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QU’EST-CE QUE LES SOUND STUDIES ?

Le son, à la différence des notes, n’avait jamais été beaucoup étudié par la recherche jusqu’à l’émergence des Sound Studies. Celles- ci s’intéressen­t, dans une approche globale, à la réalité sonore qui nous entoure.

- Bernadette Vincent, Bpi

Les Sound Studies sont un champ d’étude se situant à l’intersecti­on de la musicologi­e, des sciences de l’informatio­n et de l’anthropolo­gie. Les chercheurs américains Trevor J. Pinch et Karin Bijstervel­d les définissen­t en 1977 comme l’étude de « la production et de la réception de musiques, sons, bruits et silence » et de leur évolution « à travers l’histoire et dans les différente­s sociétés ». En France dans les années 1970, Jacques Attali écrit un livre fondateur pour les Sound Studies : Bruits, Essai sur l’économie politique de la musique, et Jean-françois Augoyard crée le Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnem­ent urbain (CRESSON). Mais la discipline n’émerge pas réellement avant les années 2010.

Toute écoute est signifiant­e

Enregistré, diffusé, modifié, le son participe de tous les grands événements politiques des Xxème et Xxième siècles. On peut prendre pour exemple l’utilisatio­n de la musique metal comme moyen de torture à Guantanamo. Le verbe « entendre » laisse croire à une certaine passivité qui est trompeuse, toute écoute est signifiant­e. Ainsi le chercheur américain Sumanth Gopinath propose une analyse de la sonnerie, qui est un son central dans l’histoire économique, politique et artistique occidental­e : sonneries d’usine, klaxons ou alarmes antivol façonnent notre quotidien sonore. Que seraient les films policiers sans les sonneries de téléphone qui ponctuent l’intrigue, devenant des éléments clés du scénario ? Le son joue également un rôle essentiel dans l’architectu­re et l’urbanisme avec les questions de lutte contre la pollution sonore : l’harmonie sonore de la ville est un horizon difficile à atteindre.

La musique entre acte artistique et outil de manipulati­on La musique reste un sujet d’étude privilégié des Sound Studies. Contrairem­ent à ce qu’en fait la musicologi­e, elle n’est pas pensée comme une esthétique, mais comme un signifiant en relation avec d’autres signifiant­s sonores. Les liens entre musique et économie sont particuliè­rement intéressan­ts : l’utilisatio­n de la première dans les messages publicitai­res participe du storytelli­ng des marques et du capitalism­e en général. Par exemple, en 1971, une vidéo publicitai­re de Coca-cola, Give the World a Coke, montre des jeunes de toutes nationalit­és, chantant en coeur, une bouteille de soda à la main. Cette chanson qui reprend des codes musicaux de la musique hippie participe à la constructi­on de l’image de l’entreprise, comme bienfaitri­ce de l’humanité, dépassant les clivages ethniques et politiques dans le contexte de la guerre du Vietnam. L’année suivante, elle est reprise par le groupe The New Seekers : I’d Like to Teach the World to Sing devient un tube aux États-unis, brouillant ainsi la frontière – toujours poreuse – entre la musique comme acte artistique et comme outil de manipulati­on.

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Cycle : Place aux revues Politiques sonores Lundi 16 novembre 19 heures, Petite Salle

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