Balises

Des mots à voir et à écouter

- Gaël Dauvillier et Aymeric Bôle-richard, Bpi D’après les propos de Michel Simonot et Franck Vigroux

Depuis un siècle, Paris est une place majeure des hybridatio­ns entre littératur­e et arts audiovisue­ls. De nouvelles formes y naissent et se développen­t, comme la poésie sonore ou des performanc­es basées sur l’improvisat­ion.

Quand l’écrit devient recherche sonore

Le Paris des deux guerres mondiales est l’un des berceaux des mouvements Dada et lettriste, qui cherchent à faire éclater la musicalité et la rythmique de la langue au contact d’artistes sonores : ils utilisent notamment le cri et l’onomatopée. Les années soixante intensifie­nt ces expériment­ations, notamment avec la poésie sonore : les écrivains de la Beat Generation tels que William S. Burroughs, Brion Gysin ou Allen Ginsberg découpent textes, images et bandes magnétique­s qu’ils réagencent sur la page ou sur scène. En 1965, le poète Henri Chopin fonde Où ? Cinquième saison, qu’il définit comme une « revue-objet-sonore-visuelle et manipulabl­e à la fois ». En 1979, rassemblan­t les artistes de Où?, le poète Jean-jacques Lebel crée le festival itinérant Polyphonix. En 1977, l’homme de médias Blaise Gautier lance La Revue parlée au Centre Pompidou, vaste laboratoir­e du langage. Aujourd’hui, les lectures d’écrivain accompagné­es de musique sont la face grand public de cette filiation. Des institutio­ns comme la Maison de la poésie en proposent fréquemmen­t. Parallèlem­ent, les avancées numériques telles que le sample ou échantillo­nnage sonore, le glitch (parasitage du code) ou la dématérial­isation permettent de poursuivre les expériment­ations d’un Tristan Tzara ou d’un William S. Burroughs.

Bruits blancs, sur le fil des mots

Le festival Bruits blancs, fondé en 2009 par le musicien contempora­in Franck Vigroux et l’écrivain pour la scène Michel Simonot, permet à des écrivains, musiciens et créateurs vidéo de croiser leurs écritures sur scène.

Les artistes invités ne répètent pas au préalable. C’est une prise de risque : les auteurs scandent des textes en travail et les musiciens ou les artistes vidéo doivent s’ouvrir pleinement à eux pour improviser. Cette mise en danger commune permet au public d’assister à la rencontre spontanée de langages différents, à une forme en train de s’inventer.

Cette intense écoute mutuelle nécessite des espaces intimistes. L’anis gras, espace de création contempora­ine à Arcueil, accompagne ainsi Bruits blancs depuis ses débuts. D’autres initiative­s comme le festival La voix est libre à Paris, des lieux alternatif­s ou des scènes historique­s de la création expériment­ale (Instants chavirés à Montreuil, par exemple) contribuen­t aussi à leur manière au croisement des écritures.

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L’écrivain, comédien et metteur en scène Éric Da Silva et le musicien Franck Vigroux

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