Balises

LES MYSTÈRES D’ANTONIO

Révélée en France en 2014 avec La Petite Lumière, l’oeuvre de l’écrivain italien Antonio Moresco est une invitation à plonger notre regard au-delà de la surface des choses.

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Écrits en 1979, les premiers textes d’antonio Moresco, regroupés sous le titre Clandestin­ità, n’ont été publiés qu’en 1993. Ce premier titre, essentiel, indique la ferme volonté de l’auteur – que l’on retrouvera comme une constante chez ses protagonis­tes – de prendre ses distances vis-à-vis d’un monde toujours plus centré et fermé sur lui-même ; de se mettre en retrait des effets de mode liés à une descriptio­n socio-psychologi­que des territoire­s du réel ; de vouloir tout bonnement disparaîtr­e, autrement dit fuir, de la surface plate des choses pour contempler des profondeur­s insolites. Le lecteur en fera l’expérience dès le début de La Petite Lumière et de Fable d’amour, romans-météorites détachés de l’oeuvre maîtresse.

Cette volonté de s’effacer d’un réel de nous connu n’est pas sans susciter une situation d’étrangeté ; elle invente surtout une nouvelle liberté d’évasion littéraire, une façon inédite d’entrer dans la création romanesque, voire dans la Création. Aussi n’est-il sans doute pas anodin que l’oeuvre maîtresse de l’écrivain, composée de trois volumes non encore traduits en français, s’intitule précisémen­t L’increato (L’incréé). Beauté et mystère d’un terme qui porte en lui, par la bisémie de son préfixe (sans et dans), des perspectiv­es qui, d’un côté, invalident une certaine vision oxydée, homologuée, illusoire, statique, et par trop banale du monde et de la littératur­e qui le décrit (ou pas) ; et de l’autre, propose de faire passer notre regard par-delà le tain, vers un intérieur nouveau, afin que nous apercevion­s et que nous approchion­s l’immensité du fond (invisible) des choses et de nous-mêmes.

L’écriture de Moresco ouvre donc grand à l’imaginaire. C’est une écriture limpide et puissante. Limpide comme une eau calme. Puissante comme la lumière des étoiles – et des mots – dans un ciel nocturne. Et des images se forment, qui aspirent et inspirent notre fantaisie ou nos rêves dans l’obscurité impavide de la profondeur, là où se trouvent d’autres petites lumières (quand on sait les voir), là où poudroie le fabuleux, là où temps et espace sont rendus à leur infinie dilatation, là où tout se confond : vie et mort ; jour et nuit ; rêve et réalité.

Laurent Lombard, traducteur de La Petite Lumière et de Fable d’amour d’antonio Moresco (Verdier)

Fable d’amour Lecture de La Petite Lumière par Anne Alvaro accompagné­e au violon par Alessio Barré suivie d’une rencontre avec Antonio Moresco et Laurent Lombart Lundi 19 octobre 20 heures, Petite Salle Je suis venu ici pour disparaîtr­e

Antonio Moresco, La Petite Lumière

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