Boukan - le courrier ultramarin
Zafimaniry
Une ethnie en voie de disparition ou un savoir-faire en déperdition ?
Qui sont ces petits-fils qui désiraient fortement le riz? Maintes études menées sur l’histoire des Zafimaniry associent l’origine du nom de cette tribu avec le riz : zafimanirivary ou zafitsimanirivary. D’où vient le nom de zafimaniry ? Les explications divergent. Les uns expliquent que le relief très accidenté de leur région d’implantation ne favorise guère la riziculture, d’où le nom zafimanirivary (petits-fils qui désirent du riz).
CONFLUENT
Une autre version de cette histoire est plus répandue auprès du peuple zafimaniry. Vers le 18e siècle, un petit groupe habitait le village de Haranandriana dans le Fisakana (au nord-est d’Ambositra). Le chef local Rasohilahy donna une grande fête pour célébrer l’abondance de la récolte du riz. Le toaka gasy (le rhum artisanal malgache) coulait à flots. Après en avoir consommé une grande quantité, dans son ivresse, il mit le feu au grenier à riz. Sa femme lui raconta la catastrophe, à son réveil. Les Zafimaniry, conduits par Rasohilahy, quittèrent alors la région, abandonnant la culture du riz, pour aller s’installer dans les forêts situées dans la partie est d’Ambositra.
Ces Zafimaniry sont actuellement présents dans cinq communes rurales dans l’Amoron’i Mania, sur un territoire estimé à 500 km². Le contingent est estimé à 19 000 âmes. Antoetra est la porte d’entrée principale du peuple zafimaniry. S’ils sont assimilés aux Betsiléos (les nombreux invincibles), par leur dialecte, ils possèdent néanmoins des spécificités. Le zafimaniry est au confluent des cultures Betsiléo et Tanala (ceux qui viennent de la forêt), le peuple des forêts, par leur capacité à travailler le bois et par leur pratique du tavy, la culture sur brûlis. Pourtant, ils n’acceptent pas l’incorporation dans ces deux ethnies, car pour eux, ils sont Zafimaniry, une ethnie à part entière. Et ils le revendiquent.
MATÉRIAUX VIVANTS
Comme dans tout Madagascar, les maisons zafimaniry sont orientées nord-sud. Ils ont également gardé la tradition multiséculaire de construire avec des matériaux vivants, tirés de végétaux. La pierre et le sable, matériaux non vivants, étant destinés aux tombes. L’une des particularités du peuple zafimaniry est sa dextérité incroyable à la charpenterie. Le village d’Antoetra donne la pleine mesure de cet art. Sans clous, ni vis, ni fers ronds, les charpentes s’emboîtent parfaitement comme par magie, un peu à la façon d’un jeu de Lego. La maison est ainsi entièrement démontable et peut être assemblée à volonté. Les Zafimaniry sont aussi d’excellents sculpteurs et ébénistes.
Ce savoir-faire a été classé parmi les patrimoines culturels et immatériels de l’Humanité par l’Unesco, depuis 2003. Selon la légende, ce talent particulier viendrait du fait
que, dans un premier temps, ce peuple a habité dans la forêt, avant que celle-ci ne disparaisse. Il n’avait que du bois pour construire ses habitations. La sculpture et notamment les ornements des cases zafimaniry se sont alors développés avec cet art de la construction. Selon Sophie Bazin, « les motifs géométriques qui ornent volets et fenêtres des maisons de bois seraient des réminiscences de signes magiques destinés à protéger la communauté, et à témoigner de ses liens avec son environnement. Là se niche le secret de leur art, dans les liens que les Zafimaniry tissent entre eux et dans leur rapport à la nature. »
Ces figures zafimaniry appelées “sokitra” se composent de lignes, de carrés, de cercles, de rectangles, de triangles et de losanges. Ilainjafy, l’un des Tangalamena du village de Sakaivo-nord apporte quelques explications. « Ces sokitra zafimaniry ont chacun un sens et une signification, qui ont trait à la cohésion familiale, sociale et sociétale. Ils expriment une prière, un voeu ou des souhaits pour le ménage, la famille, le village et la génération future. »
CHANGEMENT CLIMATIQUE
Cependant, avec la disparition inéluctable et progressive des forêts qui leur apportaient les ressources naturelles, les difficultés sociales et économiques, l’étroitesse des superficies rizicultivables, le relief très vallonné et l’insécurité qui règnent en milieu rural, les Zafimaniry font désormais face à un changement dans leur mode de vie. Dans les principaux villages, l’on note la présence de cases qui sont certes toujours en bois, mais qui sont dorénavant coiffées d’un étage. Les forêts se trouvant de plus en plus loin, les nouvelles maisons sont construites le plus souvent en briques, car elles sont plus faciles à protéger en cas d’intrusion. « Des maisons en dur commencent à être nombreuses, afin de parer aux problèmes récurrents de l’insécurité », explique Kotoniaina Fanomezana, maire de la commune rurale d’Antoetra.
À cause du changement climatique, il est de même de plus en plus difficile d’avoir des récoltes suffisantes. « L’eau devient de plus capricieuse», se désole
Ilainjafy, Tangalamena de SakaivoNord. Rodin, un paysan d’Antoetra de confirmer : « il est désormais impossible de distinguer les saisons avec le changement climatique. Une année, il fait très sec, l’autre année, il y a trop d’eau. Il arrive qu’il pleuve beaucoup même pendant l’hiver, comme si nous étions déjà en été. Tout est déréglé ». C’est l’existence du peuple zafimaniry qui est menacée.
PERTE DE FRONTIèRE
Pour faire face aux difficultés quotidiennes de la vie, de nombreux de zafimaniry sont allés s’installer dans la plaine de Marovoay pour pratiquer la riziculture irriguée. D’autres font le va-et-vient dans l’Analanjirofo pour travailler le bois. En rentrant de ces périples, ils ramènent avec eux plaques solaires, batteries et de la lumière. Si Zafimaniry et travaux du bois rimaient auparavant avec une coexistence harmonieuse avec la forêt, ils doivent désormais affronter l’avenir différemment! Ils sont amenés à se réinventer, de nouveau… Texte de Mamy Razafindrakoto Photographie de Henitsoa Rafalia
Indigo, la revue culturelle des îles de l’océan Indien est née en avril 2018. Elle propose un cabotage culturel et artistique dans les îles du sud-ouest de l’océan.
Créée par des passionné.e.s de ces cultures, Indigo offre aux artistes de la zone la possibilité de vous parler de leur art, de leur vie d’artiste.
Indigo couvre toutes les formes d’art, de la littérature à la photographie, du cinéma à la bande dessinée, des arts plastiques au théâtre sans oublier la musique.
Un bel objet de forme carrée 24×24 cm de 250 pages. Prix OM 19 €
LES ZAFIMANIRY SONT AUSSI D’EXCELLENTS SCULPTEURS ET éBéNISTES. CE SAVOIR-FAIRE A éTé CLASSé PARMI LES PATRIMOINES CULTURELS ET IMMATéRIELS DE L’HUMANITé PAR L’UNESCO EN 2003