MIGRATIONS LITTERAIRES
Asylum, de Javier de Isusi
Rackham, 2016
À la Bpi, niveau 1, RG ISU A
Née en 1921 au Pays basque espagnol, Marina est aujourd’hui une vieille dame vivant en maison de retraite. Elle raconte la guerre civile – la tentative de coup d’état de 1936, le déménagement chez une tante à Barcelone – puis l’exil en France – le passage de la frontière sous les bombardements, le camp de concentration d’argelès-sur-mer – et enfin l’asile au Venezuela – la reconstitution d’une communauté basque, le mouvement antifasciste durant la Seconde Guerre mondiale. Son destin s’entrecroise avec ceux d’autres protagonistes qui, de nos jours, prennent la route de l’exil. À travers ce récit choral, décliné pour chaque personnage en une nouvelle gamme de couleurs, Javier de Isusi rend hommage à tous ceux qui, par-delà les frontières et les époques, affrontent l’incertitude et la douleur du déracinement. Ce roman graphique émouvant, parsemé d’espoir, réaffirme l’importance de l’accueil et du droit d’asile.
Mur Méditerranée, de Louis-philippe Dalembert
Sabine Wespieser, 2019
À la Bpi, niveau 3, 848 DALE 4 MU
Chochana est nigériane et a quitté son pays pour des raisons économiques et climatiques. Après avoir traversé le Sahara, elle échoue dans un centre de détention libyen où elle croise Semhar, une Érythréenne chrétienne d’une vingtaine d’années, qui a fui le service national imposé à la jeunesse de son pays. Dima est une musulmane aisée qui est partie de Syrie avec son mari et leurs deux filles. Les trois femmes montent dans le même bateau, qui doit les emmener en Europe. Louis-philippe Dalembert s’est inspiré du drame qui a endeuillé la Méditerranée le 18 juillet 2014 : près de deux cents passagers d’un chalutier, sur sept cents, ont péri en mer. Les descriptions de la vie à l’intérieur du bateau, entre la chaleur, l’asphyxie et la peur, sont intenses et parfois difficiles à lire. Mais l’auteur parvient, avec pudeur et retenue, à proposer un ouvrage d’une grande humanité. Il brosse le portrait de femmes courageuses et refuse de les enfermer dans une identité de « migrantes », car être migrantes n’aura été qu’un moment de leur vie.
Alpha : Abidjan-gare du Nord, de Bessora et Barroux
Gallimard, 2014
À la Bpi, niveau 1, RG BES A
Alpha est ébéniste à Abidjan, en Côte d’ivoire. Il pense à sa femme et à son fils partis pour Paris, dont il est sans nouvelle. Alors il prend la route : direction Gao, au Mali, dans une camionnette surchargée dont les passagers espèrent rejoindre l’europe. Puis il poursuit son voyage vers le nord, alternant trajets en voiture dans le désert, arrêts involontaires dans des camps de réfugiés, et petits boulots mal payés. Son chemin croise celui d’autres « aventuriers ». Le texte écrit à la première personne est accompagné de dessins sobres dans lesquels dominent le noir et le blanc. Ce roman graphique d’une grande pudeur donne ainsi à voir et à ressentir les espoirs, puis les désillusions, des migrants d’afrique subsaharienne – une détresse dont profitent militaires corrompus, passeurs malhonnêtes et trafiquants en tout genre. Le récit interroge aussi les responsabilités individuelles face aux mesures répressives et à la coopération entre États : l’europe aux côtes si lointaines est omniprésente dans les demandes absurdes des consulats, dans les circuits touristiques aperçus en cours de route, et dans les contrôles instaurés par les pays du Maghreb en échange d’une « aide au développement ».
La Traversée, de Pajtim Statovci
Buchet Chastel, 2021
À la Bpi, niveau 3, 839.9 STAT 4 TI
Bujar a grandi à Tirana, en Albanie. Après la mort de son père, il décide de quitter le pays avec son meilleur ami, Agim. Les deux adolescents passent plusieurs mois à dormir dans la rue et à survivre grâce à des petits boulots, puis se lancent dans la traversée vers l’italie. Le parcours migratoire de Bujar le conduit, quelques années plus tard, en Allemagne, en Espagne, aux États-unis puis en Finlande. À chaque étape de son parcours, il s’invente une nouvelle vie : il est tantôt un jeune Italien dont les parents sont morts, tantôt une femme trans venant de Turquie, ou une Bosniaque qui étudie la médecine. Ce roman, écrit par un jeune auteur kosovar qui a émigré à l’âge de deux ans en Finlande, traite de la migration, mais surtout de la recherche d’une place dans le monde. Le héros souhaite être accepté dans les pays qu’il traverse, mais toutes ses aspirations sont contrariées : il est sans cesse renvoyé à son statut d’étranger et il subit racisme et homophobie. La réflexion porte surtout sur ce qui définit un migrant, entre son existence passée et celui qu’il souhaite être une fois arrivé à destination, et sur la difficulté à être soi-même quand la population autochtone ne le permet pas.
Sur le mont Gourougou, de Juan Tomás Ávila Laurel
Asphalte, 2017
À la Bpi, niveau 3, 860 20 AVIL 4 JU
À la frontière de l’enclave espagnole de Melilla, au Maroc, se dresse le mont Gourougou où se sont réfugiés des migrants désireux d’atteindre les côtes espagnoles. Confrontés au dénuement et à la faim, vivant dans des grottes qu’ils nomment avec humour « résidences », ils tentent d’échapper à l’ennui et au désespoir en jouant au football ou en racontant des histoires. Derrière le ton humoristique de certaines d’entre elles transparaît la réalité d’existences marquées par de dures conditions de travail, l’exploitation et la misère. À travers ces récits de survie se dessinent les conséquences de la colonisation, le poids de la religion, les dictatures, la corruption et l’enrichissement des profiteurs. Malgré des descriptions réalistes de la vie dans le camp, de la précarité et du rejet, de la mendicité et des violences de la police marocaine, l’auteur choisit le ton de la fable pour rendre universel le sort de ces réfugiés. Les discussions animées rappellent l’importance de la tradition orale et révèlent le sort atroce qu’ont connu certains dans leur pays avant de subir la violence des barrières infranchissables de l’europe.