Volvo, l’esprit Saint
L’apparition de la Volvo P1800S aux côtés de Roger Moore dans la série LeSaint est le fruit d’un des premiers et des plus réussis placements de produits de l’histoire. Retour sur une rencontre mythique.
Assis au volant de la Volvo P1800, Roger Moore patiente. Il est à quelques minutes d’attaquer le tournage du tout premier épisode de la série Le Saint, d’après l’oeuvre de Leslie Charteris, qui sera diffusée quelques mois plus tard, le 4 octobre 1962. Dans le rôle de Simon Templar qui fera sa gloire, Moore attend qu’un technicien lui donne le signal pour s’élancer et passer en trombe devant la caméra placée à une cinquantaine de mètres, dans une autre rue du village de Cookham. La Volvo porte, pour le tournage, les fameuses plaques d’immatriculation personnalisées du héros, qui reprennent ses initiales, ST 1. « J’attendais au coin d’une rue, se souvenait Moore, quand un policier est arrivé sur son vélo. Il a tourné autour de la voiture et regardé les plaques. Puis il s’est approché et m’a dit : “C’est une voiture très intéressante que vous avez là... Et ce numéro, ST 1... C’est très intéressant...”. Sans réfléchir, je lui ai répondu : “Oui, c’est une fausse plaque”. Il a sursauté et alors qu’il allait sortir son carnet, j’ai reçu le signal de démarrer et je suis parti en trombe ! J’ai tourné la scène et suis revenu me garer au même endroit. Il n’avait pas bougé !” » Trouver un véhicule pour ce Robin des Bois des temps modernes n’aura pas été de tout repos pour les producteurs, Monty Berman et Bob Baker. Quelques marques ont été sollicitées mais aucune ne comprend véritablement l’intérêt d’apparaître dans une série télévisée. Ainsi, Mercedes propose le prêt d’une voiture... pour une journée ! Jaguar est contactée pour le prêt d’une Type E mais au cours du tournage, Moore va devoir fréquemment monter à bord et sortir de la voiture, et l’accès au volant de la E n’est pas jugé assez pratique. Une MK X, peut-être ? Refus de Jaguar : « Nous n’avons pas besoin de ce genre de publicité. » Un ami du chargé de production Johnny Goodman apporte la solution. « Il m’a dit avoir vu passer dans la rue une très belle voiture de sport nommée Volvo, expliquait Goodman. J’ai envoyé Roger Moore à la concession de Londres et il en est revenu ravi ! Et c’est ainsi que tout a commencé. » La P1800 du Saint fait partie des 6 000 premiers exemplaires produits en Angleterre, dans l’usine Jensen de West Bromwich à partir de 1961. En 1963, Volvo va rapatrier la production en Suède et rebaptiser le modèle P1800S (comme Sweden). Immatriculée 71 DXC, la première Volvo du Saint va se voir dotée à l’écran du fameux numéro ST 1, que Roger Moore, qui utilise aussi la voiture à titre privé, va devoir faire démonter chaque soir lorsqu’il quitte les studios d’Elstree pour rentrer chez lui. En octobre 1964, Volvo fournit à la production une P1800S immatriculée 77 GYL, qui sera fréquemment “reliftée” pour avoir toujours l’air d’un modèle récent. On remplace ses pare-chocs “moustache”, on l’équipe d’une nouvelle calandre et de nouveaux antibrouillards, puis de jantes Minilite en décembre 1966. Très impliqué, Volvo a même proposé une demi-carrosserie de P1800 pour faciliter les tournages à l’intérieur de la voiture. Les efforts sont payants et les ventes de la P1800 s’envolent grâce au succès du Saint dont les quatre premières saisons tournées en noir et blanc vont être vendues dans de nombreux pays. Censées voyager dans toute l’Europe au fil des épisodes, les deux Volvo ne quitteront pourtant jamais les proches alentours des studios anglais que des décorateurs ingénieux arrivent, grâce à des “stock shots” et des palmiers en pot, à faire passer pour l’Espagne ou l’Italie. En septembre 1966, pour la saison 5 en couleurs, Volvo fournit deux nouvelles P1800S. Une pour le tournage, l’autre pour l’usage personnel de Moore. Cette dernière, immatriculée NUV648E, est aujourd’hui l’exemplaire le plus connu. Revendue après l’arrêt de la série en 1969, elle connaîtra plusieurs propriétaires avant d’être restaurée puis rachetée par Volvo pour son musée. Une dernière chose : en 1978, Jaguar ayant enfin pris conscience des bienfaits du placement de produit, s’empressera de fournir sa toute nouvelle XJS V12 pour le tournage du Retour du Saint, mais ceci est une autre histoire, racontée dans AH#30.
Les ventes de la P1800 s’envolent grâce au succès du Saint dont les quatre premières saisons vont être vendues dans de nombreux pays.