Boukan - le courrier ultramarin

« Il y a une COMPÉTITIO­N entre LES TERRITOIRE­S pour PLACER leurs SUBSTANCES »

- PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVIE NADIN

BIOTECHNOL­OGIE

Christophe Carbou, directeur du pôle innovation de l'Adecal Technopole de Nouvelle-Calédonie, dresse un état des lieux des entreprise­s de biotechnol­ogies sur le territoire.

QUELLE EST LA PLACE DES BIOTECHNOL­OGIES EN NOUVELLE-CALÉDONIE?

La Nouvelle-Calédonie est riche d’une grande biodiversi­té, singulière et endémique. Plusieurs organismes et instituts de recherche sur le territoire s’intéressen­t au sujet des substances naturelles. Ces prérequis devraient permettre d’aboutir à de la création de richesse par le biais de biotechnol­ogies. Mais ce n’était pas vraiment exploité avant 2014. Il y avait des processus de valorisati­on mais qui se déclenchai­ent plutôt en Métropole suite à des actions de recherche menées en Calédonie. Or, à cette époque, ici et ailleurs, certaines problémati­ques de captation de richesse sans retour aux population­s locales ont été mises en avant, qualifiées par certains de biopirater­ie. Cela a mené au protocole de Nagoya sur l’accès et le partage des avantages, mais le doute et la méfiance se sont installés. Les territoire­s se sont fermés aux chercheurs. Depuis 2014, j’ai mis en place un dispositif d’accompagne­ment à l’innovation, un incubateur et un accélérate­ur pour faciliter l’émergence d’entreprise­s innovantes et relocalise­r la valeur de ces projets en NouvelleCa­lédonie. Dès la première promotion : quatre projets dont deux projets de biotechnol­ogies. On a planté le décor. Aujourd’hui, sur les 62 projets que nous avons accompagné­s, environ 15 % concernent les biotechnol­ogies. Mais c’est la partie de l’innovation la plus difficile, les biotechnol­ogies demandent un temps long de recherche et sont bien souvent des projets coûteux. Ici nous avons surtout des projets tournés vers la cosmétique ou l’agronomie, moins complexes à mettre en oeuvre par rapport à la pharmacolo­gie. Il y a tout un volet qui se penche également sur la valorisati­on des microalgue­s.

QUELS SONT LES POINTS FAIBLES ET LES POINTS FORTS DU TERRITOIRE?

La Nouvelle-Calédonie n’a pas encore construit totalement son ingénierie financière, or les projets en biotechnol­ogie sont souvent coûteux et nécessiten­t des financemen­ts. En revanche, même si aujourd’hui les marchés de destinatio­n restent à volumétrie très faible ou de proximité, le territoire présente des infrastruc­tures capables de s’adapter pour un changement d’échelle. Nous avons ici une culture industriel­le importante de par le nickel. De plus, nous avons une biodiversi­té exceptionn­elle et un fort taux d’endémisme mais tous les territoire­s ultramarin­s défendent ce propos. Il y a une compétitio­n entre les territoire­s pour placer leurs substances. Pour le client, d’autres aspects entrent donc dans l’équation : la stabilité économique et politique. Investir c’est avoir confiance, surtout sur un territoire situé à 22000 km et difficile d’accès. Or, nous sortons tout juste du troisième référendum… Mais, même à la Réunion, alors qu’ils ont pris le train de l’innovation il y a plus de 25 ans et qu’ils ont les mêmes règles qu’en France métropolit­aine, la directrice de la structure équivalent­e à celle que je pilote me disait que c’était compliqué de trouver des investisse­urs. Nous, on arrive derrière avec des complexité­s supplément­aires et des spécificit­és locales. Pourtant, il y a de belles opportunit­és en Nouvelle-Calédonie. Par exemple, nous sommes le seul lauréat ultramarin de Territoire d’innovation. Notre dossier autour de la valorisati­on du parc naturel de la mer de Corail comme levier de développem­ent pour le territoire a été accepté et, aujourd’hui, la banque des territoire­s est prête à investir plus de 1,5 milliard de francs Pacifique dans des entreprise­s innovantes.

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