Balises

CHANGER L’ÉCOLE POUR CHANGER LE MONDE

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Au début du XXE siècle, dans toute l’europe, des pédagogues

ont voulu inventer une éducation nouvelle. Traumatisé­s par la Première Guerre mondiale, ils reprochaie­nt à l'enseigneme­nt traditionn­el d'avoir fabriqué de « braves soldats » .

Réalisé à partir d’archives, le film de Joanna Grudzinska, Révolution école : 1918-1939, expériment­ations d’alexander Neill en Angleterre, de Maria Montessori en Italie, de Célestin Freinet en France, d’ovide Decroly en Belgique… et l’aventure commune de la Ligue Entretien avec

retrace les recherches et les internatio­nale pour l'éducation nouvelle. Joanna Grudzinska

Qu’est-ce qui vous a amenée à vous intéresser aux expérience­s

pédagogiqu­es du début du XXE siècle ? Je suis Polonaise, émigrée, fille de dissidents, petite-fille de communiste­s, j'ai eu envie de raconter l'histoire des valeurs qui m'ont construite : la solidarité, l'émancipati­on, la liberté de penser et d'être, l'esprit critique, etc. Ces valeurs, je les partage avec un grand nombre de personnes, au-delà de mes origines. Elles m'apparaisse­nt d'autant plus importante­s aujourd'hui que nos vies sont rythmées par des ruptures et des conflits violents. La question est de savoir comment s'en emparer de nouveau, comment faire en sorte que ces vertus cardinales de l'éducation ne soient pas reléguées dans un passé lointain.

D'où viennent les archives sur lesquelles vous avez travaillé ?

Elles appartienn­ent à des dizaines de fonds différents: certaines viennent des écoles elles-mêmes, d'autres d'instituts scientifiq­ues, pédagogiqu­es, psychologi­ques… ou de fonds d'archives qui documenten­t la vie de l'époque en général. Aux débuts du cinéma, les enfants ont été énormément filmés. Un des premiers films des frères Lumière n'est-il pas Le Repas de bébé ? Comme si le petit enfant et son comporteme­nt contenaien­t un mystère que l'outil caméra veut percer, documenter, et garder en mémoire. C'est précisémen­t cette double identité des images, à la fois scientifiq­ue et émotionnel­le, qui m'a touchée. Ces pédagogues s'intéressai­ent-ils aux émotions de l'enfant ? Ils ont tous essayé de partir de l'enfant, de le comprendre, de ne pas lui appliquer des normes qui ne le regardent pas. Ils se sont également envisagés eux-mêmes de manière neuve. Chacun a été sensible à certaines émotions infantiles : le désir, la peur, la joie, la gêne. Ils les ont reliées à leur critique de la société : injuste, intolérant­e, violente, excluante. La pédagogie dans l'entre-deux-guerres était politique, et elle le reste, assurément.

Réunies au sein de la Ligue internatio­nale pour l'éducation nouvelle, les différente­s pédagogies ne forment pas un ensemble homogène. Quelles sont les tensions qui les tiraillent ?

Spirituali­sme chrétien ou orientalis­ant, matérialis­me positivist­e, communisme utopique, freudisme libertaire, tous les courants de pensée du XXE siècle sont là, réunis pour abriter, inventer, pratiquer une pédagogie passionnée. Les hommes et femmes qui ont pensé l'éducation ne sont pas au-dessus de l'époque qui les a vus naître et mourir. Ils ont été rattrapés par des remises en cause intimes, des renverseme­nts historique­s, politiques. C'est une sacrée leçon d'humanité partagée, d'utopie en acte, d'imaginatio­n au pouvoir, mais aussi d'affronteme­nt loyal des idéologies les plus contraires.

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