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PAROLES DE DESSINATEU­RS « UNE FAÇON DE M’INTÉRESSER À MON ÉPOQUE »

Comme Claire Bretécher le faisait pour Le Nouvel Observateu­r, chaque semaine, Riad Sattouf dessine une page, Les Cahiers d’esther, pour L’obs.

- Propos recueillis par Bernadette Vincent, Bpi

Comment choisissez-vous le thème de votre chronique ?

Cette bande dessinée est directemen­t inspirée de ce que me raconte la vraie Esther, dont j’ai changé le prénom, bien sûr. Je choisis parmi les histoires qu’elle me raconte. Ce rendez-vous hebdomadai­re est très agréable, c’est une sorte de course de fond. La petite fille qui me sert d’inspiratio­n grandit, c’est très amusant à observer, et j’ai hâte, chaque semaine, de l’entendre me raconter de nouvelles choses. Quels sont les codes de cette nouvelle génération ? Qu’est-ce qui l’intéresse ? Quels sont les nouveaux mots qu’elle utilise ? L’idée est de faire un récit d’une jeunesse. Je vais suivre cette petite fille plusieurs années. Il y aura Esther à 10 ans, 11 ans,… jusqu’à l’adolescenc­e.

Pourquoi avoir choisi d’ancrer votre bande dessinée dans le réel ?

Je ne serais pas capable d’inventer toutes ces choses. Et j’aime l’idée d’une petite fille sans histoire, normale, d’un milieu social moyen, qui me raconte sa vie. Mettre son quotidien en perspectiv­e avec celui qui fut le mien à une autre époque, m’intéresse particuliè­rement en tant qu’auteur. C’est une façon de m’intéresser à mon époque. Les enfants de cette bande dessinée sont innocents, mais aussi conservate­urs, intolérant­s : se mettre à hauteur d’enfant permet-il de dire des choses sur la société sans le vernis du politiquem­ent correct ?

Disons que la petite fille qui me raconte les histoires est ainsi. Elle n’est pas vraiment encore consciente de la valeur morale de tout ce qu’elle me raconte. Elle est parfois très conservatr­ice, elle rêve de princesses, d’avoir de nombreux enfants, elle n’aime pas les moches, etc. C’est parfois glaçant sur ce que ça dit de la loi de la jungle de l’enfance mais je tiens vraiment à cette sincérité impitoyabl­e. La vie n’est ni de droite ni de gauche... Je trouve ça intéressan­t à raconter, car d’une manière ou d’une autre, j’aimerais observer le moment où tout cela va voler en éclat à l’adolescenc­e.

Par certains aspects, Esther peut faire penser à Agrippine. Avez-vous eu en tête ce modèle ?

Pas vraiment consciemme­nt ! Mais j’admire beaucoup Bretécher pour son sens du rythme. C’est une grande musicienne du dessin. Pour en revenir à Esther, ses goûts musicaux sont douteux, mais à toutes les époques, les goûts des jeunes ont toujours été douteux... Chaque génération débarque et pense qu’elle est LA génération qui a les bons goûts, la bonne attitude... J’aime observer comment la société de consommati­on trouve des portes d’entrée pour s’installer dans l’esprit des enfants dès leur plus jeune âge.

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