Big Bike Magazine

RANCHO FAIT DU VÉLO!

-

Le Rancho Webshow débarque au Roc d’Azur et c’est pas triste. Entretien avec Rancho, aka Enak Gavaggio.

J’ai toujours su qu’arriverait le jour où j’aurai envie d’essayer de nouvelles choses, que la descente, le dirt ou le freeride ne me suffiraien­t plus. Il faut croire que ce moment fatidique est venu, les contrainte­s liées au travail et à la vie en général m’incitant à profiter des rares moments de liberté pour y caser un maximum de riding. Et puisque quelques heures passées à faire des rotations en DH ou à enchaîner des sauts en dirt ne me font plus le même effet, j’ai décidé de me mettre à pédaler. Eh oui, sans blague ! Enquiller de la distance et du dénivelé, me régaler de paysages nouveaux et trouver d’autres challenges sur les singles, voilà ce qui me motive aujourd’hui.

LA GENÈSE

J’ai fait mes premières armes en traversant la Slovénie (un pays magnifique), passant plus de 400 kilomètres à arpenter les plaines, les vallées et à me faire les dents en montée pour profiter au maximum des singles en descente, récompense­s de notre dur labeur. Dans notre groupe, personne n’avait jamais fait un truc pareil, mais découvrir tous les jours de nouveaux horizons et se lancer dans l’inconnu ont réussi à compenser les affres des journées les plus difficiles. Aujourd’hui, six mois après ce périple, nous voilà revenus quasiment au même spot où nous avions fini notre traversée de la Slovénie, à Rukavac, en Croatie. Prêts à tester ce qu’il nous reste dans les jambes après ces fameux 400 kilomètres de pédalage, en route pour sept jours sur la seconde partie de la Trans Dinarica, un trail longue distance créé par Jan Klavora et toute une équipe de collègues et de gens de bonne volonté rencontrés en chemin. Ce trail est censé passer dans plus de huit pays et territoire­s différents, reliant des singles existants à d’autres connection­s pour former une piste suivant la chaîne des Alpes dinariques (aussi connues sous le nom de Dinarides, pour les fans de géographie...), qui s’étend du Sud de la Slovénie à l’Albanie. Notre trip démarre en même temps que la dernière mission de repérage des meilleures pistes et singles croates, chargée de créer la portion trans-Croatie de la Trans Dinarica. Vous suivez toujours? Cette portion est censée prendre une semaine, aussi nous voilà partis tester ça en première main, avec Andy et Morgane Charre, plus notre guide Bojan Šenkinc, les cartograph­es Matic Klanjš ek et Daša Kotnik, ainsi que Matej Hartman, guide et journalist­e de son état. La fine équipe! Mais aussi idyllique q’un trip pareil puisse paraître, nous savons qu’il n’y aura pas que des parties de plaisir. En effet, si il existe déjà un trail qui traverse la Croatie, notre but n’est en aucun cas de le prendre et de rouler tranquille, juste pour rire. Nous sommes là pour faire du repérage, découvrir de nouveaux sentiers et sections permettant de relier cette portion croate (seconde étape après la Slovénie, et juste avant la Bosnie) à la Trans Dinarica. Cela implique de longues heures et de nombreux kilomètres, à faire autant de la fouille archéologi­que que du bike, afin de trouver les petites perles qui sauront le mieux s’intégrer à l’ensemble du trail.

L’EXODE

Le premier jour de ride donne en quelque sorte le ton pour le reste de la semaine : nous rencontron­s Bojan dans un petit bar où les villageois sont regroupés autour d’un feu, à faire griller des châtaignes. Ambiance. A huit heures du mat’, après un café, c’est le départ et déjà la première montée… Le ciel est bouché et les nuages n’annoncent rien de bon alors que l’on s’enquille les 20 premières bornes sur des routes gravillonn­ées assez raides. Au fur et à mesure que l’on monte, la saison semble changer : on passe du début à la fin de l’automne, et même à l’hiver quand la neige commence à tomber deux heures plus tard, alors que nous longeons les montagnes qui bordent la Slovénie. Autant vous dire que ce n’est pas tout à fait l’image carte postale que nous avions en tête, mais à vouloir se lancer dans l’inconnu, il faut bien savoir que les choses tournent souvent différemme­nt de ce qui est prévu! Si froid qu’il puisse faire à ce moment là, nos douleurs s’apaisent vite à la vue d’un couple de petits vieux se préparant à faire du feu et s’occupant de leurs bêtes, devant leur maison sans fenêtres. Alors que nous ne sommes qu’à quelques heures de vélo de l’Italie et de la Slovénie, force est de constater qu’il reste des coins

encore bien loin du confort et la modernité que l’on connaît. Ce genre de parties de l’Europe nous sont encore inconnues, et c’est vraiment l’un des intérêts majeurs de projets comme la Trans Dinarica, qui permettent de faire découvrir de nouvelles facettes des pays traversés. On repart les mains gelées au travers de passages rocheux et de virages serrés menant à un trail en balcon dans la forêt, où il faut s’employer à passer à travers un feuillage hyper dense. Il faut souvent relancer pour garder du flow dans les sections assez irrégulièr­es qui alternent cuvettes et petites bosses, et si ce n’est pas toujours ce que l’on préfère rouler cela présente un avantage indéniable : celui de nous garder au chaud. A ce propos, les températur­es remontent au fur et à mesure que l’on dévale le single et après une heure de descente, nous retrouvons la civilisati­on. Il faut encore se farcir une dernière section qui comporte des virages en épingle quasiment injouables, mais c’est le jeu ma pauvre Lucette. Nous sommes récompensé­s par une arrivée sur le littoral de Mošceni ka Draga, qui marque la première d’une longue série de rencontres avec les eaux de l’Adriatique. Cette dernière est fort agitée d’ailleurs, signe des vents violents qui traversent le pays.

Un longue journée suivie d’une courte nuit : à cinq heures du matin, c’est la reprise des travaux d’Hercule avec un trajet en navette jusqu’à notre prochain point de départ. C’est le moment d’apprendre quelques mots de Croate et de bosser un peu l’histoire du pays, qui est toujours bien plombée par la guerre. On comprend qu’il reste encore des champs de mines dans les montagnes, chose qui ne nous avait pas traversé l’esprit car tout cela nous semble bien loin dans notre Europe de l’Ouest. Voilà qui remet un peu les pieds sur terre, si toutefois il est possible d’employer cette expression à côté du mot «mines» sans passer pour de mauvais blagueurs...

L’ODYSSÉE

A 7h30, nous étrennons le ferry, une première assez agitée puisque la mer ne s’est toujours pas calmée. Nous voilà désormais sur l’île de Vgljan, pédalant depuis le port de Preko vers un point culminant au dessus de la ville. De là nous pouvons profiter d’une vue magnifique sur la mer avec le soleil cette fois bel et bien au rendez vous. La carte postale tant attendue commence à se préciser! On enchaîne avec un run sympa dans la végétation, qui nous réserve de jolies surprises avec des virages travaillés et même des sauts. Tout n’est pas shapé au laser, loin de là, mais c’est encore assez en état pour que l’on puisse en profiter. C’est un bon début à une journée qui s’annonce usante pour les jambes. Les paysages sont superbes, on prend notre rythme et on profite d’être en train de rider sur une île au beau milieu de l’Adriatique, chose assez peu banale pour en tirer le meilleur parti une fois qu’on y est, non? C’est tellement le pied qu’on pousse même le vice jusqu’à rejoindre une autre île, et sans ferry d’ailleurs puisqu’il suffit de passer sur un pont. Classe! Nous voilà donc à Pašman, prêts à se farcir 40 kilomètres jusqu’à Tkon, notre dernière étape du jour. De là, c’est bateau jusqu’aux côtes de Croatie, blottis sur le pont pour se mettre à l’abri de notre pus grand ennemi : le vent, le vent (très) froid. Et voilà comment se termine la journée la plus facile de notre périple… eh bien, ça promet! Les jours d’après sont un peu calqués sur le même schéma, à visiter de nouvelles îles, comme Vis et Hvar. La première est bien calme à cette période de l’année car peu fréquentée, l’autre est un peu plus vivante, surtout aux abords de la ville éponyme. Les journées sont un peu plus courtes que lorsque nous avions traversé la Slovénie, ce qui nous oblige à nous arrêter moins souvent. Pas question de se poser une heure pour boire un café ou de se remplir la panse à gogo. Nous n’avons pas le temps de chômer et la masse de travail à effectuer est assez colossale, mais bizarremen­t c’est assez gratifiant de se donner autant de mal. Nos tendances masochiste­s percent violemment faut il croire… Et pourtant, c’est de cette manière que nous trouvons finalement de vrais petits joyaux, à force d’aller-retours entre ces deux îles et la ville de Split, sur le continent. Nous dénichons des trails passant dans la campagne, au travers de villages abandonnés, d’oliviers et de vignes, le tout sous un soleil magnifique et enfin débarrassé­s de ce satané vent du Nord. A Hvar, une descente mémorable passe au travers d’une pente quasi à la verticale qui verse directemen­t dans la mer. Ce chemin millénaire taillé dans les rochers se faufile le long de falaises et offre une multitude de défis techniques. C’est le genre de trail qu’il est impossible de trouver ailleurs que sur une île méditerran­éenne, dépourvu de tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à un cm3 de terre. Du 100% minéral, shapé petit à petit par l’érosion. Bijou!

C’EST LE GENRE DE TRAIL QU’IL EST IMPOSSIBLE DE TROUVER AILLEURS QUE SUR UNE ÎLE MÉDITERRAN­ÉENNE, DÉPOURVU DE TOUT CE QUI PEUT RESSEMBLER DE PRÈS OU DE LOIN À UN CM3 DE TERRE. DU 100% MINÉRAL, SHAPÉ PETIT À PETIT PAR L’ÉROSION. BIJOU!

DÉLIVRANCE

Et c’est ainsi qu’après une semaine de ce régime, notre petite équipe réussit la tâche qu’il lui était assignée, cartograph­iant méticuleus­ement 500 km de nouveaux sentiers, leur accès, les difficulté­s qu’ils proposent, les plus belles descentes etc. C’est un réel plaisir d’être témoin de ce genre de travail, de participer à un effort collectif sur un projet aussi long et ambitieux que la Trans Dinarica. Cela permet de réaliser la somme de travail et d’efforts nécessaire­s à la réalisatio­n de ce type de trail, mais aussi d’en goûter tous les bienfaits, comme visiter des pays différents, voir de nouvelles cultures et ouvrir son esprit. Au sixième jour, les flots ne s’ouvrent pas comme devant Moïse, nous obligeant donc à prendre un nouveau ferry, comme les simples mortels que nous sommes. Nous arrivons dans l’une des 1000 îles que compte l’archipel, à Bra . Eh oui, en tant que désormais masochiste­s forcenés, il nous reste une journée de bagarre tout à fait homérique contre mère nature, armés seulement de nos braves montures. On commence avec une grimpette de 700 mètres de dénivélée, tout bonnement qualifiée de « dégueulass­e » dans mon journal de bord. C’est dit. Pente raide, pierres roulantes et jambes en bois suite aux pérégrinat­ions des jours précédents (50 à 90 km par jour, et du dénivelé à foison), tout est fait pour que cette ascension ressemble à une bonne vieille montée à l’échafaud. C’est donc la mort au corps, mais avec une abnégation hors du commun, que nous faisons tourner les pédales ; à l’exception de Matej, maso en chef, qui garde le sourire aux lèvres. Presque inquiétant le type ! Après bien d’autres coups de cul abominable­s entrecoupé­s de descentes, et alors que le jour décline, nous arrivons enfin au sommet de Vidova Gora, le point culminant de l’Adriatique. On a ici l’impression que la terre plonge directemen­t dans la mer, mais la vue sur les centaines d’îles environnan­tes est majestueus­e, une de celles que très peu d’élus ont la chance de contempler ne serait-ce qu’une fois dans leur vie. La descente jusqu’à Bol est de même facture que le panorama, c’est tout simplement la meilleure du trip : elle est longue, alternant les sections rapides et techniques, le tout avec un flow surprenant. C’est tellement bon qu’on se décide même à remettre le couvert le lendemain ! Ce trip au travers de la Croatie n’est qu’un fragment des possibilit­és qui vont être ouvertes par la Trans Dinarica, un ensemble de trails reliés entre eux offrant une expérience magnifique sur les îles et le continent Croates. Bien sûr, depuis notre départ, d’autres missions de repérage ont été effectuées, et ceux qui veulent aller tester d’eux mêmes se délecteron­t d’une sélection des meilleurs trails qu’a à offrir le pays, de trajets en ferry d’une île à une autre, d’un soleil et de paysages éclatants ainsi que… de centaines de kilomètres les fesses sur la selle! Eh oui, on n’a rien sans rien…

 ??  ?? xxxx Split, son centre fortifié et sa fameuse cathédrale, le tout entouré de plages pour le moins accueillan­tes.
xxxx Split, son centre fortifié et sa fameuse cathédrale, le tout entouré de plages pour le moins accueillan­tes.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? petit Ce n’est pas le jour J, mais avouez que notre débarqueme­nt à nous a plutôt fière allure.
petit Ce n’est pas le jour J, mais avouez que notre débarqueme­nt à nous a plutôt fière allure.
 ??  ?? Le ferry, le meilleur moyen (et parfois le seul) de se rendre d’une île à l’autre. Attention à bien minuter vos trajets.
Le ferry, le meilleur moyen (et parfois le seul) de se rendre d’une île à l’autre. Attention à bien minuter vos trajets.
 ??  ??
 ??  ?? James enquille des virages en épingle sur le sol fuyant et très caractéris­tique des côtes méditerran­éennes.
James enquille des virages en épingle sur le sol fuyant et très caractéris­tique des côtes méditerran­éennes.
 ??  ?? Rouler en Croatie, ce n’est pas que de belles descentes vous amenant sur la grève. Nous avons aussi eu plus que nnotre quota de montées et de pédalage, mais le jeu en vaut la chandelle.
Rouler en Croatie, ce n’est pas que de belles descentes vous amenant sur la grève. Nous avons aussi eu plus que nnotre quota de montées et de pédalage, mais le jeu en vaut la chandelle.
 ??  ?? Morgane, un poil pressée de retrouver la civilisati­on!
Morgane, un poil pressée de retrouver la civilisati­on!
 ??  ?? Les livreurs de pizzas, ces héros. Rien de tel qu’un service à domicile (ou plutôt au pied du ferry) pour se remettre d’une dure journée.
Les livreurs de pizzas, ces héros. Rien de tel qu’un service à domicile (ou plutôt au pied du ferry) pour se remettre d’une dure journée.
 ??  ??
 ??  ?? On trouve beaucoup de paysages différents tout au long de notre périple, de la montagne aux forêts en passant par la mer.
On trouve beaucoup de paysages différents tout au long de notre périple, de la montagne aux forêts en passant par la mer.

Newspapers in French

Newspapers from France