C’est un pays secret, à découvrir sur la pointe des pieds, entre Massif central et Bassin aquitain. Dans la pénombre de ses grottes, depuis ses falaises ensoleillées ou au fil des rues pavées de ses villages aux couleurs du temps.
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PAR ÉVA GURY
À chacun son Lot
Au coeur des entrailles
Comment imaginer, en se baladant sur ces causses, ces combes et ces vallées, qu’à quelques mètres sous terre une incroyable vie souterraine existe ? Une vie d’ombres et de lumières, de creux et de pleins, de lignes brisées et de courbes infinies… Les rivières ont sculpté des cathédrales et creusé des gouffres, façonné des grottes. Travaillés par les vallées de la Dordogne, du Lot et du Célé, les plateaux calcaires de la région ont laissé l’eau s’immiscer au plus profond de leurs entrailles. La roche tailladée par les mouvements des rivières souterraines s’est ouverte et polie pour offrir aujourd’hui des chambres aux formes arrondies, aux déliés féeriques de couleurs ocre ou blanche, semées de concrétions. Le Lot cache une multitude de gouffres et de grottes. Leurs noms ? Padirac et son trou géant de 35 m de diamètre, Lacave et sa salle des merveilles phosphorescentes dans les lumières ultraviolettes, mais également Presque, la grotte aux piliers de stalactites de 10 m. Si la nature livre ici toutes ses facéties, à quelques kilomètres, c’est l’homme qui a laissé son empreinte. Sur les parois de Pech Merle, 70 figurations animales et humaines, dont celle, célèbre, des chevaux, ponctués de 212 points noirs et rouges, qui nous ramènent plus de 25 000 ans en arrière. Tout comme d’ailleurs celle de Cougnac qui, sous une pluie de stalactites, dévoile ses signes géométriques et ses traces de mains.
Prendre de la hauteur
Entre chênaies rabougries, rangées de ceps noueux et noyers inondant les vergers, ce petit coin de France brise les lignes d’horizon de villages accrochés au bleu du ciel. Ici ou là, les hommes ont pris de la hauteur, campant maisons et églises au-dessus des flots et des champs. Au hasard des détours d’une route, ils surgissent sans crier gare. Les plus connus s’appellent Saint-Cirq-Lapopie et Rocamadour. Si le premier est « une rose impossible dans la nuit », comme l’écrivait André Breton, et a conservé son allure médiévale à grand renfort d’arcades, d’escaliers et de portes fortifiées, le second semble suspendu en apesanteur au-dessus des gorges de l’Alzou. Ici flotte un parfum de spiritualité, inhérent aux nombreux édifices religieux et sanctuaires construits pour accueillir les pèlerins. Moins connus, mais tout aussi touchants, Albas, sur son piton rocheux, offre un superbe point de vue sur le vignoble et la rivière où sont amarrées quelques gabares, Faycelles, avec ses maisons aux toits bruns typiques du Quercy, ou encore Cabrerets et SaintSulpice, accrochés à la corniche, où sont creusées, faute de place, des maisons troglodytiques. Épousant la roche, ces villages semblent entre ciel et terre.
Trois couleurs
Dans une des boucles du Lot pointe la silhouette de la ville où tout commence et tout finit, Cahors. Depuis le pont Valentré aux trois tours fortifiées, de ses rues médiévales qui s’entremêlent ou de ses jardins secrets cachés à l’ombre des cours, la cité affiche le rouge de ses briques, le gris du calcaire et l’ocre du grès. Trois couleurs qui, comme un fil conducteur, unissent ses villes et villages. Pour preuve, Gourdon et ses maisons à colombages héritées du Moyen-Age, Milhac et son château fort, mais aussi Figeac, ses façades sculptées et ses ruelles sinueuses, où se cache la maison natale de Champollion. En filant sur les Causses, c’est le gris qui prend la relève avec, comme chef de file, Espédaillac. Ici, ce sont les murets en pierres sèches, les puits ouverts, les cazelles (cabanes) et les granges à moutons qui font le décor. On les découvre au gré des sentiers de randonnée qui parcourent un Lot où le malbec, le cépage typique, est roi, où les forêts se font touffues et les marchés de Martel, Montcuq ou Prayssac débordent de saveurs. ■