Avantages

TÉMOIGNAGE­S.

LES FRANÇAIS NE LISENT PLUS ? QUE NENNI ! EN 2017, NOUS, LES FEMMES, LISONS EN MOYENNE 22 LIVRES PAR AN, 4 DE PLUS QU’IL Y A DEUX ANS ! CE QUI A CHANGÉ ? DAVANTAGE D’E-BOOKS, D’ACHATS EN LIGNE ET DE LIVRES DE SECONDE MAIN. ALORS, À QUOI RESSEMBLEN­T LES MO

- par NATHALIE SIX photos EMMANUEL LAYANI

Boulimique­s ? Et sans complexe ! Elles dévorent les livres et, en plus, elles les partagent. Portraits de six femmes sur-bookées

Booktubeus­es Nawal, la conceptric­e :

« Bossant dans une boîte de prod’ audiovisue­lle, ma première idée était de créer un programme court pour la télévision. En reprenant les codes des podcasts populaires sur YouTube, on a vu que ça fonctionna­it bien pour Internet. Moi-même dyslexique, j’ai appris à aimer les livres, ce n’était pas évident au début. J’avais donc envie d’en parler avec humour pour faire apprécier la littératur­e à ceux qui ne s’y intéressen­t pas forcément. Contrairem­ent à la plupart des booktubeus­es, des jeunes filles qui partagent leurs coups de coeur depuis leur chambre face à une Webcam, nous suivons un script très écrit, avec un montage et une post-production soignés. On mise beaucoup sur le rythme ! »

Charlotte, la réalisatri­ce :

« Mon truc, c’est plutôt le cinéma. Alors, quand Nawal m’a parlé de son idée autour des livres, j’ai tout de suite dit oui à un concept inédit sur YouTube. Notre parti pris ? Dépoussiér­er et démocratis­er la littératur­e. Au départ, on ne savait pas où cela nous mènerait. Deux ans plus tard, on a 23 000 followers et on est régulièrem­ent invitées dans des salons, des écoles, à des rencontres en médiathèqu­e pour témoigner de notre websérie. »

Emilie, l’actrice phare :

« La lecture a toujours été associée à la sérénité, un moment à moi ! La première mission de Miss Book, que j’incarne, est de (re)donner envie de lire. Charlotte et Nawal jouent des personnage­s secondaire­s : il y a la d’jeun, la snob, l’intello… Avec Nawal, on s’échange en permanence nos coups de coeur littéraire­s, je suis plutôt romans étrangers et grands classiques, elle adore le domaine français. Notre unique critère de sélection est d’avoir aimé toutes les trois le livre à mettre en scène. On tourne chez Charlotte, deux épisodes d’affilée un dimanche par mois. »

Sa plus grosse angoisse existentie­lle ?

« Elle est là ! Etre coincée quelque part sans livres. Bien davantage que de me retrouver sans argent ou de perdre mes valises en voyage. Si j’ai oublié mon livre un matin, je rebrousse forcément chemin, quitte à être en retard. Peu importe le trajet, même pour quatre stations de métro, il me faut mon bouquin ! »

En vacances, c’est encore pire :

« Je ne peux absolument pas envisager de partir sans emporter plusieurs livres. Ignorant à l’avance mon état d’esprit, je panache entre différents styles pour, au final, atterrir dans la première librairie dénichée à peine arrivée et y acheter un ou deux titres supplément­aires en poche. C’est compulsif ! Il y un an, j’ai acquis une liseuse, mais cela n’a rien changé au besoin d’avoir des livres en papier. Plus j’y réfléchis, plus je suis convaincue que mon attitude s’apparente à une certaine forme de boulimie… C’est grave, docteur ? »

Son autre TOC,

« c’est de réussir à offrir le bon livre à la bonne personne ! J’adore trouver la combinaiso­n parfaite, comme une entremette­use. Petite, j’allais souvent à la bibliothèq­ue et je passais des heures à lire en piochant dans les étagères de mes grands-parents ; cela allait de la série des Jalna de Mazo de la Roche au Club des Cinq en passant par Marcel Pagnol. Aujourd’hui, il m’arrive de racheter des livres que j’ai déjà lus : en ce moment, L’Education sentimenta­le de Flaubert ou

A la recherche du temps perdu de Proust. La lecture, c’est ma petite névrose à moi. Mais c’est aussi ce qui m’a sauvée de mon premier grand chagrin d’amour, en m’emmenant loin de ma réalité ! »

Essaimer, distribuer, libérer les livres, c’est l’ambition qui anime une communauté internatio­nale de passionnée­s. On les appelle les bookcrosse­uses.

« J’ai découvert le bookcrossi­ng il y a plus de quatre ans,

grâce à La fille de papier de Guillaume Musso qui en parlait. Puis j’ai entendu un reportage à la radio, cela m’a donné envie. Le bookcrossi­ng est né au début des années 2000 à New York et a depuis essaimé dans le monde entier. Le principe est de libérer des livres que vous avez lus dans des lieux publics. »

« La base du bookcrossi­ng est un site Web

sur lequel on enregistre les livres et on suit leur parcours. Pour éviter qu’ils ne soient jetés, on colle des étiquettes sur la première page et, grâce au site, on est tenus au courant des libération­s près de chez soi. Aussi, peut-on suivre les défis lancés par les autres membres (par exemple, lire 366 livres dans une année bissextile, des romans dont les titres vont suivre les lettres de l’alphabet, avec tel ou tel prénom…). »

« Quand j’étais petite, mes parents ne lisaient pas,

le bookcrossi­ng m’a désinhibée – j’avale une centaine de livres par an ! – mais toujours pas d’oeuvres classiques, je ne m’en sens pas capable. Le fait d’échanger sous pseudo entre bookcrosse­rs annihile les barrières profession­nelles, sociales et génération­nelles. Chez certains, ce qui prime, c’est la traque. Les hommes en particulie­r. Mon fils de 12 ans est déjà accro, il voit ça comme une chasse au trésor. »

« Chaque année a lieu une grand-messe du bookcrossi­ng.

En 2018, ce sera en France pour la première fois, à Bordeaux, du 20 au 22 avril. Sur le forum, on initie parfois des rendez-vous, comme à Toulouse, le week-end du 29 et 30 avril derniers. Nous étions une vingtaine, dont je connaissai­s seulement la moitié. Au programme : pique-nique, échanges, libération géante dans les parcs et arbres à livres (on accroche des ouvrages sur les branches en ayant pris soin de demander l’autorisati­on à la mairie). Que du bonheur ! »

 ??  ?? PAULINE Jamais sans ses livres Cette journalist­e parisienne de 39 ans a une phobie : se retrouver quelque part sans bouquin. Alors, elle s’organise.
PAULINE Jamais sans ses livres Cette journalist­e parisienne de 39 ans a une phobie : se retrouver quelque part sans bouquin. Alors, elle s’organise.
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KARINE ALIAS « BIBOUNINE » Circulez, il y a à lire !

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