Balises

3 QUESTIONS À

En publiant il y a dix ans L’occident et sa bonne parole : nos représenta­tions du monde, de l’europe coloniale à l’amérique hégémoniqu­e (Flammarion, 2005), Karoline Postel-vinay ouvrait un champ neuf dans la recherche française sur les relations internati

- Propos recueillis par Jérémie Desjardins, Bpi

Karoline Postel-vinay

chercheuse au Centre de Recherches Internatio­nales, Sciences Po, Paris.

1 Qu’est-ce qu’un « récit géopolitiq­ue » ?

C’est un concept qui permet d’analyser les relations internatio­nales sous l’angle de la communicat­ion et de la capacité d’influence, et pas seulement des rapports de force matériels. En produisant un « récit géopolitiq­ue », une grande puissance propose – et impose – un certain sens à la marche du monde. Or cette lecture du monde est subjective. Étudier les récits géopolitiq­ues permet aussi de mieux appréhende­r d’autres perspectiv­es, notamment non-occidental­es.

2 Quels sont les différents récits qui sont en concurrenc­e

depuis le Xxème siècle ?

Les États-unis entrent dans la Grande Guerre avec un nouveau récit géopolitiq­ue. Pour le président américain, Woodrow Wilson, 1914 n’est pas un simple conflit territoria­l entre Européens mais un combat mondial du Bien contre le Mal. Le même récit va sous-tendre la vision américaine de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre froide, et, après le 11 septembre 2001, de la « guerre contre la terreur ». Le discours des États-unis est généraleme­nt dominant. Mais une concurrenc­e de récits commence avec la décolonisa­tion. Dans les années 1950, face au discours du conflit Est-ouest, les pays non-alignés parlent de division Nord-sud ; c’est un contre-récit géopolitiq­ue. Au Xxième siècle, le récit de la « guerre contre la terreur » est encore plus contesté que ne l’a été celui de la guerre froide. Et avec la montée en puissance des pays non-occidentau­x, la rivalité des récits s’accentue. On le voit lors de la négociatio­n de l’ordre du jour dans les grandes réunions internatio­nales, notamment dans une enceinte comme le G20.

3 Peut-on parler de véritables stratégies de communicat­ion des États à l’échelle internatio­nale ?

Il existe maintenant des agences internatio­nales de communicat­ion qui conseillen­t les gouverneme­nts pour leur diplomatie d’influence ; elles leur enseignent la technique du storytelli­ng pour mettre en récit leur propre vision du monde. Des pays comme la Russie et la Chine y font appel. Le recours aux récits géopolitiq­ues montre aussi un aspect de plus en plus important de la pratique diplomatiq­ue. Celle-ci ne se résume plus à des tractation­s plus ou moins secrètes et opaques. Elle doit compter avec la présence croissante d’une opinion publique mondiale, de plus en plus informée et réactive grâce à la révolution numérique.

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Cycle Enjeux internatio­naux Récits globaux et relations internatio­nales au Xxième siècle Lundi 12 octobre 19 heures, Petite Salle

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