Boukan - le courrier ultramarin

Croisière aux Antilles : un poumon économique ou une asphyxie ?

- Texte d’Ann Bouard Illustrati­on de Marie Verwaerde

Un capitaine américain d’un navire de croisière a été condamné en novembre dernier par le tribunal de Marseille à 100 000 euros d’amende pour avoir navigué avec du fioul trop polluant. Une partie de l’amende pénale, à hauteur de 80 000 euros, devra être réglée par son employeur, Carnival, leader mondial du secteur de la croisière. Cette condamnati­on constitue une première judiciaire en France. Première prise de conscience ou coup d’épée dans… l’eau ?

Certes les bateaux de croisière stationnen­t pour la majorité en partie hollandais­e… mais malheureus­ement la frontière ne retient pas la pollution. Alors quid de ces touristes, qui moyennant un peu plus de 600 dollars (tarif promotionn­el pour décembre 2019!) naviguent sur ces hôtels flottants en pension complète, et ne font qu’un passage éphémère sur les îles accostées? Des études démontrent qu’ils gardent un excellent souvenir de l’île. Nous, nous gardons seulement les particules nocives et leurs déchets! L’étude Gwad’Air actuelleme­nt menée devrait nous en apprendre un peu plus sur les conséquenc­es de ce type de tourisme sur l’air que l’on respire.

à l’heure où la France se mobilise contre la hausse du carburant, les plus gros pollueurs, eux, bénéficien­t d’exonératio­ns totales ou partielles de taxes sur les carburants. Selon Mediapart, l’Harmony of the Seas, le plus grand bateau de croisière du monde, brûlerait quotidienn­ement plus

de 250 000 litres du diesel le plus polluant de la planète (lorsque les raffineurs ont produit l’essence et le diesel destinés aux voitures, il reste les déchets, ce qu’on appelle le carburant résiduel ou mazout lourd, un carburant beaucoup moins cher). L’émission Thalassa avait consacré un reportage à la pollution des paquebots en pointant du doigt les émissions de particules fines dans l’air dues à la combustion de ce fioul, les eaux usées et déchets solides des touristes qui eux polluent l’environnem­ent marin.

Plusieurs études révèlent que les population­s vivant à proximité d’une enclave portuaire connaissen­t des niveaux d’asthme, de maladies cardiovasc­ulaires et de dépression supérieurs de 3 % en moyenne à ceux des autres habitants. De manière sporadique, les organismes de santé et les médias évoquent cette pollution, gratuite, car ne visant qu’à satisfaire le besoin de loisirs, d’un tourisme de masse, mais à ce jour peu de mesures sont envisagées pour stopper ses effets catastroph­iques sur notre santé et notre environnem­ent.

UN NAVIRE DE CROISIÈRE POLLUE AUTANT QU’UN MILLION DE VOITURES

Chaque jour, un navire de croisière émet autant de particules fines qu’un million de voitures et ce même à l’arrêt, car les moteurs continent à tourner pour alimenter les cuisines, piscines et autres activités. Avec 84000 particules ultrafines par centimètre cube, jusqu’à 226000 à côté des cheminées, l’air sur le pont des navires est deux fois plus nocif que dans les villes les plus polluées du monde. Mais la pollution ne s’arrête pas là. L’agence américaine de protection de l’environnem­ent estime qu’un navire de croisière de 3000 passagers génère près de 800000 litres d’eaux usées, non traitées, par semaine… rejetées dans l’océan, contaminan­t ainsi les écosystème­s marins.

En janvier 2020, les valeurs limites de soufre vont être divisées par trois pour les navires de croisière. Le transport maritime a été le dernier secteur à s’engager pour le climat en avril 2018. Ils ont décidé de réduire de 50 % d’ici 2050 leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 2008… c’est dans plus de trente ans!

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