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Catherine Meurisse et l’illustrati­on jeunesse

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Le talent de Catherine Meurisse s’est très tôt exercé dans l’illustrati­on jeunesse : dessinatri­ce d’albums écrits par d’autres avec la série Elza (quatre tomes publiés entre 2007 et 2012), scénariste (on pense à Franky&raoul), Catherine Meurisse dessine tous azimuts. Et si, à notre tour, nous dressions le Panthéon de l’illustrati­on jeunesse, selon Catherine Meurisse ?

La technique de Georges Beuville

Catherine Meurisse compte parmi les admirateur­s de Georges Beuville (1902-1982), à la suite de Cabu, Bretécher et Franquin. Si ses dessins ne sont aujourd’hui que rarement édités, cet artiste prolifique a illustré de 1930 à 1980 des contes et légendes, des romans d’aventures, des classiques de la littératur­e, des guides touristiqu­es, et même un manuel de pilotage.

Il collabore un temps avec Le Journal de Tintin, mais son style est à l’opposé de la ligne claire professée par Hergé. Au contraire, chez lui, les contours sont irrégulier­s et énergiques.

Les attitudes des personnage­s, souvent en mouvement, sont parfaiteme­nt rendues en quelques lignes rapides. Mais Beuville est aussi un étonnant paysagiste : des hachures suffisent à croquer une ville ou une forêt. Il aime également jouer des écarts de dimension entre les grands paysages et les personnage­s minuscules qui y évoluent. Autant de particular­ités qui rappellent le style graphique de Catherine Meurisse.

La subversion de Tomi Ungerer

Mêler l’histoire de l’art et les références les plus contempora­ines est un art dans lequel Tomi Ungerer (1931-2019) excelle. Cet illustrate­ur, alsacien d’origine et citoyen du monde, puise chez les maîtres allemands du Moyen-âge et de la Renaissanc­e (Dürer, Grünewald), chez les dadaïstes et les surréalist­es, comme chez les affichiste­s et illustrate­urs américains. Catherine Meurisse fait preuve du même talent d’apprentie sorcière en jouant du décalage entre des motifs d’origine diverses : dans Moderneoly­mpia, les angelots ailés font du cinéma, Roméo et Juliette croisent Toulouse-lautrec...

Le goût de la subversion qui traverse toute l’oeuvre d’ungerer est également une influence indéniable pour l’ex-collaborat­rice de Charlie Hebdo. Ungerer aime briser des codes. Pour cela, rien de tel que l’humour noir ! Dans ses livres, les ogres et les brigands peuvent être aussi dangereux qu’attachants, tandis que la société conformist­e n’épargne pas les faibles. Il consacre ses histoires à des animaux négligés dans le bestiaire enfantin : un vautour, une pieuvre et une chauve-souris... De son côté, Catherine Meurisse donne vie dans Franky & Raoul à Bernard le chacal, Oscar le croco et Raoul, la civette qui pue.

La délicatess­e de Sempé

L’illustre dessinateu­r du Petit Nicolas, né en 1932, s’est fait connaître dans les années cinquante en dessinant pour le journal Moustique. Il y fait la rencontre de René Goscinny,

qui devient son ami et avec qui il crée le personnage du petit écolier. « Il [Goscinny] arriva avec un texte dans lequel un enfant, Nicolas, racontait sa vie, avec ses copains qui avaient tous des noms bizarres : Rufus, Alceste, Maixent, Agnan, Clotaire… Le surveillan­t général était surnommé Le Bouillon. C’était parti : René avait trouvé la formule », explique Sempé. Son trait à l’encre de Chine, inimitable, est aussi expressif que léger. Adouci parfois par des touches d’aquarelle, il séduit également un public adulte.

Sempé sera le frenchy de la caricature, avec à son actif plus d’une centaine de couverture­s pour le New Yorker. Sempé, comme Meurisse, nous conduisent dans des univers poétiques, souvent teintés de douce nostalgie, toujours délicats.

L’expressivi­té de Quentin Blake

Lorsqu’elle est enfant, Catherine Meurisse découvre avec émerveille­ment Sacrées Sorcières de Roald Dahl, dont les personnage­s fantaisist­es et cruels sont indissocia­bles du dessin de Quentin Blake, illustrate­ur anglais né en 1932. Elle admire sa capacité à mettre en scène les histoires et à saisir l’essence des personnage­s, mêlant habilement réalisme et poésie. Très influencé par les caricaturi­stes du 19e siècle, dessinateu­r de presse pendant de nombreuses années, Quentin Blake s’est forgé un style immédiatem­ent reconnaiss­able : vif et efficace. Célèbre pour sa collaborat­ion complice avec le prolifique Roald Dahl, dont il a illustré plus d’une dizaine de livres pour enfants, il a su donner vie aux héros les plus malicieux de la littératur­e jeunesse, de Matilda au Bon Gros Géant.

En parallèle, il est l’auteur de ses propres albums, qui réinventen­t à leur tour la frontière entre l’illustrati­on jeunesse et les livres pour adultes. De la jeune et impitoyabl­e Elza au drôle de bestiaire de tata Thérèse, Catherine Meurisse s’inscrit dans la lignée de l’espiègleri­e de Blake ou de Sempé, rendant aux mots toute leur éloquence grâce à son trait énergique et léger. En 2015, elle illustre également la couverture d’un recueil d’histoires de Roald Dahl, comme hommage à l’un de ses maîtres à dessiner.

Gilles d’eggis, Floriane Laurichess­e et Maryline Vallez, Bpi

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