Boukan - le courrier ultramarin
ÉDITO de Pierre-Olivier Jay Rédacteur en chef
Musée, audiovisuel, arts, presse, livre… la “culture ” est un mot-valise. Le point commun des activités qu'il désigne est sans doute, au-delà d'un même ministère de référence, de donner du sens à l'existence. Considérées comme secondaires par rapport aux besoins matériels essentiels de l'individu, elles n'en sont pas moins indispensables pour l'esprit. Mais cette année, alors que la crise sanitaire a conduit à un véritable assèchement de ces différentes “sources de pensée ”, la question de son importance pour la population, et de son modèle économique, se pose encore plus terriblement.
Dans une période guidée par les contraintes du néolibéralisme, et dominée par la communication digitale, il semblerait qu'une activité culturelle ne puisse exister qu'à la condition d'être rentable, ou suffisamment représentative en termes de population, comme n'importe quel service. Elle est alors susceptible de disparaître, bien qu'elle soit primordiale pour l'équilibre de la société.
Les territoires qui disposent d'un marché réduit, comme les Outremer, souffrent particulièrement de ces mutations brutales. Certains enjeux sont communs avec la métropole. La presse doit-elle chercher une rentabilité inaccessible, et se résoudre à la dégradation de la qualité de l'information ? Nul doute que ce renoncement laisserait le terrain libre aux réseaux sociaux, dont l'impact délétère sur le climat social n'est plus à démontrer. Comment assurer la continuité financière des festivals, qui soutiennent l'art vivant? D'autres problématiques se posent avec une acuité particulière en Outremer. Pourrat-on créer de nouveaux musées, trop rares en Outremer ? Quelle visibilité donner à nos territoires excentrés dans le paysage médiatique hexagonal, alors que France ô a disparu ?
Autant de questionnements qui deviennent cruciaux et qui mériteraient probablement plus d'attention. Ce numéro 05 de Boukan, dépourvu de publicité, est un exemple évident du challenge économique auquel est confrontée l'activité culturelle au XXIe siècle. Le moment était donc idéal pour proposer un dossier “Culture”, et poser des regards croisés sur des expressions culturelles diverses, dans les Caraïbes, en Guyane, à Mayotte, à Tahiti, ou en Nouvelle-Calédonie.
Comme nous aimons le rappeler dans Boukan, ces territoires font preuve d'une telle diversité, d'une telle dynamique, qu'ils n'ont rien à envier au bulldozer parisien. Il est essentiel pour eux de se démarquer autant que possible pour faire valoir leurs richesses et leurs singularités. Devant les tensions toujours plus nombreuses qui traversent la société française, les cultures amazoniennes, caraïbes, de l'océan indien, et du Pacifique peuvent souffler un vent de renouveau. Encore faut-il leur laisser cet espace d'expression.