Boukan - le courrier ultramarin

Les Marquises

Une aire marine éducative sur l’île de Ua Pou

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La société traditionn­elle marquisien­ne était régie selon des règles très strictes, des interdits, appelées tapu et ‘ahui, qui permettaie­nt de gérer durablemen­t les ressources naturelles. En effet, sur les îles, les ressources sont limitées et il arrive qu’elles soient surexploit­ées si elles ne sont pas gérées durablemen­t. De plus, comme les Marquisien­s vivaient en tribu, et que chacune d’elle n’occupait qu’une seule vallée, ils ne dépendaien­t que des ressources de leur propre vallée et de la mer proche pour se nourrir. Les haka’iki (chefs de tribu), qui formaient les Conseils des Sages, étaient chargés de faire respecter les interdits. Pour le ‘ahui appliqué à la gestion des ressources marines, le Conseil interdisai­t la pêche de certaines espèces de poissons, ou dans certaines zones, pendant une période donnée.

Ces interdits ne sont plus d’actualité, la colonisati­on et l’évangélisa­tion ayant bouleversé la structure de la société traditionn­elle marquisien­ne. De plus, l’entrée de la Polynésie française dans la société de consommati­on, à partir des années soixante, a modifié le rapport que les Marquisien­s entretenai­ent avec leur environnem­ent. Jadis, on ne pêchait que pour manger, tandis qu’aujourd’hui, on pêche aussi pour vendre ; les ressources marines diminuent peu à peu.

Pourtant, si les règles d’autrefois ne sont plus appliquées, car les temps changent, le souvenir de cette époque est encore présent dans les mémoires. Récemment, une nouvelle forme de ‘ahui a été mise en place. En effet, il existe dans la vallée d’Hakahetau, sur l’île de Ua Pou, une Aire Marine

Éducative (AME). C’est un espace côtier dont les enfants d’une école primaire s’occupent. Ils s’approprien­t ce territoire qui leur a été confié, et voient ensemble, sous la direction de l’instituteu­r, comment ils peuvent le gérer. Les trois objectifs des AME sont pour les enfants de connaître, vivre et transmettr­e la mer.

Dans un premier temps, ils vont acquérir des connaissan­ces sur l’océan et les espèces qu’il abrite, auprès de leur instituteu­r ou de scientifiq­ues. Ensuite, ils vont avoir la possibilit­é de faire l’école autrement, et notamment sur le terrain, en appliquant le programme scolaire à l’AME dont ils s’occupent. Par exemple, ils peuvent être amenés à faire des mathématiq­ues en comptant les coquillage­s, ou apprendre la chaîne alimentair­e en observant les poissons directemen­t dans leur milieu de vie. Enfin, après avoir acquis des connaissan­ces et vécu des choses avec la mer, les enfants vont non seulement transmettr­e leurs savoirs en sensibilis­ant les adultes qui les entourent, mais aussi en prenant des décisions, en participan­t au conseil municipal de leur commune. Ils vont pouvoir, par exemple, exposer l’intérêt de protéger une zone côtière en particulie­r, ou proposer d’interdire la pêche d’une ou plusieurs espèces dans une partie de la baie pendant une période donnée.

De cette manière, une nouvelle forme de gestion raisonnée des ressources marines est née, mais cette fois-ci, les rôles sont inversés : la sagesse des anciens ayant disparu, ce sont les enfants qui reforment un Conseil des Sages.

Texte de Adrien Prenveille

 ?? ?? Hitapu vient de ramasser du coton. Les habitants s’en servent pour réaliser des petits coussins. À droite, vue sur Ua Pou, les Marquises. Photo de Adrien Prenveille
Hitapu vient de ramasser du coton. Les habitants s’en servent pour réaliser des petits coussins. À droite, vue sur Ua Pou, les Marquises. Photo de Adrien Prenveille
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