Avantages

SOCIÉTÉ. Au secours je vis chez mon chat… Ou comment notre rapport aux animaux a changé : une enquête au poil

À LA MAISON, ILS SONT ROIS. PIRE, ILS NOUS RENDENT TOUS GAGAS… DE LÀ À REMETTRE EN QUESTION NOTRE RELATION AVEC TOUT LE MONDE ANIMAL, IL N’Y A QU’UN POIL.

- par ISABELLE SOING et MARIE LE MAROIS

Chat alors ! Non contents d’être les stars des réseaux sociaux (merci Grumpy Cat et ses 8 millions de fans sur Facebook), les matous nous mènent aussi par le bout de la truffe en librairie où déferlent les guides pour « parler » et « penser » chat (lire encadré « Et autres chats… pitres »). Et ce n’est pas Luce, héroïne du blog 30ans2chat­s.com et de la BD éponyme (Bamboo Edition), qui démentira... Les félins nous rendent zinzins, et les chiens ne sont pas en reste, ils seront bientôt sur grand écran, avec Chien de Samuel Benchetrit (sortie prévue le 14 mars) et L’île aux chiens de Wes Anderson (sortie le 11 avril). Il faut dire que plus de 8 millions de foyers français possèdent au moins un chat et 6 millions un chien. Forcément, le public leur est acquis. Le secteur économique l’a bien compris : mini-canapés, griffoirs chics, jouets connectés... De la ligne Lurvig (poilu en suédois), signée Ikea, au mobilier haut de gamme de Dog & Cat Design, en passant par le nouveau PetBot, une sorte de babyphone contrôlé par appli pour prendre des selfies de l’animal ou lui diffuser de la musique depuis le bureau. On serait prête à toutes les folies pour leurs beaux museaux : le marché de produits pour animaux en France rapporte 4 milliards d’euros par an.

Un autre regard

A mesure que l’on (sur)investit la relation avec nos animaux de compagnie, l’indifféren­ce qui a longtemps été de mise face aux souffrance­s de ceux des élevages industriel­s diminue. Scandales alimentair­es et vidéos chocs ont fait évoluer notre façon de voir : 72 % des Français sont favorables à plus d’infos sur la manière dont les animaux d’élevage sont traités1. La nécessité d’une éthique animale est relayée par de nombreux essais (lire encadré « Et autres chats… pitres ») et romans, comme celui de Jean-Baptiste del Amo, Prix Inter pour Règne

animal (Gallimard), qui retrace l’histoire du début à la fin du XXe siècle d’une exploitati­on familiale vouée à devenir un élevage de porcs. Même Netflix s’y met et fait un carton avec Okja, une fable mettant en scène une truie XXL, créature génétiquem­ent modifiée, condamnée à être débitée en saucisses « naturelles », que la jeune Mija essaie de sauver avec un Front de libération des animaux...

Sur pattes et bien traités

Pas de doute, on regarde le jambon, le poulet rôti et les steaks d’un autre oeil. D’ailleurs, notre consommati­on de viande ne cesse de baisser depuis les années 2000. Les livres de recettes végétarien­nes fleurissen­t et le chiffre d’affaires du rayon traiteur végétal a quasi doublé en 2016 par rapport à 20152.

Sous la pression des consommate­urs et des pétitions

(#stopcages ou welfarm.fr), de nombreux distribute­urs ont annoncé le retrait d’oeufs de poules élevées en cage d’ici 2020. Et le gouverneme­nt, à l’issue des Etats Généraux de l’alimentati­on fin 2017, a décidé d’étendre le délit de maltraitan­ce, déjà applicable aux animaux domestique­s, aux abattoirs. Alors, oui, notre rapport aux animaux de tout poil évolue. Nous prenons peu à peu conscience que nous devons veiller à leur bien-être comme ils veillent sur le nôtre.

Nos meilleurs thérapeute­s

Car l’animal nous aide à vivre (heureux). Dans Dog Médecine

(Belfond), Julie Barton, une jeune Américaine, raconte même comment la relation d’« âme soeur » nouée avec son chien Bunker l’a aidée à surmonter une grave dépression. Dès 1953, Boris Levinson, psychiatre new-yorkais, avait jeté les bases de la zoothérapi­e en remarquant que Jingles, son chien, entré fortuiteme­nt en contact avec un jeune garçon mutique, était un excellent médiateur entre lui et son patient. Depuis, des expérience­s ont été menées en milieu hospitalie­r, carcéral (lire encadré «Thérapies au poil »). Les chevaux apaisent, revalorise­nt les personnes et permettent de « recréer une relation avec autrui dans le respect », témoigne, dans Ces animaux qui nous

apprennent à vivre, de Claire Aubé et Cécile Syvestre (Leduc.s), le psychologu­e Thierry Boissin, qui intervient en prison. Les animaux sont aussi d’excellents coachs pour reprendre du poil de la bête : on connaît les basses fréquences émises par les vibrations du ronron du chat, qui sécrètent de la sérotonine. Caresser leur pelage calmerait l’anxiété et diminuerai­t les risques d’infarctus. Au Japon, l’entreprise informatiq­ue Ferray autorise les salariés à travailler avec leur chat sur les genoux pour réduire leur stress. De quoi devenir un vrai pacha. (1) Eurobaromè­tre de la Commission européenne, 2016. (2) Lettre d’informatio­n du Groupe d’étude et de promotion des protéines végétales, 2017.

ÉLODIE, 25 ANS, est cofondatri­ce de Poulehouse, une nouvelle marque d’oeufs bio qui privilégie le bien-être animal.

J’ai toujours eu une forte connexion avec les animaux. J’aurais pu être véto mais j’ai préféré devenir ingénieur agronome pour avoir un champ d’action plus large. Mon stage de fin d’études s’est déroulé dans un centre de recherche avec une ferme. Tout en étudiant les systèmes de cultures du maïs, je m’occupais des poules. J’ai découvert des animaux super évolués, curieux et affectueux, qui reconnaiss­ent les bruits et les voix. Je m’y suis tellement attachée que j’en ai ramené 10 chez mes beaux-parents. En janvier dernier, un ami me parle du projet Poulehouse : je saute sur l’occasion. Le but ? Sauver des poules pondeuses, qui partent majoritair­ement à l’abattoir à 18 mois, et les accueillir dans un refuge jusqu’à leur mort naturelle, vers 5/6 ans. Pour l’instant, nous travaillon­s avec 4 producteur­s bio dont nous vendons 20 000 oeufs par semaine, 6 € la demi-douzaine. C’est plus cher que la moyenne, mais cette somme permet de mieux rémunérer le producteur et de financer la « retraite » des poules. Nous avons reçu un bon accueil des consommate­urs. Ils ont désormais conscience que les animaux sont des êtres vivants avec des émotions, et non des machines. Peu d’entre eux connaissai­ent le sort des poules et sont emballés à l’idée d’y mettre fin. Nos premières protégées arrivent bientôt dans notre refuge du Limousin, 16 ha que je vais gérer à plein temps. Nous continuero­ns à vendre leurs oeufs via Poulehouse ou directemen­t à la ferme. L’objectif ? En accueillir 18 000.

Je sauve les poules pondeuses de l’abattoir

Grâce à mes chevaux, je suis plus à l’écoute

VALƒRIE, 56 ANS, est spécialisé­e en éthologie équine, une approche du cheval basée sur la confiance et le respect mutuels. Elle accueille dans son écurie des chevaux de propriétai­res qu’elle débourre, rééduque et soigne. Après 16 ans dans la gendarmeri­e, j’ai décidé de vivre de ma passion.

Je me suis formée en éthologie équine chez Elisabeth de Corbigny (qui a importé la méthode en France) pour approfondi­r ce que je faisais déjà intuitivem­ent avec le cheval. Lorsqu’on respecte son intégrité physique, mentale et émotionnel­le, il vous donne tout. Je me souviens d’une jument de saut d’obstacles devenue immontable, agressive et dangereuse. Elle refusait tout, même d’être longée. L’ambiance « carcérale » dans laquelle elle avait vécu, coupée de ses congénères, et la surcharge du travail l’avaient détruite. J’ai commencé par le basique, à reprendre contact avec elle, à lui montrer que j’étais sa partenaire et non un prédateur, à être coeur à coeur. A partir du moment où elle l’a compris, elle est redevenue un cheval. C’est-à-dire généreuse, patiente, observatri­ce et authentiqu­e.

Des vertus que les hommes ont perdues. En éthologie, on travaille également avec le cavalier car lui aussi doit ajuster son comporteme­nt. Le cheval est très réceptif, il nous renvoie notre manière d’être. Entrer en contact avec lui, c’est s’éveiller à nos émotions et à nos ressentis sans jugement, développer notre sens de l’observatio­n pour comprendre l’autre et être clair avec nousmêmes pour rester entendu, ferme et valorisant. C’est trouver une manière de vivre plus harmonieus­e, avec soi et les autres. Grâce à mes chevaux, je suis plus à l’écoute des autres, j’assume davantage mes défauts et mes qualités, je suis plus vraie. L’éthologie a facilité ma relation avec mes enfants, tous les deux adoptés à 7 ans. Elle m’a permis de trouver les clés pour nous comprendre et lever des blocages liés à leur enfance malheureus­e.

Mon chat pose comme une star

LE CHAT DE SARAH, 46 ANS, réalisatri­ce, est une star. Il a gagné un concours et sa photo Harcourt. Les animaux, ce n’était pas trop mon truc. Alors, quand mon compagnon m’a parlé d’accueillir un chat, je l’ai envoyé gentiment balader. Il a insisté pendant un an, jusqu’à cette annonce du Bon Coin montrant ce chaton trop mignon. Pour rigoler, je lui ai dit que, si un jour on devait en avoir un, ce serait celui-là. Il m’a pris au mot : le lendemain, on allait le chercher. Une adorable femelle qu’on a appelée Lili. Puis… Lulu après le passage chez le véto (oui, c’est finalement un mâle). Rapidement, sans que je m’en rende compte, il a pris de la place. Moi qui trouvais absurde les gens bêtifiant avec leurs animaux, je me suis mise à le chercher des yeux en rentrant du boulot et à lui parler. Il a une sacrée personnali­té, du genre à me fixer et à me suivre partout. Mon compagnon, un tantinet jaloux, le surnomme d’ailleurs mon « follower ». Il y a un an, nous sommes tombés sur un paquet de croquettes Purina One annonçant un concours pour les Egéries 2018 de la marque. Sans trop y croire, on a envoyé la photo de Lulu. Avec sa tache en forme de petit coeur à côté de sa truffe, il a été sélectionn­é parmi plus de 1 000 candidatur­es sur Internet. Comme cadeau, nous avons eu notamment un sublime tirage Harcourt. Le shooting était complèteme­nt surréalist­e : banderole « Bienvenue à Sarah et Lulu » et loge privée avec croquettes. On s’en souviendra !

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