Collines d’émeraude, rivières bouillonnantes et villages perchés, l’Ardèche protège ses paysages comme son artisanat.
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PAR ÉVA GURY
Prêts pour la chasse aux trésors ? Direction l’Ardèche, pour découvrir sa vraie nature
Ça va de soie
Il aura suffi d’un papillon pour changer la destinée de tout un coin de France. Présente dès le XIVe siècle, la culture du ver à soie (sériciculture) s’intensifie avec l’introduction des mûriers platanes par Olivier de Serres au XVIe siècle, à Villeneuvede-Berg. En 1850, le département produisait jusqu’à 3 500 tonnes de cocons. Les magnaneries tournent alors à plein régime tout comme les moulinages, qui transforment les cocons en fils pour les envoyer à Lyon où ils sont tissés.
Si, aujourd’hui, il ne reste plus que quelques productions artisanales, la région a gardé au creux des pierres le souvenir de cette fabuleuse épopée. Explorer cette Ardèche méridionale, ensoleillée et presque méditerranéenne permet de la découvrir. Dans ces décors de calcaire blanc, de pins et de mûriers platanes, dans la fraîcheur de sa rivière qui a taillé les falaises de ses gorges du côté de Vallon-Pont-d’Arc, des traces de cette industrie de la soie résonnent encore, à Labeaume, Balazuc, Aubenas, Lagorce ou Labastide-de-Virac. Pays soyeux aux villages de charme accrochés aux falaises ou assis au bord de l’eau, terre d’ombre et de lumière, cette Ardèche-là affiche les pierres de ses magnaneries, dont certaines ont été réhabilitées avec talent, mais aussi de ses châteaux, comme celui des Roure, où la sériciculture est encore d’actualité.
Un petit joyau
Des vallées profondes. Des rivières aux eaux limpides. D’anciennes coulées volcaniques. Des orgues basaltiques… Au coeur de l’Ardèche, il est une terre secrète que l’on découvre au fil de routes sinueuses. Un pays âpre, une pépite boisée semée de châtaigniers que l’on appelle le pays des Boutières, un véritable joyau qui a fait du bijou son atout. Dans ces paysages encaissés où les pentes sont striées de faysses, ces terrasses de culture ourlées par l’homme, le plaqué or laminé a trouvé sa terre d’expression. En 1868, Georges Murat y a implanté la première usine de bijoux. Spécialisée dans la fabrication de chaînes, mais aussi de pommeaux de canne argentés, de boîtes à priser et de ciseaux à broder, la société a fait le succès de la vallée. Au confluent de l’Eyrieux et de l’Eysse, à Saint-Martin-de-Valamas, dans la Vallée du Bijou, artisans et commerçants perpétuent une tradition. Au Cheylard, où l’on se pose quelques instants à l’ombre de la place Saléon Terras, et à Saint-Martin-de-Valamas, veillé par les ruines du château de Rochebonne, ciselures et dorures donnent de l’éclat aux paysages.
La mémoire dans la peau
Du vert et du brun. S’il ne fallait que deux couleurs pour dépeindre le nord de l’Ardèche, ce serait celles-ci. Le vert des collines, le brun des peaux que l’on tannait du côté d’Annonay. Il suffit de se balader dans cette ville édifiée en forme d’amphithéâtre, le long des berges de la Cance et de la Deûme, pour plonger quelques siècles en arrière. Au XVIIe siècle tout d’abord, lorsque les Montgolfier implantèrent une industrie papetière. Puis, au XVIIIe siècle, où quantité de peaux de vaches et de moutons étaient traitées par les tanneries. Attirées par la qualité de l’eau et la force motrice des rivières, les entreprises affluèrent dans cette ville connue aussi pour avoir vu, le 14 décembre 1782, la première montgolfière s’envoler. Une montgolfière fabriquée à partir d’un grand sac de papier doublé de toile. Aujourd’hui, la mémoire de ce savoir-faire est toujours présente. Si quelques sociétés perpétuent la tradition, les vestiges d’anciennes tanneries ou mégisseries aux façades de briques usées racontent l’histoire des lieux, dont la destinée coule au fil de l’eau omniprésente, une eau source de richesse, mais aussi d’étonnement. Pour preuve, la monumentale Roche Péréandre, haute de 39 m, sculptée par la nature dans les flots de la Cance. Comme un point d’exclamation ponctuant un territoire.