Big Bike Magazine

INTERVIEW

ENDURO, FUNK ET ROCK N’ ROLL

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Isabeau Courdurier, championne du monde d’enduro en titre, n’est décidément pas une athlète comme les autres. On vous propose de la découvrir un peu mieux dans une belle (et longue !) interview, avant que la saison EWS attaque et qu’elle ne se transforme en bête de compétitio­n !

Du haut de son mètre cinquante trois, Isabeau est un petit bout de femme qui ne s’en laisse pas compter : elle qui roule sa bosse sur le circuit enduro depuis sa création en 2013, finit par remporter le général de la compétitio­n en 2019, sans jamais se départir de son éternel sourire. Sans jamais perdre une manche non plus, ce qui en dit long sur le talent de la pilote du Lapierre Zipp Collective…

Fille du Sud pure souche qui a grandi à Gardanne (commune nichée entre Marseille et Aix-en-provence, au pied de la magnifique Sainte Victoire), Isabeau a commencé le sport très jeune dans le sillage de son grand frère Romain.

À six ans elle se met au vélo, et roule un an plus tard en VTT au club local, avec sa mère qui l’accompagne pour la surveiller. Rapidement, elle attaque les compétitio­ns de Cross-country avec le trophée Gambetta, puis les Trophées Régionaux et Nationaux des Jeunes Vététistes, de Benjamine à Cadette. Avec les TRJV et les TNJV, c’est la révélation pour cette jeune fille qui adore mélanger trial, descente et XC. L’esprit compétitio­n est désormais ancré et ne la quittera plus. Un peu plus tard, sa copine Morgane Such lui fait découvrir les courses de descente marathon organisées par Fred Glo, et là c’est la claque ! Elle trouve un vélo adapté et se met à fond dans la discipline, participe aux Superendur­os en Italie puis se retrouve en 2013 face aux plus grandes pilotes sur les Enduros World Series. En parallèle, elle prend soin de continuer ses études et de se lancer dans d’autres projets : elle s’engage en 2020 auprès d’une associatio­n aidant les femmes battues à garder le cap par la pratique du sport.

Après avoir signé une saison parfaite en 2019, où elle remporte toutes les manches des Enduro World Series, la Championne du Monde en titre d’enduro entame 2021 plus motivée que jamais, alors que la saison s’annonce des plus serrées et passionnan­te chez les Femmes. L’année dernière est passée aux oubliettes pour tout le monde, avec seulement trois manches de courues suite à la pandémie, et le board des EWS qui décide de ne pas effectuer de classement général. Pour Isabeau, c’est une autre histoire toutefois : elle remporte une victoire à Zermatt dans des conditions météo dantesques, puis fait deuxième à Pietra Ligure, derrière Mélanie Pugin. Elle doit abandonner lors de la troisième et dernière course à Finale Ligure, suite à une grosse blessure aux ligaments de la cheville.

Une saison assez ingrate à bien des égards pour la pilote Lapierre Zip Collective, et surtout un vrai travail de préparatio­n en retour de blessure pour l’année 2021. Nous avons décidé d’aller superviser tout ça pendant l’un de ses derniers entraineme­nts hivernaux en ski et snowboard à Serre-chevalier, puis chez elle en vélo de route, VTT et lors d’une séance de musculatio­n bien corsée. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’isabeau devrait arriver en forme pour la première course de l’année, à Val di Fassa en Italie à la fin du mois de juin.

Big Bike : Isabeau, tu as commencé très jeune le sport et le vélo, mais quand as-tu vraiment pris goût à la compétitio­n ?

Isabeau Courdurier : Quand j’ai découvert les TRJV ça a été la grosse révélation, j’ai adoré ! Je kiffais trop le fait qu’il y ait du trial et de la descente, l’aspect technique me branchait à fond. Ensuite, j’ai participé à tous les TNJV possibles. C’était le niveau le plus élevé auquel je puisse accéder et on se tirait la bourre avec les autres filles d’une année sur l’autre. Ça a été un avant goût de ce qu’est la compétitio­n : je me suis retrouvée avec un objectif à atteindre à l’année an et je m’entrainais pour ça car j’avais envie de gagner. Ça a vraiment participé à former cet état d’esprit de vouloir toujours faire mieux et m’améliorer d’année en année.

B.B : Tu avais déjà « l’esprit gagne » ?

I.C : Je n’ai pas l’esprit gagne en fait. Je ne fais pas du vélo pour gagner, je fais du vélo pour voir jusqu’à quel point je peux m’améliorer, pour toujours faire mieux, même si bien sûr c’est cool de gagner. Quand je vais sur une course, si je gagne je suis contente car ça veut dire que tous mes efforts ont payé, par contre si je me fais battre ça veut dire que celle qui m’a battu a dû plus s’entraîner, mieux faire les choses, avoir des qualités que je n’ai pas. Du coup je n’ai jamais cette grosse déception que peuvent avoir ceux qui ne recherchen­t que la gagne à tout prix.

B.B : C’est un défi contre toi même finalement ?

I.C : Oui, tout le temps. Du coup c’est un peu dur à vivre au quotidien car je veux toujours faire mieux et des fois je suis un peu pénible avec moi même ! Mais c’est un vrai moteur et ça me pousse à bien faire les choses dans tous les domaines, pas que dans le vélo. C’est parfois compliqué, mais j’arrive à mieux me gérer depuis quelques années, à moins être à fond tout le temps, ce qui permet de faire parfois moins, mais de manière plus qualitativ­e. Pour les entraîneme­nts ça veut dire que j’arrive à mieux respecter mon corps si je sens que je suis vraiment fatiguée.

B.B : Comment est-ce que tu as choisi l’enduro comme discipline ?

I.C : J’avais un regard extérieur sur l’enduro, mais c’était l’époque où il commençait à y avoir pas mal de courses. Mon père m’avait offert un vélo de freeride et j’avais fait quelques rallyes dans le « 06 ». Morgane (Such, ndlr) m’a invité sur ma première vraie course d’enduro en 2011, qui était la Tribe 10000 au Val d’allos. Je ne savais pas du tout dans quoi je m’engageais, c’était assez nouveau pour moi. Ça a été un week-end de course super difficile, je n’ai pas arrêté de crever, je déraillais, je tombais, c’était l’horreur ! Et la façon de rouler n’avait rien à voir avec le XC donc moi je partais à bloc, je pédalais à fond et je me plantais de direction car il y avait juste des piquets dans les champs… Mais c’était tellement nouveau, et il y avait ce côté technique et toutes ces choses que je pouvais améliorer que j’y ai vu un nouveau défi. Je pense que j’avais besoin de ça à ce moment là, et du coup en rentrant de la course, en voiture avec mes parents, je leur ai dit « C’est ça que je veux faire » ! Mes parents m’ont toujours soutenu dans mes activités, mais là c’est le père de Morgane, qui tenait un magasin de vélo, qui m’a prêté un vélo et m’a proposé de faire tous les déplacemen­ts avec eux. À partir de là j’étais dans son équipe et l’année d’après on a fait tous les Superendur­os en Italie et les Coupes de France. Ça a été mon premier tremplin vers cette discipline.

B.B : En 2013 tu t’inscris aux premiers Enduro World Series. Comment cela s’est fait ?

I.C : J’ai commencé 2013 avec le club de Sainte Maxime sur un Santa Cruz, et j’ai pu participer à la première étape à Punta Ala ainsi qu’aux courses Européenne­s. Les bons

« JE NE FAIS PAS DU VÉLO POUR GAGNER »

résultats sont arrivés vite, j’ai fait cinquième à l’étape de Val d’allos alors que ça faisait à peine deux ans que je faisais de l’enduro.

B.B : Comment se passe la suite pour toi ?

I.C : L’école a toujours été super importante pour moi et j’y ai mis le même engagement que dans le vélo. À ce moment là je devais choisir entre les études dont je rêvais (Sciences Po) et arrêter le vélo, ou un compromis avec des études moins prenantes et continuer le vélo. Je ne regrette pas d’avoir choisi le compromis car je sentais qu’il y avait un truc avec le vélo et que je pouvais peut-être passer pro un jour. Avant je rigolais quand on me demandait si je voulais être pro, notamment quand mon papy m’en parlait alors qu’il était un grand fan de vélo. Je lui disais : « Papy t’es fou ! ». Il avait raison mais il est parti avant que je devienne pro. J’étais dans une école de commerce qui me laissait le temps de m’entraîner, et fin 2013 je vais voir Fred Glo qui cherchait quelqu’un qui parle anglais pour faire la com’ et les résumés de course. Il m’engage en même temps dans le « Rocky Mountain Urge BP Rally Team » et je fais l’année 2014 comme ça avec de bons résultats à la clé. C’est comme ça que j’ai pu faire ma première année complète en Enduro World Series et ça a été le tremplin vers la carrière pro.

B.B : Te souviens-tu de ton premier podium en EWS ?

I.C : Je fais mon premier podium aux Crankworx à Whistler en 2015, le podium de rêve quoi ! J’étais derrière Cécile Ravanel et Tracy Moseley. Je gagne aussi ma première spéciale là bas, six secondes devant Tracy. C’est cool d’avoir fait mon premier gros résultat sur cette manche prestigieu­se.

B.B : Tu signes l’année suivante chez Sunn qui faisait son grand retour à la compétitio­n. Comment ça se passe ?

I.C : Sunn c’était pour moi la marque coup de coeur car mon premier vrai vélo était un Sunn Exact. Ce projet de remettre la marque sur le devant de la scène est arrivé avec Kilian Bron et Thomas Lapeyrie, et je me suis tout de suite dit que je voulais en être ! Fabien Cousinié s’occupait de monter le team, il est venu me voir, j’ai marché à 300 % et j’ai dit banco ! C’était mon premier contrat pro, j’avais un vrai salaire et je pouvais vivre du vélo. Mais en parallèle j’ai quand même continué mes études, que j’ai poussées jusqu’au Master.

B.B : Parle nous de ta rencontre avec Cédric Carrez avec qui tu partages ta vie maintenant.

I.C : On s’est rencontré en 2012 sur une course quand je roulais sur un Rocky Mountain, mais on s’est mis ensemble bien plus tard, en 2015. Il a eu un impact énorme sur ma carrière en Enduro. Il croyait en moi plus que je n’y croyais ! Il a toujours vu un potentiel chez moi, et comme je manque énormément de confiance en moi, il m’a beaucoup aidé. Par exemple, jusqu’à il y a encore deux ans, je ne me considérai­s pas comme une athlète de haut niveau, et j’osais encore moins le dire. Cédric a toujours été persuadé que je pouvais réussir en Enduro et il m’a beaucoup aidé à atteindre tout mon potentiel.

B.B : Tu évoques un manque de confiance en toi, est-ce que cela a été jusqu’au point où tu as eu envie de tout plaquer ?

I.C : Oui, j’ai eu envie d’arrêter le vélo à plusieurs reprises. Mais vu que j’avais de temps en temps des résultats assez bons malgré des courses catastroph­iques, ça m’a toujours poussé à continuer. Je me disais qu’un jour j’arriverais à mieux gérer mes émotions, à ne plus passer au travers, à prendre le contrôle, et c’est un peu grâce à ces mauvais moments en course que je n’ai pas arrêté.

B.B : Après deux ans chez Sunn, vous vous lancez avec Cédric dans la création d’un team avec des vélos Intense. Quel a été le moteur de ce choix ?

I.C : On avait envie avec Cédric d’avoir notre équipe et d’être maîtres de ce projet avec tout ce que cela implique, comme le choix des sponsors, le choix des événements, la communicat­ion, etc. Kilian avait aussi cette envie, on s’entend super bien et on a la même vision des choses. On s’est rendu compte tous les trois qu’on avait un projet nouveau qui consistait à avoir un pilote 100% race, moi, et un pilote axé presque 100% média, Kilian. C’est comme ça qu’on a créé le Intense Mavic Collective, qui était différent de tout ce qui se faisait. Ça a vraiment permis à chacun de renforcer encore plus la direction dans laquelle on voulait aller. On peut voir maintenant que Kilian fait des projets complèteme­nt dingues, il a cassé les codes et s’est vraiment trouvé dans ce qu’il fait. Et moi je me suis vraiment trouvée dans mon rôle de compétitri­ce avec le titre que je remporte sous ces couleurs-là et surtout aussi en tant qu’ambassadri­ce. C’est comme ça qu’est née l’idée de me rapprocher ensuite d’une équipe comme Lapierre qui était déjà en place, et de cette fusion avec la structure que nous avions montée avec Cédric.

B.B : Être ambassadri­ce, ça veut dire quoi dans ton cas ?

I.C : J’ai une partie de moi qui est 100% race, où je veux progresser et être meilleure, mais j’ai aussi une partie qui veut faire des journées entre filles, être sur les événements, rencontrer les gens… J’adore partager autour du vélo et je trouve génial de voir naître cette passion chez les autres. J’ai donc fait beaucoup de journées « ride » avec d’autres filles sur les events ou en dehors, et ça m’a ouvert les yeux sur les à-côtés de la compétitio­n. Cela m’a notamment amenée à participer à un projet associatif créé par Fifty Fifty, qui lance un programme de reconstruc­tion par le sport pour les femmes victimes de violences.

B.B : En quoi consiste ce projet ?

I.C : Avec l’associatio­n Fifty Fifty créée par Nathalie Grubac, le but est d’accompagne­r ces femmes et enfants sur une longue durée, notamment via les sports comme la voile, le ski ou le VTT. Aider les gens à renouer avec leur corps et leur mental dans la nature et en vélo, je sais que ça marche. Le vélo a tellement joué un rôle important chez moi quand ça n’allait pas, quand j’avais des troubles alimentair­es, quand j’étais au fond du trou… Ça m’a permis de me retrouver et surtout d’avancer dans la vie. Il y a dans le sport une re-connection au corps et à l’esprit qui peut vraiment aider ces femmes et leur famille. Donc je voulais m’impliquer dans ce projet, qui compte aussi des ambassadeu­rs comme Kevin Miquel, Eric Barone, ou encore Yves le Blevec dans le monde de la voile et Carole Montillet dans le ski. Ça fait un an et demi qu’on travaille dessus et on est en train de le finaliser.

B.B : Revenons au côté sportif : en 2019 tu fais une saison parfaite et tu remportes le titre de Championne du Monde alors que vous n’étiez encore que Cédric et toi aux couleurs de Intense sur les courses. C’est une belle réussite !

I.C : On a eu quand même pas mal d’aide de la part de nos partenaire­s, notamment de Mavic qui nous assistait sur certaines courses. Mais c’est vrai que c’était marrant

« J’AI MARCHÉ À 300 % POUR LE PROJET SUNN ET J’AI DIT BANCO ! »

de réussir à performer dans ces conditions car j’étais souvent seule avec Pouky (Cédric, ndlr) sur les courses et c’est lui qui faisait ma mécanique, donc on était vraiment comme un team privé. C’était une très très bonne année mais ça demande énormément de travail d’être dans ce mode de fonctionne­ment. C’est pourquoi on voulait passer à l’étape supérieure, notamment au niveau matériel, mais aussi testing, sur les aspects techniques, les choix à faire, etc. Donc quand on a eu l’opportunit­é de se rapprocher de Lapierre et notamment de Nicolas Vouilloz, on a foncé. Nico nous apporte tellement sur tous ces aspects, sans parler des ses conseils, de rouler avec lui, de discuter du choix des lignes… Je partage aussi tout ça avec Adrien (Dailly), on échange autour des rushes de Go-pro… C’est un vrai plus pour moi.

B.B : Il y aussi Chloé Gallean dans le team. C’était important pour toi qu’il y ait une fille ?

I.C : Chloé ne le sait peut-être pas mais elle a vraiment pesé dans la balance pour que je me dise que le projet Lapierre était le bon. Elle est ultra bienveilla­nte, elle est apaisante, toujours positive, toujours cool et elle fait du bien dans son entourage. Sans qu’elle s’en rende compte, sa présence me permet de moins stresser, c’est comme si j’allais sur les week-end de course avec ma copine ! On est entre filles, on parle de tout et n’importe quoi, on va faire du shopping etc. En plus désormais elle fera toutes les courses avec nous, ce qui est top pour elle car lorsque je la vois rouler, je débloque ! Elle a des capacités techniques de dingue, elle fait des passages que je suis incapable de faire et a vraiment un pilotage exceptionn­el. Il lui manque juste quelques éléments à mettre en place comme le physique, la gestion de course et la confiance en elle. Donc il y a aussi cette idée que je puisse l’aider à progresser. J’ai trop hâte de voir la suite car je sais de quoi elle est capable.

B.B : Depuis le début des EWS, l’enduro a énormément progressé aussi bien techniquem­ent que physiqueme­nt, et c’est d’autant plus flagrant chez les filles. À quel moment as-tu commencé à intégrer un entraîneme­nt physique spécifique ?

I.C : En fait ça a toujours fait partie de mon quotidien d’avoir besoin de la rigueur de l’entraîneme­nt. En 2013 j’ai commencé à avoir un entraîneur physique, Laurent Solliet, et on a bossé cinq ans ensemble. Il m’a remise sur les rails lors de mon passage du Cross Country à l’enduro et m’a fait basculer vers une dynamique d’entraîneme­nt spécifique, notamment au niveau du haut du corps avec de la musculatio­n, alors que je n’avais jamais soulevé un poids de ma vie. Petit à petit il m’a permis de me forger un physique d’enduriste jusqu’à ce que je change d’entraîneur. Aujourd’hui c’est Nicolas Filipi qui me suit.

B.B : Ski, snowboard, skate, BMX, pumptrack, route… Tu as l’air de toucher à tout. C’est aussi ta manière de t’entraîner ?

I.C : En fait j’aime tout ! Depuis toujours j’aime essayer tous les sports que je ne connais pas. Au-delà du plaisir, je pense que tout est lié. Par exemple avant j’avais une énorme appréhensi­on sur les sauts, et je l’ai bossée en snowboard. Avec le ski je retrouve certaines trajectoir­es du vélo. Le BMX m’apporte aussi beaucoup. Du moment qu’il y a de la glisse, de la vitesse et de l’adrénaline, tout se relie et pour moi, c’est une même logique en plus du côté fun. Il y aussi cette recherche constante d’améliorati­on chez moi, et toutes ces pratiques me permettent d’avancer dans le vélo et de mieux comprendre mon corps.

B.B : Pendant plusieurs saisons tu as été l’éternelle numéro 2 derrière Cécile Ravanel. Comment as-tu vécu cette bataille pour essayer de passer première ?

I.C : Je crois que beaucoup s’imaginent que c’était horrible pour moi d’être deuxième, mais en fait vu que ce n’est pas la gagne qui compte pour moi, que ça va au-delà de ça, je n’ai pas trop mal vécu la situation comparé à quelqu’un pour qui la gagne est la seule chose qui compte. Je l’ai vraiment vécu comme l’opportunit­é, course après course, de m’améliorer pour me rapprocher d’elle. À chaque fois je me demandais ce qu’elle faisait de mieux que moi, où elle était plus rapide etc. Au début elle était clairement plus forte que moi physiqueme­nt, donc j’ai beaucoup travaillé là-dessus. Elle était aussi capable de « débrancher » complèteme­nt et de rouler très vite, alors que chez moi tout est réfléchi, j’ai vraiment un pilotage calculé, je sors rarement de mes limites et de ma zone de confort, donc c’était un autre aspect à travailler. Ça m’a permis de m’améliorer à chaque course et j’ai fini par la battre une fois en Tasmanie en 2017. Ça a été pour moi un bel apprentiss­age et c’est sûrement ce qui m’a

« JE ME SUIS VRAIMENT TROUVÉE DANS MON RÔLE DE COMPÉTITRI­CE »

permis de faire une aussi belle saison en 2019. Fin 2018, j’étais vraiment proche, j’arrivais à quelques secondes d’elle en spéciale alors qu’au début j’étais des fois à plus d’une minute. En trois ans j’ai surtout vu une belle progressio­n pour aller la chercher, j’avais donc réussi mon objectif. Cécile a très clairement fait augmenter le niveau de toutes les filles, tout comme Tracy Moseley avant elle.

B.B : On apprend juste avant de boucler ce magazine que Cécile arrête sa carrière en compétitio­n. Quel est ton ressenti ?

I.C : On s’en doutait un peu mais je pense que c’était difficile pour elle de prendre cette décision tellement elle aime la compétitio­n. Et en même temps, elle a tellement apporté au sport qu’elle n’avait plus rien à prouver à personne. Je suis trop contente d’avoir pu faire toutes ces courses avec elle, avec Anne-caro et avec Tracy avant. Ce sont trois légendes et je me dis que j’ai beaucoup de chance d’avoir été formée à leurs côtés. Même si on était en compétitio­n, Cécile a toujours eu des petits mots et des petits conseils à mon égard. Je suis super heureuse et reconnaiss­ante d’avoir pu me mesurer à elle, et je pense qu’elle continuera à être au bord des circuits et continuera à faire ce qu’elle a toujours fait, transmettr­e aux jeunes sa passion et son expérience.

B.B : Tu n’es pas un peu frustrée de ne pas avoir pu faire une dernière saison à la régulière contre elle ?

I.C : Non parce que j’ai quand même réussi à la battre une fois, et je me dis que je suis la seule des jeunes de la 2ème génération à être allée la chercher, et ça c’est cool !

B.B : Avec des filles qui poussent le niveau comme Mélanie Pugin ou les deux Morgane (Charre et Jonnier), toi qui te blesse la saison dernière, on imagine déjà une belle bataille chez les filles en 2021. Comment appréhende­s-tu cette nouvelle saison ?

IC : Je me suis blessée sur les deux dernières courses et je fais deuxième, à 14 secondes, à Pietra Ligure avec deux ligaments déchirés dans la cheville… Bon, ça a été la pire journée de vélo de toute ma vie ! Du coup j’ai envie de me remettre à 100% car tout le monde s’entraine super dur et se prépare de la meilleure façon possible, donc moi je fais pareil. C’est cool de se dire qu’il y a des belles batailles qui nous attendent, et ce qui est sûr c’est que je vais tout donner, que je ne laisserai désormais plus rien

« LE VÉLO M’A PERMIS DE ME RETROUVER ET D’AVANCER DANS LA VIE. »

au hasard. Si ça ne paye pas, c’est que je n’aurai pas assez bossé. J’appréhende juste la première course étant donné que je reviens de blessure, il faudra que je retrouve mes marques. En tout cas je n’ai pas de pression, je veux juste faire du mieux que je peux, et je me dis qu’au-delà de la compétitio­n ça reste du vélo. L’accident de Cécile m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses et je vois désormais les choses différemme­nt, avec un peu plus de légèreté.

B.B : Concrèteme­nt, quels sont les objectifs que tu t’es fixé ?

I.C : Même si mon objectif est de gagner les Enduro World Series, cela va au-delà de ça. Je veux arriver à un niveau où je suis complèteme­nt à l’aise sur mon vélo, un peu dans un état de fluidité totale entre la maîtrise des gestes techniques et la puissance physique. Je pense aux surfeurs ou snowboarde­rs qui donnent l’impression que tout est simple et beau, j’ai envie d’atteindre ce niveau dans mon sport et de toucher du doigt ce que peuvent ressentir des champions ou championne­s comme ça. Et puis j’ai encore tellement de projets en tête, j’ai envie de courir des ultra-marathons, de faire des Ironmans, j’aurai largement de quoi faire ensuite !

B.B : On t’as vu en coach sportive ultra funky sur les réseaux sociaux pendant le premier confinemen­t, tu vas transmettr­e ta passion avec l’associatio­n Fifty Fifty, tu t’intéresses au bien-être du corps et de l’esprit… Ce sont des choses auxquelles tu penses pour ta reconversi­on post sportive de haut niveau ?

I.C : J’adore transmettr­e ma passion et le goût du sport et de l’effort aux gens ainsi que le bien-être que cela peut apporter. J’ai toujours eu besoin de me projeter sur l’après pour être rassurée sur l’avenir et profiter du moment présent. J’ai un Master en marketing et la première porte de sortie serait de bosser pour une marque sur le plan de la com’. Grâce à mon BPJEPS j’ai une deuxième porte de sortie pour proposer des initiation­s et la découverte du vélo. Et là, ma prochaine porte de sortie serait d’être coach physique en accompagna­nt les gens sur tout ce qui est bien-être avec un suivi sur l’alimentati­on, voir être masseuse pour une équipe de vélo. Tout ça me permet d’être sereine dans ce que je fais.

« EN 2021 CE QUI EST SÛR C’EST QUE JE VAIS TOUT DONNER »

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Texte & Photos Richard Bord
 ??  ?? De Iron Maiden aux Bee Gees, en passant par Barry White, Jean-michel Jarre ou le Wu-tang, la musique est indissocia­ble de la vie d’isabeau. Si les vinyles sont tout de suite accessible­s chez elle, il n’a pas été facile de mettre la main sur ses médailles : pas trop le genre à exhiber ses trophées.
De Iron Maiden aux Bee Gees, en passant par Barry White, Jean-michel Jarre ou le Wu-tang, la musique est indissocia­ble de la vie d’isabeau. Si les vinyles sont tout de suite accessible­s chez elle, il n’a pas été facile de mettre la main sur ses médailles : pas trop le genre à exhiber ses trophées.
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 ??  ?? S’acheter des fringues, écouter du rock à bloc dans sa Skoda puis aller rouler, n’en demandez pas plus à Isabeau, avec tout ça elle est aux anges !
S’acheter des fringues, écouter du rock à bloc dans sa Skoda puis aller rouler, n’en demandez pas plus à Isabeau, avec tout ça elle est aux anges !
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Sur les hauteurs de Trets, la montagne de Regagnas est un des spots favoris de la pilote Lapierre. Dans les cailloux et la pente, elle enchaîne les passages à une vitesse impression­nante. Isabeau est vraiment sur une autre planète au guidon d’un VTT.
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Plein gaz dans les pierres, on l’a dit, ce petit bout de femme ne s’en laisse pas compter...
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La salle de muscu d’isabeau n’est autre que son petit bout de jardin. Toujours en musique sur un fond de Funk et Disco des années 70, elle y passe beaucoup de temps. Son entraineme­nt est impression­nant et inaccessib­le à des riders lambda !
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Avec un coach snowboard comme Cédric Carrez (Pouky), Isabeau ne pouvait pas tomber mieux pour passer un cap dans les sauts, sur un snow comme sur un vélo d’ailleurs.

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