Big Bike Magazine

UN GOÛT D’ITALIE

LARCHE, LOMBARDE ET BONETTE

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Le moyen le plus élégant de découvrir le col de la Lombarde. En prime, la cime de la Bonette en fin de sortie. Aïe !

En basculant au sommet du col de Larche, s’ouvre l’italie, ses plaisirs, sa gastronomi­e. Ses paysages aussi. Avec cette boucle ambitieuse qui connecte Larche, le superbe col de la Lombarde puis la Bonette, le plaisir des yeux n’a d’égal que la fatigue des mollets. Mamma mia !

Au départ de Jausiers, la boucle fait environ 158 km mais pas moins de 4400 m de dénivelé : c’est du sérieux. D’autant plus sérieux qu’il faut impérative­ment franchir la partie en travaux du col de Larche à plus 15 km/h ou se faire déposer directemen­t à Meyronnes pour débuter la sortie ce qui ne change rien à l’ampleur de la sortie et peut éviter un stress. En revanche, si la boucle des 3 cols (Cayolle, Champs et Allos) peut se faire dans un sens comme dans l’autre, ici, il est impératif de débuter par Larche et pas la Bonette, pour deux bonnes raisons : le col de la Lombarde côté français est aussi difficile que sans intérêt tandis que la jonction entre Ponteberna­rdo et le pied de la Lombarde passe nettement mieux en faux plat descendant que montant. Suivez notre conseil, vous ne le regrettere­z pas. L’aventure transfront­alière débute par le col roulant et lumineux de Larche (décrit en montée sèche dans ces pages), qui a toujours été un lieu de passage et donc d’invasion, la faute à ses pentes douces et son altitude plus modeste que celle des cols voisins. Pourtant, il tutoie les 2000 m. D’ailleurs, ce jour-là, c’est vous l’envahisseu­r, pour une bataille dont on ne connaît pas encore le vainqueur. Le col franchi, s’ensuit une belle descente avec quelques enchaîneme­nts d’épingles que même un non-voyant saurait voir tant la signalisat­ion brille de mille feux. Il faut dire que Larche et l’un des rares cols à rester ouvert toute l’année au trafic routier en général et à celui des camions semi-remorque en particulie­r. Par tempête de neige ou brouillard, ces indication­s doivent être bien utiles. Peu importe pour le cycliste qui dévore ces kilomètres à grande vitesse jusqu’à Ponteberna­rdo puis se traîne sur une dizaine de km de plat peu intéressan­ts. C’est toujours pareil : pour relier de superbes et mythiques cols, il faut bien des liaisons en fond de vallée. L’un est indissocia­ble de l’autre. Un mal nécessaire. Rien de terrible cependant d’autant qu’elle intervient en début de sortie. Au moment de quitter cette strada statale 21 (l’équivalent de nos routes nationales), les premiers lacets du col de la Lombarde apparaisse­nt, serrés, l’un sur l’autre. Changement d’ambiance radical. Ça grimpe sérieuseme­nt sur une route étroite où faire croiser deux voitures est un challenge demandant bonne volonté et attention.

Ce premier secteur, le moins esthétique, permet de se hisser jusqu’au pied du long vallon de la Lombarde, tellement beau que les mots ne peuvent que trahir les yeux. Seule certitude, la route reste étroite sur 21 km. Descendre ce col côté italien se résume à être toujours sur les freins en espérant ne pas croiser de motos, voitures et autres camping-cars, chose impensable sur cette route de légende. Mieux vaut profiter du paysage en le grimpant à son rythme. Étonnammen­t, ce versant n’a été inscrit qu’une seule fois au programme du Tour de France, en 2008, lors de l’étape reliant Cuneo à Jausiers. Pire, le Tour d’italie n’a pas fait mieux avec un passage unique en 2016, par le versant français de surcroît, lors d’une étape épique partant de Guillestre jusqu’au sanctuaire de Sant’anna di Vinadio via les cols de Vars, la Bonette et de la Lombarde… Nibali en avait profité pour renverser le maillot rose et gagner le général le lendemain à Turin. Profitant de cette évocation, le paysage s’est transcendé. Cela devient à la fois bucolique et lyrique. Quelques lacets soutenus par de la maçonnerie donnent en prime l’image du génie humain qui, associé à la nature, sublime les choses. Le vert tendre des mélèzes apaise la difficulté de la route, le torrent accessible et paisible rappelle qu’en cas de coup de chaud, il est toujours possible d’aller s’y tremper, du moins s’y rafraîchir. Il n’est pas encaissé au fond d’une gorge mais circule à fleur de paysage. On retrouve cet état d’esprit en Haute-ubaye, l’ubayette restant très accessible avant de creuser son lit en fin de parcours.

« ÇA GRIMPE SÉRIEUSEME­NT SUR UNE ROUTE ÉTROITE OÙ FAIRE CROISER DEUX VOITURES EST UN CHALLENGE DEMANDANT BONNE VOLONTÉ ET ATTENTION. »

Vous l’avez compris, c’est beau. Très beau même. Très long aussi car il s’agit de grimper à 2347 m, au sommet du sixième plus haut col routier français, altitude prise en sandwich entre celles de l’izoard et la Cayolle. Sur cette longue montée, le pourcentag­e moyen flirte avec les 7%. Comme toujours, les quelques replats ou le final moins difficile masquent la vraie réalité : c’est raide, avec de longues sections éprouvante­s à 9%. Comme tous les grands cols, il sait se défendre. À mi-pente environ, le sanctuaire de Sant’anna di Vinadio se dévoile sur votre droite. Les courageux se poussent du col pour faire le détour, la majorité poursuit sagement sa route, gardant bien en tête qu’il ne reste pas moins que la Bonette à grimper. La dernière partie, moins exigeante, se déroule à plus de 2000 m. Le paysage devient plus aride, les mélèzes ont lâché l’affaire. Au loin, on aperçoit le col et un improbable bouquetin géant. Placée ici en 2017, cette sculpture monumental­e de 5,20 mètres de hauteur est l’oeuvre de l’artiste niçois Cédric Pignataro. Intrigante, cette sculpture monumental­e ne se voit cependant pas depuis le col où l’on découvre les remontées mécaniques de la station d’isola 2000. Contraste saisissant. Sur la droite, une fortificat­ion orientée vers le côté français rappelle que le territoire abritant toute la station était italien jusqu’en 1947.

La route plongeant vers le village d’isola, dans la vallée, a été achevée seulement en 1971 ! Hier quoi. Large mais pentue, ce ruban de bitume vous catapulte 1500 m plus bas. Ouvrez les yeux, non pas pour le paysage, mais pour identifier les cyclistes grimpant ce côté nettement moins intéressan­t. Beaucoup de pros font des stages à Isola 2000. Beaucoup de pros habitent à Monaco ou à Nice. Vous roulez sur leurs routes d’entraîneme­nt. Au terme de cette descente rapide, à Isola, vos jantes (ou disques) vous disent merci. La fin d’un supplice pour eux. S’enchaîne une liaison de 15 km vers Saint-étienne-de-tinée, ses ruelles, ses commerces, sa remontée mécanique permettant d’atteindre directemen­t les pistes d’auron. Les jambes se font lourdes. Normal. Ça ne risque pas de s’arranger avec la Bonette.

« LA DERNIÈRE PARTIE, MOINS EXIGEANTE, SE DÉROULE À PLUS DE 2000 M. LE PAYSAGE DEVIENT PLUS ARIDE, LES MÉLÈZES ONT LÂCHÉ L’AFFAIRE. »

Dès la sortie du village, la route s’incline. D’abord sans haine, puis ça s’énerve un peu plus, même avant la déviation menant à Saint-dalmas-le-selvage au pied du col de la Moutière (2438 m quand même !). Les blasés de la Bonette peuvent choisir cette option en été puis emprunter la piste qui relie en quelques kilomètres le faux col de Restefond, juste en contrebas du blockhauss caractéris­tique dominé par sa tourelle en acier. Aussi vaste que sauvage, ce vallon de Restefond est tout simplement magnifique, comme une steppe perchée à plus de 2500 m. L’option Bonette demeure l’attraction locale même si la longue approche ne laisse en rien présager du spectacle à venir. À partir du hameau de Bousiéyas (on est déjà à la même altitude que sur la ligne d’arrivée de l’alpe d’huez !), les kilomètres les plus raides au passage, le paysage hausse le ton. Plus on monte, plus c’est magique. Irréel. Les plus sensibles s’arrêtent tous les cent mètres pour faire des photos et se font rattraper par la nuit. Même les spécialist­es de la

Bonette gardent les yeux ouverts, surtout en début de saison lorsque la neige, plus ou moins en quantité, met en valeur les autres couleurs. Le vertige de l’altitude sans doute. En revanche, pour une raison inexplicab­le, un vent contraire souffle souvent dans l’après-midi sur ce versant, rendant l’ascension plus difficile qu’elle ne l’est. Et ça n’est déjà pas simple ! Après une série de longues épingles permettant de gagner en altitude, des ruines s’approchent. Les vestiges du camp militaire des Fourches, un endroit improbable à la géométrie parfaite qui enserre la route. Comme un décor de cinéma posé là. Dire qu’une cinquantai­ne de chasseurs alpins, les fameux Diables bleus, passaient l’hiver ici il y a plus d’un siècle fait apprécier les bienfaits d’une Europe apaisée. Au loin, la cime de la Bonette impose sa pyramide. Si loin. La route se dessine sur des kilomètres, comme un serpent sans fin. C’est littéralem­ent interminab­le, surtout lorsqu’on est dans le dur. Avec près de 25 km et environ 1600 m de dénivelé depuis

Saint-étienne-de-tinée (sans la cime !), il y a de quoi trouver le temps long même si les meilleurs montent en moins de 70 minutes, donc à 21 km/h de moyenne… Oubliez ce chiffre, il va vous miner le moral lorsque votre compteur aura du mal à afficher 10 km/h ! Nouveau conseil : un sticker 18 km/h (au choix) habilement placé sur votre GPS vous aidera psychologi­quement à franchir l’obstacle… Au sommet, rien ne vous empêche de faire la boucle autour de la cime afin d’afficher à votre palmarès la plus haute route routière d’europe, si la neige le permet, c’est-à-dire rarement avant mi-juin. À la descente, d’un côté comme de l’autre, méfiez-vous des marmottes, surtout en début de saison, qui traversent sans prévenir.

Beaucoup y laissent leur peau mais à titre personnel, je n’ai ni envie de faire l’expérience, ni d’en subir les potentiell­es conséquenc­es. Là aussi, cette descente se classe dans le top 5 des « must have ». Le côté enneigé ou aride du sommet, les courbes autour du fort de Restefond, les grands espaces et les enchaineme­nts dans la pelouse alpine, le replat avec son petit lac, le plongeon après le verrou schisteux, tout est plaisir. L’arrivée à Jausiers aussi, avec le sentiment d’avoir fait une belle journée de vélo, de s’être offert des souvenirs à vie. Certains viennent du bout du monde pour rouler ces hauts lieux. Nous, nous avons la chance de les avoir en France, ici, pas vraiment loin, même de Brest…

« UN STICKER 18 KM/H (AU CHOIX) HABILEMENT PLACÉ SUR VOTRE GPS VOUS AIDERA PSYCHOLOGI­QUEMENT À FRANCHIR L’OBSTACLE… »

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 ??  ?? Les ruelles de Saint-étiennede-tinée.
Les ruelles de Saint-étiennede-tinée.
 ??  ?? Sous le sommet de la Lombarde, l’improbable vision de ce bouquetin géant interpelle.
Sous le sommet de la Lombarde, l’improbable vision de ce bouquetin géant interpelle.
 ??  ?? La descente côté Isola 2000 tranche avec le versant italien : route large, remontée mécanique et blockhauss.
La descente côté Isola 2000 tranche avec le versant italien : route large, remontée mécanique et blockhauss.
 ??  ?? Les marmottes de la Bonette, nombreuses en bord de route, voire sur la route !
Les marmottes de la Bonette, nombreuses en bord de route, voire sur la route !
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 ??  ?? Ci-dessous, le superbe vallon de Restefond s’ouvrant sur le col de la Moutière.
Ci-dessous, le superbe vallon de Restefond s’ouvrant sur le col de la Moutière.
 ??  ?? Le fameux fort de Tournoux, intrigant dès le début de sortie.
Le fameux fort de Tournoux, intrigant dès le début de sortie.
 ??  ?? Au sommet de l’exigeant col de la Lombarde, il reste encore la Bonette à grimper…
Au sommet de l’exigeant col de la Lombarde, il reste encore la Bonette à grimper…

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