TRAVAILLER, LUTTER, MILITER : LE FONDS CINÉ-ARCHIVES
Dès sa création en 1920, le Parti communiste français (PCF) se définit comme le parti de la classe ouvrière et, plus largement, comme celui des travailleurs. Pour mettre en avant ces derniers, très vite, il utilise le cinéma puis l'audiovisuel, produisant des centaines de films. Cet ensemble est extrêmement varié, tant du point de vue des thématiques abordées que des propositions formelles. Néanmoins, tous les films partagent une même raison d'être : utiliser l'image dans une perspective politique. Spécialiste des rapports entre cinéma et militantisme, Pauline Gallinari nous fait découvrir cette collection, aujourd'hui conservée par l'association Ciné-archives.
Du mineur à l'enseignant
Des années 1920 aux années 1980, le travail et, plus particulièrement, les travailleurs sont extrêmement présents dans les films. Soutenu et relayé par la CGT (Confédération générale du travail) à partir de l’entre-deux-guerres, le PCF veut valoriser certaines figures ouvrières. Les mineurs sont particulièrement mis en exergue. Des documentaires militants sont réalisés collectivement, par exemple La Grande Lutte des mineurs en 1948 ou La Grande Grève des mineurs en 1963, mais aussi des fictions : Ma Jeannette et mes copains (Robert Menegoz, 1953) raconte le quotidien d’un village minier dans les Cévennes, avec des mineurs qui jouent leur propre rôle. Métallos, ouvriers du secteur automobile, de l’aéronautique, ou dockers : les ouvriers qui apparaissent à l’image sont nombreux. À partir des années 1950, de nouvelles catégories professionnelles sont plus fréquemment représentées, comme les paysans, ou les enseignants, pour élargir le champ militant et électoral du PCF, ou développer l’assise syndicale de la CGT.
Documents et fiction
De manière générale, les films documentent le travail dans une perspective positive : il s’agit de « donner à voir » les travailleurs et la beauté de leurs gestes, de leurs savoir-faire. Cela suppose de surmonter des obstacles, comme filmer sur un lieu de travail. Pour y parvenir, certains tournages sont clandestins. Le réemploi de plans tirés d’autres films, ou d’actualités cinématographiques est une autre possibilité. Tout comme le recours à la fiction : La vie est à nous, réalisé en 1936 par Jean Renoir, est composé de saynètes où des acteurs interprètent les ouvriers, les paysans et les chômeurs dont on suit les itinéraires. À partir des années 1960, avec l’évolution des techniques d’enregistrement du son, la parole peut être captée sur le vif : sous l’influence du cinéma direct et de la télévision, les témoignages face caméra se multiplient pour évoquer le travail ou la vie militante.
Un héros du quotidien
Au début d’horizons, réalisé pour la CGT en 1953, un montage alterné souligne l’antagonisme entre travailleurs et riches oisifs : ceux qui travaillent sont ceux qui font la société. Ils peuvent et doivent en être fiers. Dans l’après-guerre, cette image du travailleur-bâtisseur, héros de tous les jours, est particulièrement convoquée : les films rendent compte des actions des ouvriers pour reconstruire la France. Dans Voilà Marseille (Georges Baze, 1947), commandé par le maire communiste de la ville, ceux-ci réparent les dégâts, et forment des « brigades de choc » pour réhabiliter bénévolement les rues.