UN JARDIN EN ACCORD avec la nature
Témoignage d’Éric Lequertier, architecte paysagiste à Saint-Jouandes-Guérets (Ille-et-Vilaine), et vice-président de Plante & Cité.
Comment aménagez-vous les jardins pour les rendre résilients face aux intempéries marquées que connaît la Bretagne depuis quelques années ?
La création d’un jardin passe avant tout par une bonne compréhension du climat local et une évaluation approfondie du terrain : exposition, sol, relief, drainage, vents... Cette phase d’étude permet de révéler des zones distinctes, autant d’habitats pour différents types de plantes. Nous utilisons de nombreuses essences indigènes, qui offrent une cohérence et une harmonie avec l’environnement, accueillant la petite faune locale et demandant moins d’entretien. Nous introduisons également des plantes venues d’ailleurs dans une vision à plus long terme, pour tenir compte de l’évolution du climat.
Il faut qu’elles s’intègrent bien dans le paysage. Nous constatons que le chêne, marqueur végétal de nos régions, a de plus en plus de mal tandis que la vigne et l’olivier sont des exemples d’intégration réussie, même si, parfois, il faut adapter les techniques de plantation pour éviter les excès d’humidité. J’ai personnellement plus de mal avec l’utilisation excessive de végétaux d’allure plus exotique comme les palmiers et les bambous, sauf si le contexte (bord d’une piscine) s’y prête.
Avez-vous des stratégies pour limiter l’effet de la sécheresse, des vents forts, des embruns ?
À la faveur de la canicule en 2022, certains ont découvert que l’arbre faisait de l’ombre ! Nous accordons beaucoup d’importance à la disposition des arbres, dosant leur ombrage à certaines heures et pas à d’autres, évitant l’écueil d’un jardin d’ombre quelques années ou décennies plus tard. De même, nous positionnons avec soin les haies, premières barrières naturelles contre les vents qui dessèchent sols et végétaux, ou contre les embruns en bord de mer. Nous créons ainsi de nombreux microclimats, favorables à la biodiversité qui signe nos aménagements et qui est « l’assurance-vie de l’humanité ». Le problème de nos professions est d’anticiper les extrêmes en concevant des écosystèmes équilibrés.
Quid des interdictions d’arrosage récurrentes en été ?
Au lieu de demander des droits d’arrosage comme pour les terrains de golf, dont le gazon repousse toujours alors qu’arbres et arbustes s’en tirent difficilement, il faut engager une vraie réflexion qui passe par la compréhension des saisons, des précipitations... Une piste : profiter en été de l’eau stockée lors des pluies hivernales, quand les nappes débordent, en créant par exemple des grands réservoirs étanches et invisibles sous une terrasse (avec une circulation pour éviter qu’elle croupisse). Il est important de bien choisir ses paillis et revêtements de sol. Je préfère la pouzzolane aux copeaux d’ardoise qui chauffent au soleil et acidifient la terre.