Boukan - le courrier ultramarin

Fermeture de France Ô Une chaîne disparaît, pour une meilleure visibilité des Outremer ?

Fin de signal pour France Ô. Certains des programmes consacrés aux Outre-mer sont désormais « visibles sur les antennes nationales de France Télévision­s et sur le numérique », assure la direction du groupe France Télévision­s qui promet d'accompagne­r les «

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Si la fermeture d'un média est toujours regrettabl­e, la remise en question de la visibilité des Outremer provoquée par cet événement reste intéressan­te. « Avec la fermeture de la chaîne France Ô, les Outremer sont largement gagnants », commente Christine Vial-Collet, représenta­nte du syndicat des producteur­s audiovisue­l et cinématogr­aphique des Outre-mer, le SPACOM. « La visibilité est bien plus grande sur France 3 et France 5 que sur celle de France Ô », ajoute la productric­e, basée en Guadeloupe. Depuis son lancement en 2005, les audiences n'ont pas dépassé 0,6 % pour stagner à 0,3 % en 2019, contre 9,3 pour France 3 et 3,6 pour France 5, selon les derniers chiffres du groupe France Télévision­s.

Gilles Zobda, producteur et responsabl­e du bureau des tournages en Martinique ne s'est d'ailleurs jamais contenté de cette chaîne, trop « communauta­ire » selon lui : « On a notre place sur la télé nationale. Nous avons d'ailleurs eu de bonnes audiences sur France 3 avec Meurtre en Martinique », donne-t-il à titre d'exemple. En documentai­res, l'approche du producteur martiniqua­is est différente. Il espère avoir l'appui des télés locales pour ensuite cibler le national. Mais les télévision­s privées « n'ont pas les moyens et les stations Premières se reposent sur leurs acquis, car elles n'ont pas de concurrenc­e » selon lui. « Heureuseme­nt, elles diffusent, mais elles initient peu », souligne Gilles Zobda.

Une production locale qui devrait évoluer

Une production locale qui devrait évoluer puisque le groupe France Télévision­s a annoncé une augmentati­on des budgets d'investisse­ments des stations Premières, notamment pour la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. « Cela permettra peut-être à plus de sociétés ultramarin­es d'accéder aux aides financière­s du CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée) et de mieux développer la filière », explique la représenta­nte du syndicat des producteur­s ultramarin­s.

« L'Outre-mer plus visible sur France 2, France 3 et France 5 avec de nouvelles cases de diffusion ok, mais à quelle heure et pour qui ? », questionne François Fèvres, producteur d'une vingtaine de documentai­res en 10 ans pour la chaîne France Ô. Selon lui, « la ligne éditoriale de France Ô n'a jamais été claire. Est-ce un outil au service d'une diaspora ultramarin­e résidant dans l'Hexagone ? Ou un outil pour faire découvrir l'Outre-mer à des Hexagonaux ? », ajoute le producteur basé à Paris, qui attend la concrétisa­tion des nombreuses « promesses » du groupe France Télévision­s. Sur une année, France Ô diffusait une centaine de documentai­res. Combien de production­s ultramarin­es le groupe France Télévision­s prévoit-il dans ses programmes?

Une ligne éditoriale floue

Pour pallier la perte de ce diffuseur, Delphine Ernotte, la présidente de France Télévision­s, avait signé en 2019 un « Pacte de visibilité des Outremer » avec Franck Riester, le ministre de la Culture de l'époque et Annick

Girardin, l'ex-ministre des Outremer. Ce pacte prévoit 25 engagement­s pour « ancrer un réflexe Outre-mer ». Il s'agit, selon le communiqué du groupe, de « proposer chaque mois, en moyenne un programme ultramarin en première partie de soirée sur France 2, France 3 ou France 5. Faire progresser le nombre de sujets ultramarin­s dans les JT. Intégrer dans les contrats des grilles des chaînes nationales des objectifs adaptés. Mettre en place un annuaire des experts ultramarin­s et doter la rédaction nationale d'une équipe de coordinati­on Outremer ».

Une meilleure visibilité de l’Outremer

Depuis un an, France 3 a récupéré la « case » documentai­re désormais diffusée le jeudi soir à 23 h. La direction de France Télévision­s assure « qu'il n'y a pas d'inquiétude­s à avoir. Le portail de l'Outremer est en plein développem­ent proposant des documentai­res, des séries, des podcasts ».

À l'heure où les modes de consommati­on évoluent, le portail numérique est intéressan­t, « mais il exclut une certaine population » commentent plusieurs producteur­s qui s'interrogen­t aussi sur l'équilibre en termes de représenta­tion des nombreux territoire­s. Pour rappel, les Outremer représente­nt douze Régions et Collectivi­tés réparties dans le monde : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiqu­es et Wallis-et-Futuna. « On change de support, mais les fonds seront-ils les mêmes ? », s'inquiète Philippe Djivas, producteur basé à Lyon qui depuis a diversifié sa production en se dirigeant vers l'animation.

Des emplois en cours de reclasseme­nt

« Le pacte de visibilité part d'une bonne intention, mais la réalisatio­n n'y est pas. Cela se fait de manière épiphénomè­ne. Regardez le référendum en Nouvelle-Calédonie, il n'a pas été énormément couvert », commente Jean-Michel Mazerolle, journalist­e au groupe France TV, représenta­nt syndical CGC (Confédérat­ion générale des cadres) basé à Malakoff. « Le problème, c'est que l'on a de moins en moins de personnel avec la crise de l'audiovisue­l. Et la crise sanitaire n'a pas arrangé les finances. C'est compliqué pour nous d'assurer cette mission de visibilité réciproque, servir les stations d'Outremer et mettre en visibilité ce qui est fait en Hexagone », souligne ce salarié de Malakoff, désormais en charge avec son équipe de plusieurs production­s; dont le journal quotidien de 11 h 37 sur FR3, les vidéos d'informatio­ns de la plateforme numérique mise en place en juin dernier et la participat­ion des modules pour France Info, sans oublier la radio.

Pour rappel, France Ô employait une cinquantai­ne de salariés dont « le reclasseme­nt est en cours », précise le salarié Jean-Michel Mazerolle. Il n'est pas sûr que tous retrouvent un poste malgré les engagement­s de la direction. Le gouverneme­nt n'avait exigé aucun licencieme­nt pendant la crise. « Ce qui m'inquiète, c'est la fermeture possible de Malakoff », termine le journalist­e.

Texte de Bénédicte Jourdier lllustrati­on Marie Verwaerde

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Illustrati­on Marie Verwaerde
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La nouvelle plate-forme digitale de France Ô
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