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Aussi indissociable du lieutenant Columbo que son imper fripé ou son chien dépressif, sa Peugeot 403 a connu une carrière bien plus mouvementée que celle de son illustre propriétaire.
C’est un mystère que même Columbo n’a jamais vraiment su percer. Bien sûr, Peter Falk a souvent raconté comment il avait été séduit par ce cabriolet Peugeot 403 de 1959 immatriculé 044 APD, endormi sur un parking des studios Universal. Nous sommes en 1971 et va bientôt débuter le tournage du premier épisode de Columbo, Le livre témoin, réalisé par un tout jeune Steven Spielberg (après un téléfilm en 1967 puis l’épisode-pilote tourné quatre ans plus tard). Mais comment la 403 a-t-elle bien pu atterrir là ? Une rumeur voudrait qu’elle ait appartenu à l’acteur Roger Pierre qui l’aurait échangée contre une Cadillac durant un séjour aux USA... Quoi qu’il en soit, intégrée à la fameuse panoplie du lieutenant Columbo, l’antique cabriolet va accéder à la gloire durant sept saisons et 45 épisodes tournés jusqu’en 1978. À l’écran, jamais ne sera révélée l’origine du tacot mais le policier, au hasard de ses enquêtes, lâchera quelques informations à son sujet. « J’ai une autre voiture, confiera-t-il à un mécanicien dans l’épisode Symphonie en noir, mais c’est ma femme qui s’en sert. Mais elle n’a rien de spécial, c’est juste un moyen de transport. » Plus tard, dans Jeux d’ombre, alors qu’il roule décapoté : « Depuis le temps que j’ai cette voiture, et ça ne date pas d’hier, c’est bien la première fois que je roule capote baissée. » Les spécialistes de la série feront alors remarquer que la 403 est en réalité déjà apparue décapotée dans trois épisodes précédents. Même Columbo peut se tromper. Le principe de la série reposant sur un crime dont les téléspectateurs connaissaient l’auteur dès le début de l’épisode, ces derniers suivaient avec gourmandise ce jeu du chat et de la souris, cette lutte du pot de terre contre le pot de fer entre un modeste policier à l’allure négligée et des suspects traditionnellement issus de la haute société, de l’industrie, de la politique ou du spectacle, sûrs de leur coup et le regardant de haut. Des “méchants” bien élevés, charmants et cultivés, sensibles aux belles choses au point qu’il arrivait que leur inévitable embastillement chagrine autant Columbo que les téléspectateurs. Les producteurs ont bien évidemment doté ces assassins fortunés des véhicules les plus exclusifs, avec un goût prononcé pour les Anglaises. La plupart des stars du petit écran et du cinéma de l’époque engagées pour affronter Peter Falk, de Robert Conrard à John Cassavetes en passant par Ray Milland ou Donald Pleasence, n’auront de cesse de sauter dans leur Rolls-Royce Silver Shadow MKI, leur Bentley Continental ou leur Jaguar Type E 4,2 litres FHC pour échapper aux questions du petit policier en Peugeot 403. Quelques raretés vont apparaître comme cette Mercedes 300
Peter Falk a souvent raconté comment il avait été séduit par cette 403 de 1959 endormie sur un parking d’Universal.
“Adenauer” (W186) et surtout la Ferrari 330 GTS V12 (ex-Salon de Paris 1966) de l’épisode Double Choc (un modèle identique apparaît également dans Quand le Vin est tiré). Admiratif, Columbo se révélera aussi intimidé par le bolide italien : « Je ne saurais pas quoi en faire, dira-t-il,
j’aurais trop peur de m’en servir. Je la mettrais dans mon jardin et je ferais pousser des plantes dedans. » Au rayon des curiosités, une Stutz Blackhawk 1974 est conduite par Louis Jourdan dans Meurtre à la carte ainsi qu’une Citroën SM, rare aux USA, par l’ex-Prisonnier Patrick McGoohan dans
Jeux d’identité. Mieux encore, les véhicules font parfois partie intégrante du scénario : dans Symphonie en noir,
John Cassavetes est trahi par le compteur kilométrique de sa Jaguar E 4,2 litres 2+2 qui compte 15 kilomètres de trop, la distance pour aller occire son encombrante maîtresse. Bien qu’il porte un masque, Dabney Coleman se fait flasher au volant de son cabriolet Mercedes 500 SL après avoir commis son forfait dans Jeux d’ombre tandis que dans Attente, Susan Clark commet l’erreur de célébrer sa nouvelle vie en s’offrant une Ferrari 365 GTB/4 commandée avant la mort soi-disant accidentelle du frère radin dont elle a hérité. Une dernière chose. En 1989, lorsque les créateurs de la série William Link et Richard Levinson souhaitent ressusciter Columbo, ils constatent que la 403 originale a été revendue dix ans plus tôt, ainsi que les deux voitures de back-up utilisées dans les scènes d’accidents de Question d’honneur et Meurtre parfait. Au cours d’une véritable enquête lancée pour remettre la main dessus, Universal va recevoir plusieurs lettres de propriétaires affirmant posséder la véritable “Columbomobile”. Grâce au numéro de châssis, elle est finalement identifiée comme appartenant à un couple de l’Ohio qui aura eu la bonne idée de la conserver dans son très mauvais état original. Rachetée par Universal pour le tournage, la 403, qui a depuis été réimmatriculée 448 DBZ, reprend du service dans les banlieues huppées de Los Angeles le temps de 24 épisodes tournés jusqu’en 2003. Deux autres cabriolets conçus à partir de deux berlines vont également être utilisés, pour pallier les pannes de la 403 originale et pour les scènes d’accidents. Oubliée sur un parking de la production après le tournage, la Peugeot va continuer de se détériorer, notamment sur le site de Mission Beach où elle échouera ensuite, victime de la corrosion saline et jugée irrécupérable. Cette voiture mythique du petit écran se meurt aujourd’hui sur un terrain d’Ensenada, au Mexique.
Dans Symphonieennoir, John Cassavetes est trahi par le compteur kilométrique de sa Jaguar E 4,2 litres 2+2.