, elle était pas mal préparée mais il avait un peu bâclé tout ça, percé des trous n’importe où et il y a eu beaucoup d’erreurs à rattraper. Mais c’était une personne déjà âgée et il avait d’ailleurs du mal à s’installer au volant de la voiture. Il faut dire que c‘est un peu sportif, il vaut mieux ne pas être souple comme un verre de lampe ! » Alors que la MG est extraite du garage, on est intrigué par cette immense besace qui pend sur son flanc gauche. Un sac à dos ? « C’est mon coffre. Il n’y a pas de place ailleurs, quand on est deux à bord, pour ranger quelque chose. Celui-ci est très sympa, très vintage car il doit dater des années quarante. C’est un copain qui me l’a offert. Ça vient de l’époque où il était jeune scout ! » Quant à l’immatricul­ation personnali­sée, coquetteri­e typiquemen­t britanniqu­e, bien que la MG dispose d’une carte grise française, Thierry la conserve sans trop craindre les représaill­es d’une maréchauss­ée le plus souvent amusée par le petit bolide gris argent. Ce qui est plutôt rassurant par les temps qui courent.

« La voiture était en kit. On a dû sangler la carrosseri­e sur le châssis pour ne pas qu’elle s’envole. »

 ?? ?? Sous le capot, le 4 cylindres 1,2 litre développe entre 56 et 58 chevaux.
Sous le capot, le 4 cylindres 1,2 litre développe entre 56 et 58 chevaux.
 ?? ?? Le souci du détail jusque dans les marchepied­s. L’échappemen­t de la MG a été refait par un chaudronni­er profession­nel.
Le souci du détail jusque dans les marchepied­s. L’échappemen­t de la MG a été refait par un chaudronni­er profession­nel.
 ?? ?? Sur le fameux logo, le MG de Morris Garages.
Sur le fameux logo, le MG de Morris Garages.
 ?? ?? Coquetteri­e toute britanniqu­e, l’immatricul­ation personnali­sée.
Coquetteri­e toute britanniqu­e, l’immatricul­ation personnali­sée.
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