Nos 10 coups de coeur de l'été
À SA PLACE
Helen toujours dirige, plus intelligente, plus sage, sa soeur n’a qu’à se tenir à carreau. Pauvre Ellie qui a du mal à suivre, maladroite et toujours en quête d’attentions. Jusqu’à ce jour d’été où Helen imagine un jeu… Elles vont se faire passer l’une pour l’autre, car Ellie et Helen sont jumelles.
Et le jeu fonctionne, au-delà de toute limite, car Helen refuse de redevenir Ellie. L’enfant a beau se débattre, le mensonge tient, perdure et change leur vie à tout jamais. Ecrit comme un suspense tendu entre l’enfance et l’âge adulte, ce roman tient sa promesse jusqu’à la dernière page. F. F.
❤❤❤ Par Ann Morgan, éd. Presses de la Cité, 416 p., 21,50 €.
L’ÉTÉ DERNIER À SYRACUSE
Lizzie et Finn sont amis de longue date, ils ont été amants, puis se sont mariés, chacun de leur côté. 13 ans plus tard, c’est ensemble qu’ils partent en vacances, mais cette semaine en Italie va exacerber les fragilités de leurs couples et faire exploser la façade policée de leurs vies. Roman choral comme seuls savent les réussir les Américains, cet été à Syracuse convoque deux couples plus ou moins amis, une enfant, forcément précoce, des névroses en pagaille. On les regarde se débattre en se disant : ouf, rien à voir avec nous. F. F. ❤❤❤ Par Delia Ephron, éd. Michel Lafon, 352 p., 19,95 €.
TOUT UN ÉTÉ SANS FACEBOOK
Quand on s’appelle Agatha Crispies, fille de flic et flic soi-même, adorant les donuts au chocolat et férue de littérature, se retrouver placardisée à New York, Colorado, est un genre de purgatoire. Aucun crime, aucune distraction et même pas de réseau pour surfer sur Internet et inventer sa vie. Alors, quand se produit un meurtre, Agatha est prête à tout, y compris à voler l’affaire au shérif d’à côté, d’autant qu’il a un nom de hamburger. Un roman policier totalement loufoque, mené de main de maître par un Romain Puértolas, toujours aussi heureux de casser les codes. F. F.
❤❤❤ Par Romain Puértolas, éd. Le Dilettante, 384 p., 22 €.
EMBRUNS
Les Moreau ont tout pour eux. Séduisants, amoureux après
20 ans de mariage, dotés de deux grands enfants, beaux, sportifs et épanouis. La jolie famille parisienne part passer un week-end sur une petite île bretonne. Les locaux, bien que jugés un peu ploucs, se montrent affables. Pourtant, quand Marion, la benjamine, disparaît, l’île et ses habitants prennent une allure hostile. On pense à Délivrance au pays du chouchen. Mais ce serait trop simple. Louise Mey nous avait épatés avec son premier roman, c’est avec un grand frisson de plaisir qu’on la laisse nous balader tout au long de cette intrigue. E.-M. B.
❤❤❤ Par Louise Mey, éd. Fleuve Noir, 334 p., 18,90 €.
VALET DE PIQUE
Quel ennui que le succès ! Pour se divertir, Andrew J. Rush, surnommé « le Stephen King du gentleman », décide d’écrire des romans trash. Personne ne doit savoir, pas même son épouse ni son éditeur. Jusqu’au jour où une accusation de plagiat est le grain de sable qui fait tout dérailler. Blessé dans son amour-propre, le romancier sort de ses gonds et laisse peu à peu son double, le Valet de pique, mener la danse… Joyce Carol Oates s’adonne depuis longtemps à l’écriture sous pseudo. Véritable as de la supercherie, elle mène un jeu de dupes absolument délicieux. N. S.
❤❤❤ Par Joyce Carol Oates, éd. Philippe Rey, 218 p., 17 €.
VILLA KÉRYLOS
Bâtie en 1902, la Villa Kérylos est l’incarnation du rêve grec de Théodore Reinach, archéologue et helléniste érudit. Le lieu, sublime ode à l’Antiquité, a inspiré l’historien d’art Adrien Goetz. Il imagine le retour au bercail d’Achille, fils d’une cuisinière du village et protégé des frères Reinach. En parcourant la maison, il en mesure l’utopie. Ses maîtres, pétris d’humanisme, n’ont pourtant pas échappé à la folie meurtrière du XXe siècle. Ariane, son premier amour, s’est évaporée. Cette visite mêlant Histoire et fiction confirme le talent de l’auteur de La Dormeuse de Naples. N. S.
❤❤❤ Par Adrien Goetz, éd. Grasset, 350 p., 20 €.
LES DIEUX DU TANGO
La veille de son départ en Argentine, en 1913, Leda, 17 ans, reçoit de son père un violon qui aurait appartenu au roi de Naples. Il est pour l’homme qu’elle vient d’épouser par procuration. Seulement l’Italienne, lorsqu'elle débarque à Buenos Aires, est déjà veuve. La raison voudrait qu’elle reparte… mais l’instrument de musique devient l’outil de son émancipation. Carolina De Robertis nous donne la fièvre avec cette fresque à la sensualité langoureuse. Elle signe également un texte féministe qui traduit parfaitement l’impasse réservée aux femmes seules dans la société du XXe siècle naissant. N. S.
❤❤❤ Par Carolina De Robertis, éd. Cherche Midi, 545 p., 22 €.
LE VERTIGE DES FALAISES
Marnie n’a pas froid aux yeux. A bientôt 15 ans, elle a un prétendant qu’elle martyrise, sa mère, Rose, ne quitte pas sa chambre et sa grandmère, Olivia, mène son monde à la baguette en cachant une fêlure secrète. Mortemer, son île aux secrets, est leur royaume. Chez l’auteur de l’Autobiographie d’une courgette,
l’enfance cabossée est un terrain de prédilection. Et pour cause, Gilles Paris écrit comme si nous avions encore 15 ans. Résultat, c’est touchant, fantasque, poétique et non dénué de suspense. Bel hommage à deux de ses auteurs fétiches : Daphné du Maurier et Alfred Hitchcock. I. B. ❤❤❤ Par Gilles Paris, éd. Plon, 256 p., 16,90 €.
LES JOURS ENFUIS
Il est éditeur, elle distribue des repas dans une association caritative. Ils habitent avec leurs jumeaux de 11 ans un loft à Soho. Corrine et Russell Calloway forment un des couples les plus solides de la haute société new-yorkaise. Sauf qu’ils sont fauchés et ont du mal à négocier le virage de la cinquantaine. Corrine renoue avec un ancien amant, Russel s’enlise dans des coups d’édition hasardeux. Lehman Brothers ne va pas tarder à s’effondrer… Enfant terrible de la littérature américaine dans les années 80, Jay McInerney a adouci sa partition. Plus tendre, plus mesurée... Toujours aussi talentueuse. I. B. ❤❤❤ Par Jay McInerney, éd de l’Olivier, 496 p., 22,50 €.
LES FILLES AU LION
Londres 1967. Odelle, venue des Caraïbes et diplômée de littérature, décroche un poste de dactylo dans une galerie d’art. Pas une fin en soi – elle rêve de devenir écrivain –, mais une prouesse pour qui est confronté(e) au racisme ordinaire. Andalousie 1936. Olive, 19 ans, ultra-douée, se cache dans le grenier pour peindre. Son père, marchand d’art, ne reconnaît pas le moindre talent aux femmes. Deux destins de femmes en quête d’émancipation, liées par un mystérieux tableau. Tout est formidable : l’énigme, le rythme, les personnages secondaires, la minutie des descriptions…
Du – très – grand roman. I. B.
❤❤❤ Par Jessie Burton, éd. Gallimard, 484 p., 22,50 €.