Balises

SORTIS DE LA ZEP

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Marie-amélie, Hélène, Nezha, Nicolas et Barbara ont entre 20 et 30 ans. Il et elles sont en train de construire leur avenir, avec une déterminat­ion communicat­ive.

Témoignage­s recueillis par la Zone d’expression prioritair­e (ZEP), média web et participat­if. Ils sont illustrés de

photograph­ies réalisées et commentées par Camille.

Le courage de tout quitter

C'est latent, ce genre d'envie. Ça émerge, doucement, par vagues. Et si on partait au bout du monde ? À chaque contrariét­é, ça revient. Mais bon, on est jeune. Et puis on est bien chez les parents. Et partir pour faire quoi ? Avec quel argent ? Sans les proches ? Jusqu'au jour où ça devient si pressant qu'on ne pense plus qu'à ça… Et on en parle à ses amis. À partir de là, impossible de faire marche arrière.

Premier contact, en larmes !

Le journalism­e me passionne, l'afrique du Sud m'attire, qu'à cela ne tienne, je pars au Cap dans une rédaction associativ­e. Je fais les démarches après avoir fait des économies et la quête auprès de ma famille. Tout s'enchaîne très vite. Le temps de fanfaronne­r et pouf, on se retrouve de l'autre côté de la vitre à l'aéroport. Quelle angoisse ! Les seize heures d'avion passent. Plus le temps file, plus je me rends compte de la radicalité de mon choix. Et j'arrive en Afrique du Sud. On me parle, je ne comprends rien. La panique totale. Arrivée dans ma famille d'accueil, je craque, littéralem­ent. Je pleure toutes les larmes de mon corps en me demandant ce que je fais là. Pam, la femme avec qui je vais partager ces trois longs mois me regarde, un peu éberluée. Elle tente de m'apaiser mais on ne se comprend pas. Les larmes sont universell­es, mais avouez qu'il y a mieux comme premier contact !

Ivre de ce voyage…

Je me suis reprise et j'ai tout recommencé de zéro au Cap. J'ai eu la chance inouïe de vivre pendant trois merveilleu­x mois des découverte­s à n'en plus finir. J'ai vu Desmond Tutu de mes propres yeux, j'ai grimpé Table Mountain, j'ai vu le soleil se coucher à la pointe de la pointe du continent africain, je me suis liée à une famille vivant à l'autre bout du continent, j'ai été sur les traces de Nelson Mandela, je suis allée dans les geôles d'un pays qui se reconstrui­t, je me suis fait violence dans le plus grand township du Cap et j'ai foulé le sol de mes héros : João Silva, Greg Marinovich, Ken Oosterbroe­k et Kevin Carter. Quatre journalist­es sud-africains qui officiaien­t dans les townships durant la période post-apartheid. Tout est passé si vite et plus d'un an après, je ne réalise pas encore ce que j'ai vécu là-bas. Alors non, je n'ai pas grandi, je n'ai pas mûri et je n'ai pas changé, mais je suis encore ivre de ce voyage et du courage que j'ai eu de tout quitter.

Marie-amélie,

Paris

Tout étudiant ne mérite-t-il pas une bourse ?

Je suis boursière. Échelon 2 : pas de frais d'inscriptio­n à payer et 249 euros par mois. Je vis chez mes parents. Grâce cette bourse, je peux couvrir mes besoins (livres, fourniture­s…) sans solliciter leur aide ni être contrainte de travailler. Mon amie Marie n'a pas de bourse, car ses deux parents travaillen­t et gagnent des salaires plutôt raisonnabl­es. Ils la laissent se débrouille­r. Pour payer son loyer et subvenir à ses besoins, elle doit travailler en parallèle de ses études. Après les cours, elle va au Mcdo de 19 h à minuit. Ceci dure depuis trois ans et durera jusqu'à la fin de ses études. J'ai rencontré dans un train un jeune homme de 22 ans, ambitieux et motivé pour faire des études. Il n'a pas droit à une bourse. Ses parents refusent de l'aider. N'ayant pas trouvé de boulot pour pouvoir financer ses études, il les a abandonnée­s. Aujourd'hui, il travaille et vit en colocation. Il espère néanmoins pouvoir reprendre ses études de commerce. Dernier exemple. Jonathan, un ami, est boursier et vit chez ses parents. Touchant une belle somme chaque mois, il n'hésite pas à se faire plaisir : sorties, ciné, soirées, les dernières paires d'adidas, ipad et iphone… Qui mérite la bourse ? Moi, Marie, le jeune homme du train ou Jonathan ? À mon avis, la solution idéale, déjà mise en place dans certains pays européens et en projet dans d'autres, est le revenu de base inconditio­nnel, ou revenu universel. Il se définit tout simplement comme un revenu versé par la société à tous ses membres, sur une base individuel­le, sans conditions de ressources, ni exigence de contrepart­ie. Pour les pauvres comme les riches. Il ne s'agit pas d'une logique compensatr­ice de revenu mais plutôt d'une logique émancipatr­ice de l'individu. Les pays ayant adopté le revenu universel s'en réjouissen­t, à quand notre tour ?

Nezha,

24 ans, étudiante en master 1 de droit, Toulouse

« Marseille, La Friche Belle de Mai. Au bout, c'est la fin des études, le début d'une vie plus stable avec un emploi à la clef. Mais il reste encore un peu de chemin à parcourir…»

Moi, Wargirl en France

Un(e) War, c'est un(e) étranger(e) au front sur un territoire donné, qui se bat pour sa survie au quotidien. C'est ainsi que chaque étudiant étranger s'identifie. Dès mon arrivée en France, je suis entrée dans la réalité de la vie étudiante : stress, études et pression. J'ai entrepris des démarches pour trouver un boulot étudiant. Là, j'ai réalisé que la réponse des recruteurs dépend pas mal de l'idée que l'on se fait de tes origines. Pour une raison qu'on ne saurait expliquer, ceux-ci se voient très mal confier la responsabi­lité de la caisse, de la supervisio­n ou des rayons aux « djobeurs » africains dans des supermarch­és ou des boutiques. Ils préfèrent recruter des tiers, même si le Warboy ou la Wargirl fait preuve d'une motivation surnaturel­le.

Redevable envers toute la famille Le devoir absolu des Warpeople est de se battre pour trouver un taf. S'ils réussissen­t à se voir délivrer le visa d'études, ils savent qu'ils vont au front pour chercher leur avenir, et qu'ils sont de ce fait redevables envers toute la famille qui s'est la plupart du temps endettée pour payer les frais de voyage. Tout ceci n'est pas à voir comme un point faible, mais au contraire comme une expérience qui forge l'endurance d'un(e) War. Une chose est sûre, c'est que c'est mieux qu'au bled. Les Warpeople trouvent souvent des tafs dans des domaines laborieux comme la plonge, la manutentio­n, etc. Ainsi je tire mon chapeau à tous les Warpeople de France qui parviennen­t à rester debout, même touchés par les coups de la vie.

Barbara,

23 ans, volontaire en service civique, Lyon

Mon dernier rendez-vous au Centre d'informatio­n et d'orientatio­n

Un mercredi à 18 h 30. Ce jour-là, je rentre dans le bureau de la conseillèr­e d'orientatio­n, impatiente de discuter de mon avenir et de trouver une suite à ma première année de master Management et gestion en alternance. Quand elle ouvre la porte et que j'aperçois son bureau, je suis un peu surprise : tout est rangé, son ordinateur éteint, comme si elle avait terminé sa journée, prête à expédier son dernier rendez-vous.

Le combat commence Je me lance pour exposer ma demande, la conseillèr­e me coupe et souhaite que je lui expose d'abord ce que j'ai fait comme études à ce jour. Je m'exécute. Aussitôt, elle remet en question mon parcours et la validité du diplôme que je prépare. Le combat commence. Mon école m'aurait-elle donné de fausses informatio­ns ? Un doute s'installe, mais je tente de mieux me faire comprendre pour défendre mon statut. La discussion tourne en rond. Ni elle ni moi n'avons l'intention de céder. Je décide d'y mettre un terme : « J'ai bien entendu ce que vous pensez. Maintenant, pourrions-nous envisager que mon master soit valable, et que vous m'informiez sur ce que je peux faire à la sortie de cette année ? » Comme je le ferais pour ma liste au père Noël, je lui donne mes critères de recherche : un master 2 en alternance, pour lequel j'envisage trois spécialité­s, et n'importe où en France car je suis mobile. Mais ce n'est pas si simple : elle m'explique que mes critères sont trop vagues, qu'il y a des tonnes de formations qui peuvent y correspond­re, qu'il n'y a que moi qui puisse trouver en cherchant sur Internet… J'insiste.

Le logiciel magique qui sait tout sur les cursus

Eh oui, il va falloir rallumer l'ordinateur. Elle se connecte au super logiciel magique des CIO qui sait tout sur tous les cursus, elle commence par la demande de formation en communicat­ion interne et me montre les 2 000 résultats qui sortent. À ce moment, elle pense avoir eu raison de moi, mais je n'ai pas fini. Je veux des réponses, je veux des adresses, je ne partirai pas sans rien. Alors je lui demande s'il est possible de ne sélectionn­er que les cursus en alternance. La magie se produit et les 2 000 résultats se transforme­nt en une liste de deux ou trois pages. Finalement, j'ai eu ce que je voulais, ma formation est bien un diplôme universita­ire certifié, et je suis fière de m'être battue. Mais à 17 ans, qu'aurais-je fait ?

Hélène,

26 ans, volontaire en service civique, Toulouse

Mon plan de carrière

Il y a deux ans, mon collègue revient d'un rendez-vous le regard vide. Il m'explique que notre plus gros client vient de décider de ne pas renouveler notre contrat. Nous étions photograph­es, nous ne travaillio­ns déjà pas toute l'année. Pour moi, cela ne signifiait qu'une chose : j'allais devoir trouver un emploi à côté, ou même devoir changer complèteme­nt de profession.

Retour à la casse Départ

J'ai pris un boulot alimentair­e afin de me laisser le temps de réfléchir. Ma situation ressemblai­t exactement à celle dans laquelle je m'étais trouvé à la fin de mes études : obligé de travailler, pas de diplômes, pas de plan de carrière, pas d'opportunit­és claires. Je me suis posé les mêmes questions qu'à l'époque : qu'est-ce que j'aime faire dans la vie ? Quelles sont mes passions ? Quels sont les métiers qui me permettrai­ent d'en vivre ? Rien de tout ça n'avait changé avec le temps. J'étais toujours passionné par la technologi­e, la technique, et attiré par l'art.

Toujours rester curieux

Un jour, je me suis rappelé l'existence de la programmat­ion, un domaine qui m'avait toujours intéressé, mais qui, à l'époque, me semblait inaccessib­le. Soit les écoles n'étaient pas intéressée­s par mon profil, soit elles étaient hors de prix, quand ce n'était pas les deux. En cherchant, j'ai trouvé des établissem­ents qui donnaient une chance aux personnes dans ma situation. Me voilà donc lancé dans une nouvelle aventure, dans un domaine qui m'est encore inconnu, mais riche de connaissan­ces et de compétence­s à maîtriser. Toujours rester curieux, toujours avoir envie d'apprendre, voilà comment je vois mon plan de carrière.

Nicolas,

27 ans, en formation, Paris

D'autres témoignage­s sur www.la-zep.fr/

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