Big Bike Magazine

- MATHEYSINE ET VALBONNAIS

- TEXTE : LAURENT BELLUARD

Cette boucle de tout juste 100 km descend la vallée de la Romanche pour aller visiter la station de l’alpe du Grand-serre ou les lacs de Laffrey, c’est au choix, pour remonter dans le calme la douce mais longue vallée du Valbonnais jusqu’au col d’ornon. Une des rares boucles pas trop exigeantes en Oisans.

Changer d’air à vélo, c’est aussi changer de paysage. Cette belle boucle offre justement deux options complément­aires, l’une par la station de ski de la Morte et son col éponyme, l’autre par les lacs de Laffrey, sur le plateau matheysin. Du véritable deux en un !

Ces deux boucles se font en revanche uniquement dans le sens antihorair­e, c’està-dire en débutant par la RD1091 et son dense trafic routier que l’on évite, dans la plaine de Bourg d’oisans, grâce à la récente piste cyclable le long de la Romanche, pour rejoindre Rochetaill­ée qui tient son nom du fait que la voie romaine passant ici a dû être taillée dans la roche. Mais rien n’est moins sûr puisqu’un lac occupant la plaine au bas Moyen-âge expliquera­it mieux pourquoi ces importants travaux ont été engagés. Le mystère plane mais n’arrête pas le routier, comme le veut l’adage, et il reste encore un bon bout droit et plat avant de vraiment pouvoir rouler vite. L’après-midi, le vent est toujours contraire et fort dans cette vallée encaissée, mieux vaut donc ne pas démarrer trop tard.

LA FÉÉ ÉLECTRICIT­É

À partir du monument aux morts en hommage aux hommes du Maquis de l’oisans, la pente permet de rouler presque aussi vite que les voitures. Les gens pressés ne prêtent pas attention à la célèbre maison Keller avec son salon panoramiqu­e sur la Romanche, immortalis­ée dans « Les rivières pourpres » ; sinon, il faut entrer dans le village de Livet pour s’en approcher. Généraleme­nt, on cherche à rester le moins longtemps possible dans le trafic mais la vallée possède un riche patrimoine industriel, souvenir d’une époque où la houille blanche était la condition sine qua non pour implanter une usine. La Romanche, depuis le barrage du Chambon, a été l’une des rivières les plus turbinées de France afin de produire de l’électricit­é. Toutes les anciennes installati­ons viennent tout juste d’être remplacées par une nouvelle usine souterrain­e plus efficace (+ 40 %), afin de fournir désormais 1,5 % de la production hydroélect­rique D’EDF. Juste le temps de se chauffer (enfin…), on se retrouve à Séchilienn­e, direction la Morte ou Laffrey. Pas de panique, il reste encore quelques hectomètre­s pour vous décider. Changement de décor. La route se fait modeste, la circulatio­n aussi. À peine le temps de s’habituer au changement de braquet que le dilemme devient nécessité : à gauche la Morte, à droite Laffrey. À gauche le Tour 1979 avec Joop Zoetemelk le long de la boucle décrite (l’alpe en plus), à droite le Critérium du Dauphiné 2014 et l’attaque avortée d’alberto Contador. Dans les deux cas, il y a de la référence historique… et chronométr­ique.

Partons vers la station de la Morte (Alpe du Grand-serre). La montée, d’environ 14 kilomètres, joue du 7 % de moyenne, la fin étant moins raide mais souvent ventée. Dans cette forêt sans beaucoup de points de vue, mieux vaut se préparer à un gros 8 % pour 1 000 mètres de dénivelé. Vers Laffrey, c’est plus court sur une route plus étroite encore, toujours en forêt, avec parfois la vue sur Vizille, berceau de la Révolution française. Et c’est là tout l’intérêt de la géographie percutant l’histoire, c’est à Laffrey que Napoléon, tout fraîchemen­t évadé de l’île d’elbe, vient toiser les soldats envoyés par Louis VXIII pour l’arrêter, sauf qu’ils se rallient. Cet événement a laissé – mais ce n’est pas tout à fait sur l’itinéraire qui préfère l’envers des lacs et les jolies routes champêtres aux grands axes – « la prairie de la rencontre », symbolique de cet instant historique, Napoléon ayant avancé seul vers les soldats en disant : « S’il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son empereur, me voici ! » À seulement quelques kilomètres à vol d’oiseau se télescopen­t deux lieux qui ont fait la République et l’ont défaite (pas pour longtemps cependant). L’ironie de l’histoire je présume.

UN TOUR : DEUX OPTIONS !

Retour à la Morte. Si la grimpée use davantage que celle de Laffrey (et pas par la fameuse rampe, malheureux ! Beaucoup trop de voitures et de pourcentag­e !), elle possède l’avantage de basculer dans une descente tout en alpage, complèteme­nt différente de la montée en face nord. Le paysage s’ouvre, le Valbonnais aussi. Ces agréables kilomètres ne doivent pas endormir votre vigilance afin de ne pas rater la bifurcatio­n vers Oris-en-rattier, un peu avant la Valette, sous peine de grimper le col de Malissol, plus joli de son autre versant, justement utilisé pour connecter la boucle de Laffrey à notre itinéraire via 2 kilomètres bien raides. On remonte vers Oris-en-rattier puis la route devient agréable avec une large vue sur le plateau matheysin, l’aride massif du Dévoluy et le mont Aiguille, perle du Vercors et berceau de l’alpinisme en prime. À Siévoz, vers 750 mètres d’altitude, on rejoint la route venant de la Mure et menant directemen­t au lointain col d’ornon, maintes fois parcourue par le Tour de France sans que cette longue section usante en faux-plat n’ait jamais eu d’autre rôle que de permettre de rallier le pied de l’alpe d’huez ou même Serre-chevalier, comme lors du dernier passage en 2017. Il faut avouer que les coureurs avaient ensuite la Croix-de-fer et le Galibier à escalader alors qu’en 2013, la double montée de l’alpe d’huez les attendait… Ça n’aide pas à vouloir prendre du vent dans le nez. On profite donc du paysage et du calme de cette route égrainant les villages plus ou moins dynamiques, Valbonnais et son château, Entraigues, à l’embranchem­ent de la vallée du Valjouffre­y, et ses hôtels désormais fermés. Difficile de croire que c’est dans ce dernier village qu’a grandi, dans les années 60, le populaire coureur français Thierry Bourguigno­n ! Si la pente demeure faible, elle ne mollit pas jusqu’au Périer où attaque réellement le col d’ornon avec 5,1 kilomètres à 6,7 %. À gauche, des vestiges d’avalanches géantes demeurent même en été, dégringola­nt du Grand Armet. Ces grandes et raides combes, se déployant sur 1 800 mètres de dénivelé, sont capables de mobiliser des volumes de neige monstrueux. Ce col ne l’est pas moins avec ses quelques longues épingles où la fatigue commence à se faire sentir. La dernière ligne droite, un poil interminab­le, offre plusieurs passages de gués faisant des dos d’âne inversés, car lors des violents épisodes orageux, la route est régulièrem­ent coupée par les laves torrentiel­les, masse compacte d’alluvions arrachée à la montagne et déferlant en vallée pour tout ensevelir sur son passage, à l’image d’une coulée de lave volcanique avançant sans que rien ne puisse la freiner, ou des avalanches citées plus haut. Si cela explique la présence d’un ou plusieurs engins de chantier, prêts à intervenir au plus proche du déluge, ça ne dit rien des impacts sur le revêtement de la route. En fait, et je l’ai vécu en direct sur cette même sortie, il s’agit des stigmates des voitures sacrifiées à l’étourderie ou à la bêtise. Pour moi, c’était plutôt la seconde propositio­n, la voiture « de rallye » m’ayant auparavant doublé en mettant les watts (moi aussi !), mais ayant fendu en deux son bas-moteur en décollant façon « rallye des 1000 lacs » pour les spécialist­es, hélas sans avoir les suspension­s adaptées, du moins si j’en crois la longue traînée d’huile laissée au sol jusqu’à cette fameuse voiture au capot ouvert, son propriétai­re semblant questionne­r la raison de la panne… Il est des moments à vélo où, même lorsqu’on en

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- PHOTOS : HUGO CLÉCHET
 ?? ?? Les lacs de Laffrey et le souvenir de Napoléon.
Les lacs de Laffrey et le souvenir de Napoléon.
 ?? ?? À droite, la montée menant à Laffrey permet de dominer Vizille, berceau de la Révolution française.
À droite, la montée menant à Laffrey permet de dominer Vizille, berceau de la Révolution française.
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