COUPE DU MONDE DE DH
LARGAGE DES PREMIERS MISSILES DE LA SAISON DH
La saison a repris à Leogang, et de quelle manière !! On était tellement en manque d’une bonne race de DH qu’on vous a gardé neuf belles pages de mots et de photos.
Après une saison 2020 amputée de presque toutes ses manches, 2021 devait marquer le retour à la normale pour le paddock de la coupe du monde de DH. C’était sans compter sur la ténacité de la pandémie, qui a encore cette année eu raison de Fort William, programmée manche d’ouverture. Finalement, comme l’an passé, c’est sur les pentes de Leogang que s’ouvrent les hostilités. Et avec les stigmates qu’elle a laissés dans les esprits des pilotes, la piste annonçait une course pour le moins intéressante…
Longtemps pointés du doigt pour leur tracé trop typé bike park (on se souvient de Phil Atwil sortant le hardtail lors des trainings), les shapeurs de Leogang avaient réservé une belle surprise aux riders l’an passé : une toute nouvelle section sur le bas de la piste, longue, tracée dans une pente soutenue et dans de la terre fraîche, en sous-bois. Le rêve de tous les pilotes sur le sec, le cauchemar de la très grande majorité d’entre eux sous la pluie. Evidemment, la loi de l’emmerdement maximal avait à nouveau frappé, avec des pluies diluviennes, de la neige au sommet et, pour rajouter l’insulte à l’injure, pas une goutte lors de la finale Hommes afin de transformer la boue liquide en pâte gluante… Clairement, cette course restera dans les annales comme étant l’une des plus difficiles de l’histoire de la DH, et les pilotes ne l’ont pas oublié d’une année sur l’autre. D’ailleurs on a bien cru que la mauvaise blague se répétait, lorsque les trainings se sont déroulés à peu près dans les mêmes conditions, la neige en moins. Après un nombre D’OTB franchissant allègrement les limites de la décence, et des ventriglisses à donner le tournis à n’importe quel festayre endurci, les mauvais souvenirs sont remontés à la surface. Mais dans leur extrême magnanimité, les Alpes autrichiennes ont finalement décidé d’épargner les pilotes, offrant des conditions beaucoup plus décentes pour les qualifs, et une piste finalement super intéressante en finale. On ne va pas vous refaire le match, nos reports sur bigbike-magazine.com sont là pour ça, mais voilà ce que l’on a appris lors de cette ouverture musclée de la coupe du monde de DH 2021.
UN MAÎTRE MOT : ADAPTATION
Entre les qualifs et la course, et même entre les trainings du matin et les finales, la piste n’a cessé d’évoluer. Dans ces conditions la faculté première d’un run réussi est l’adaptation, mais lorsqu’on part quelques heures après le dernier passage en trainings c’est une véritable gageure. Sur le haut, le tracé a tellement séché qu’il fallait prendre en compte deux paramètres : le fait de pousser un peu plus les limites mais aussi la prudence en le faisant : en effet, le revêtement de la piste est devenu très fuyant dans ces conditions, ce qui a notamment été fatal à Myriam Nicole. Greg Minnaar se met chaud également à plusieurs endroits. Quand deux pilotes aussi expérimentés sont mis à mal, on comprend que quelque chose se passe… Avec le gain de vitesse procuré par un meilleur rendement sur le sec (et certainement le vent de dos), les sauts ont aussi posé problème : beaucoup de riders se sont mis à plat voire en nose dive, ce
qui n’aide clairement pas à garder le flow sur la section motorway : Marine Cabirou se fait une belle frayeur, Angel Suarez et Danny Hart se mettent des overshoots, palme d’or du plus gros flat à l’anglais évidemment. Meilleur passage dans ce secteur ? Sans conteste Thibaut Dapréla, qui fait parler sa grosse technique en BMX et qui tente pour la première fois de l’histoire de Leogang une énorme double sortie de nulle part. Il raccroche un peu, mais quelle belle prise de risque ! Avec 3 secondes d’avance au second inter, et 2.5 au troisième (sur Amaury Pierron), c’est le papa de la partie haute.
LE MENTAL, FACTEUR DÉTERMINANT
Le retour aux affaires a été dur pour tout le monde : une saison courte en 2020, des incertitudes encore cette année et une première course sur une piste intraitable, tout était réuni pour rendre la tâche difficile aux pilotes. Et ils sont beaucoup à l’avoir mentionné, ce qui n’est pas habituel dans ce sport ni chez ce genre d’athlètes… Tous ont des qualités techniques et physiques comparables, et si le mental est souvent déterminant, il l’a été encore plus sur ce pan de montagne autrichienne. La remise en route a été difficile pour nombre de top pilotes, ceux qui étaient sur une bonne dynamique (Reece Wilson, Thibaut Daprela, Benoît Coulanges, Monica Hrastnik, Camille Balanche…) y sont bel et bien resté. Celui qui a totalement changé sa manière d’appréhender la finale, c’est Troy Brosnan. L’australien a décidé de s’oublier, lui qui est habituellement toujours en contrôle et ça a clairement payé. « En finale, le haut était difficile parce qu’il y avait de la poussière témoigne le pilote Canyon. Et ça allait super vite ! Une fois que je suis arrivé dans les bois,
je me suis dit : Allez je m’en fous, je lâche tout ! J’ai fait quelques fautes mais je pense que tout le monde en a fait. Je suis juste descendu le plus vite que j’ai pu, et j’ai remporté la victoire. Je suis super heureux ! ». DES RETOURS DE BLESSURE ÉPOUSTOUFLANTS
Puisqu’on parle de mental, on ne peut passer à côté des performances de Vali Höll, Brook Macdonald et Amaury Pierron. La jeune autrichienne est passé à un cheveu de remporter sa première course en Elite, après s’être sérieusement blessée à la cheville l’an dernier sur cette piste et avoir subi deux opérations cet hiver. Elle réussit avec un aplomb impressionnant le meilleur chrono des qualifs et sans une chute dans le dernier virage, elle montait sur la première marche. Gageons qu’elle ne tardera pas à se rattraper, c’est une
super pilote. On aurait néanmoins aimé lui voir un comportement un peu plus sportif malgré la déception : taper du pied dans une pancarte pub dans la raquette d’arrivée et faire la gueule comme si elle avait été spoilée, ça fait un peu footballer superstar mis sur le banc. Espérons que ça passe avec l’âge, les grands sportifs, ceux que tout le monde respecte, sont aussi élégants sur la piste qu’en dehors. Amaury Pierron maintenant… Quelle folie ce mec ! Après une très grosse blessure à l’épaule et au dos aux championnats de France, qui l’ont privé de toute une saison, il revient en coupe du monde après presque deux ans et roule ouvert en grand du haut jusqu’en bas. Son entrée dans les bois en gap au-dessus des racines est juste monstreuse, tout comme son passage dans cette nouvelle section. Il est propre et pourtant il ne tient pas les freins, c’est assez incroyable d’arriver à gérer un run de finale de la sorte après tant d’absence. Si de son propre aveu il ne savait pas vraiment comment il allait rouler, il peut être rassuré. Troisième de ce round, c’est peut-être lui le vainqueur mentalement. Bravo. L’autre belle histoire, c’est Brook Macdonald qui l’écrit, lui qui est passé à rien de rester paralysé. Après une année de rééducation, et un retour l’an passé sur le vélo, le Bulldog reste le Bulldog. Il nous a fait littéralement sursauter lors de son gap to wall en fin de motorway, qu’il est le seul à rentrer cette année. Son passage dans les bois reste super engagé, il roule en confiance et prend toutes lignes difficiles. Il aurait clairement réussi un super temps si la marche du dernier virage (fatale à Vali Höll un peu plus tôt) ne l’avait pas emporté aussi. Lui, garde son tempérament : un bon one hand poing tendu sur le saut d’arrivée, comme un gros champion.
Brook Macdonald personnifie à lui seul l’esprit de la DH, on est vraiment heureux de le voir sur un vélo, et impressionnés de le voir à ce niveau. Une sacrée légende !
LES PILOTES FRANÇAIS EN FEU COMPLET
Mais quelle génération de pilotes français ! Ils sont encore trois sur le podium à Leogang, et cinq dans le top 10. Baptiste Pierron est en progrès constant, il laisse pas mal de secondes sur la fin de la piste mais son run est vraiment hyper solide. Il termine 17ème. On est aussi impressionné par Rémi Thirion, qui malgré un changement de team et de vélo cette inter-saison réussit un top 10 (8ème), sur une piste qui lui convient mieux depuis que le bas a été refait, mais qui n’est pas non plus complètement sa tasse de thé (du moins pas dans ces conditions). Avec seulement Jacob Dickson pour co-équipier, le Vosgien a
vraiment un très grand mérite de se hisser à cette place. Chapeau bas. On n’arrête plus Benoît Coulanges ! Déjà très bon l’année dernière, après un emménagement du côté de Morzine plutôt fructueux, le pilote Dorval AM pète son premier podium en coupe du monde, et on le voit bien y retourner sur d’autres courses cette année. Champion de France en titre, lui non plus ne cesse de progresser et risque fort de venir chambouler assez souvent les meilleurs chronos… Thibaut Daprela est clairement le new comer de l’année, et on le pressentait déjà l’année dernière après sa troisième place lors de la première manche à Maribor, puis sa cinquième place au général. Avec ce run d’anthologie produit à Leogang, qui ne souffre que d’une grosse faute dans l’ornière, il confirme ses intentions et son niveau. Il va être hyper intéressant de le voir évoluer au fil de la saison : à l’instar de bon nombre de pilotes à leurs débuts en Elite, il ouvre en grand et tente des paris en course, mais à l’inverse de beaucoup, il reste souvent sur le vélo. Le cocktail pourrait bien être détonant. Evidemment, il reste Loïc Bruni, blessé au talon et qui ne pouvait vraiment pas se permettre de faute, notamment dans les sous-bois. Sortir le pied n’était pas une option et le pilote Specialized à d’ailleurs roulé ce secteur tout en contrôle, laissant quelques secondes dans la partie, mais tout en sauvant les meubles. C’est ce qui s’appelle de la gestion de course. Un mot enfin pour Loris Vergier, toujours aussi malchanceux. Le nouveau pilote Trek est en grande forme, il a d’ailleurs produit un run de qualifs impressionnant avant de se sortir dans les sous-bois. Il ne lui manque pas grand chose pour faire péter un chrono et on peut être sûr qu’il va jouer avec les tout meilleurs tout au long de la saison.
Cette coupe du monde de DH 2021 part sur d’excellentes bases, et on a déjà les yeux fixés sur la prochaine étape, qui se déroulera aux Gets le 3 juillet. Sauf avis contraire, il devrait y avoir du public et on sait d’expérience que l’alchimie fonctionne toujours bien dans ce coin de Haute Savoie. On se donne donc rendez-vous dans la raquette d’arrivée, avec des tronçonneuses bien bruyantes et des vuvuzelas géants. Le pied quoi…