AUTO HEROES

Services militaires

Vous ne verrez pas tous les jours une Jeep de la Seconde Guerre mondiale. Encore plus rare, trouver un profession­nel capable de redonner vie à ce genre de modèle mythique revient à chercher une aiguille dans une botte de paille. Bienvenue dans le quotidie

- texte Ethan Valentin - photos Götz Göppert

Indiancars (que vous avez pu découvrir dans AH n° 18) commercial­ise, entretient et restaure des Jeep modernes et anciennes. Mais pas que. Leur départemen­t Indian Military oeuvre sur des machines bien plus rares, dont les roues sont fermement ancrées dans l’histoire : les modèles exemplaire­s de la Seconde Guerre mondiale. Pour comprendre pourquoi, il faut remonter aux origines d’Indiancars. Petit rappel, David Dalet crée avec une bande de copains l’enseigne Indiancars en 2005, il y a 17 ans. Sa passion découle de son goût pour l’histoire. Son histoire à lui, celle d’un amour pour les Jeep, commence en Normandie, près des plages du Débarqueme­nt, dans la maison de vacances de ses grands-parents. C’est là que son histoire se mêle à la grande Histoire, celle de la Seconde Guerre mondiale. De rencontres en commémorat­ions, de Jeep Willys en Jeep militaires, il se spécialise dans cette tranche d’histoire, option véhicules historique­s rendus célèbres pour leur rôle dans la bataille. David les retape, participe à leur volant aux célébratio­ns, crée un club, un livre... Et nous voici quelques années plus tard à Coignières, dans les Yvelines, dans les 2 500 m2 d’atelier et de showroom d’Indiancars. Si vous allez traîner vos Rangers là-bas, vous découvrire­z à coup sûr une pièce ou deux d’histoire, témoins de la passion originelle de David : « Cette partie collection, restaurati­on, existe depuis le début mais elle a pris de l’ampleur avec les années puisqu’il y a aujourd’hui cinq personnes qui s’y consacrent. C’est une activité que l’on garde par passion, on s’est tous connus via ces véhicules-là, ça nous anime de pouvoir maintenir en vie ce patrimoine qui porte des valeurs qui nous sont chères. » Inutile de préciser que les profession­nels capables de ce genre d’exploit - restaurer de

A à Z un véhicule militaire vieux de 80 ans - sont rarissimes : « Ce n’est pas plus compliqué à restaurer, la différence c’est le temps passé. Nous avons développé un vrai savoir-faire, on les connaît sur le bout des doigts. Restaurer ce type d’engin, ça signifie beaucoup d’heures de chaudronne­rie et de carrosseri­e. La plupart du temps, tout est corrodé, certaines pièces ne sont plus que de la dentelle parce que les voitures ont été stockées dehors. » David nous explique qu’une restaurati­on complète prend environ 500 heures de travail. Auxquelles il faut ajouter le temps nécessaire à remettre en place le faisceau électrique, le circuit de freinage, l’échappemen­t : « C’est un puzzle : quand le véhicule arrive, on démonte tout. Les pièces mécaniques partent d’un côté, elles vont être complèteme­nt démontées et refaites. Les pièces de carrosseri­e partent au sablage où elles vont être réparées, traitées contre la rouille. On s’attaque ensuite à la mécanique puis au châssis qui est passé au marbre, traité, refait. Ensuite vient l’heure de tout remonter. » L’atelier Indian Military

se trouve près d’Orléans. L’équipe de passionnés propose deux services : la restaurati­on d’un véhicule que lui apporte le client ou la vente d’un véhicule qu’ils ont trouvé de leur côté et entièremen­t restauré. Évidemment, ce type d’engin ne se trouve pas au détour de la première annonce venue. Là encore, ça demande du temps : « On les récupère le plus souvent non roulantes ou non tournantes. Les modèles les plus authentiqu­es, les plus rares, les fameux modèles “matching numbers”, on les déniche régulièrem­ent aux États-Unis où de beaux exemplaire­s ont été conservés. On les importe et on les restaure. » Étonnammen­t, on trouve aujourd’hui facilement les pièces pour restaurer ce type d’antiquités. La Jeep est le véhicule qui a été le plus produit pendant la Seconde Guerre mondiale, le marché dans le monde est tel que la quasi intégralit­é des pièces sont refabriqué­es : « Mais il y a deux types de clients.

Il y a celui qui a toujours voulu une Jeep parce que ça représente quelque chose pour lui à cause de l’image, du bruit, de l’odeur, c’est quelqu’un qui recherche une Jeep pour sa résidence secondaire et la balade. Après il y a le collection­neur qui est en quête d’une pièce d’histoire, un véhicule de collection. Pour ce client, on s’attache à trouver des pièces d’origine, authentiqu­es. On prospecte sur eBay, dans les bourses, dans les surplus. » L’exercice demande une forte expertise. Un modèle en parfait état de restaurati­on peut avoir vu son moteur changer après la guerre. Il faut savoir le détecter et retrouver le moteur d’origine, ce qui complique la restaurati­on : « Si on a une Jeep de 1942, il faut retrouver un moteur de 1942, ce n’est pas toujours évident. Tout dépend le degré de détail que l’on veut obtenir. C’est comme pour les Porsche, il y a celle qui est superbe esthétique­ment et celle qui est comme sortie d’usine. Ce sont deux produits différents, vous les mettez côte à côte elles se ressemblen­t, mais elles n’ont pas la même valeur, la même authentici­té. C’est exactement pareil dans le monde de la Jeep Willys, sauf que c’est plus compliqué de trouver des pièces qui ont 80 ans . » Indian Military réalise une dizaine de restaurati­ons complètes par an, ce qui représente environ 10 % de l’activité d’Indiancars. Ils font bien sûr de l’entretien et des travaux moins chronophag­es pour des clients qui viennent de la France entière et de l’étranger (Angleterre, Allemagne, Suisse, Belgique...) : « On fait principale­ment de la Jeep mais à la demande, on restaure aussi des véhicules militaires comme les GMC. L’équipe est même capable de remettre un char en état. Récemment, nous avons restauré un Stuart M5 A1, un char de reconnaiss­ance américain, et une Jeep amphibie, un modèle très rare, réalisé à peu d’exemplaire­s. » David et son équipe participen­t tous les ans aux commémorat­ions du Débarqueme­nt en Normandie, sont sollicités par les mairies, les vétérans... La boucle est bouclée.

« Les gens qui nous rejoignent sont passionnés ou le deviennent. »

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L’atelier de restaurati­on d’Indiancars, baptisé Military, se trouve près d’Orléans.
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L’équipe est composée de passionnés, tous propriétai­res d’une Jeep à titre personnel.
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Les Jeep sont démontées jusqu’au moindre boulon. Certaines servent de banques d’organes.
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