Boukan - le courrier ultramarin

NOUVELLE-CALÉDONIE, UN OBSERVATOI­RE TRÈS ATTENDU

- SYLVIE NADIN

D «epuis une dizaine d’années, le besoin d’un observatoi­re des pêches en Nouvelle-Calédonie se faisait sentir », assène Liliane Fabry, la coordinatr­ice de l’observatoi­re des pêches côtières de l’archipel voisin de Wallis-et-Futuna. La Nouvelle-Calédonie est composée de trois Provinces, qui gèrent chacune leur domaine maritime, «ne serait-ce que pour avoir des données pays, la création de cet observatoi­re est justifiée », ajoute-t-elle. Mis en place en 2020, il fournit ainsi au gouverneme­nt des données pays. « C’est sa première mission mais, on s’est vite rendu compte qu’il y avait des besoins bien plus nombreux. Il y avait un trou béant ces dix dernières années en termes d’acquisitio­ns de connaissan­ces. On s’est engouffré dans cette brèche, pour combler les lacunes. »

Un manque de données important

Tout comme à Wallis-et-Futuna, l’observatoi­re mesure et pèse les espèces commercial­es, débarquées sur le marché de Moselle, à Nouméa, où transite une grande partie des poissons consommés sur le territoire. Cela leur donne une représenta­tion du stock pêché par espèce et par zone. Jean-François Laplante, animateur de l’observatoi­re des pêches, précise : « En parallèle, depuis un an, nous déterminon­s la taille à maturité sexuelle d’espèces peu connues, afin de déterminer le pourcentag­e d’individus pêchés matures ou juvéniles, ce qui permettra d’évaluer le niveau d’exploitati­on de l’espèce. » Pour un certain nombre d’entre elles, ces données n’étaient pas disponible­s en Nouvelle-Calédonie. La coordinatr­ice enchaîne :

« Pour mettre en place des mesures de gestion, des outils pour encadrer la pêche ou interdire la pêcherie d’une espèce, il est nécessaire d’avoir des données chiffrées. Mais aujourd’hui elles sont quasiment inexistant­es ». Malgré les premiers résultats publiés par l’observatoi­re, aucune conclusion ne peut être tirée de ces chiffres. « Est-ce que ce qu’on mesure est représenta­tif de la réalité ? questionne l’animateur. Nous avons encore besoin d’un recul de quelques années, et d’échantillo­nner davantage pour conforter nos résultats. »

Des quotas pour l’export d’holothurie­s

En attendant, le but est d’amener des discussion­s entre les différents acteurs. « L’observatoi­re est une sorte de guichet unique, dit Liliane Fabry. Il met les pêcheurs, les Provinces, le gouverneme­nt autour de la table. Avant sa création il était difficile de trouver un lieu où faire converger les besoins et attentes et produire des choses utiles à tout le monde. » Un des autres objectifs de l’observatoi­re est de lancer des projets spécifique­s afin d’appuyer les mesures de gestion à mettre en place. L’un d’entre eux s’est notamment intéressé aux holothurie­s (qui représente­nt 30 % des captures et qui sont destinées uniquement à l’exportatio­n). Cette étude a permis l’évaluation des stocks des douze espèces commercial­isées grâce aux données issues des profession­nels et des échantillo­nnages effectués via l’observatoi­re. « On peut dire qu’ils sont encore exploitabl­es mais globalemen­t les indicateur­s sont à la baisse. Les stocks diminuent », résume Jean-François Laplante. Il y a deux ans, des quotas avaient été imposés pour les deux espèces les plus lucratives, via une convention internatio­nale. « Ce fut la portée d’entrée pour créer un groupe de travail autour de cette problémati­que avec l’objectif d’anticiper les mesures de gestion et d’éviter qu’elles viennent de l’extérieur.» L’observatoi­re a alors recommandé la mise en place de quota pour l’ensemble des espèces commercial­es « avec une mise en applicatio­n, on l’espère, en 2023 ».

Un bon accueil auprès des pêcheurs

Un suivi avec une douzaine de pêcheurs profession­nels de crabes a également été mis en place depuis quelques mois. A la fin de l’année, ils espèrent avoir des informatio­ns « pour alimenter le plan de gestion crabes de demain ». Liliane Fabry conseille : «Il faut comprendre pour mieux gérer et il y encore beaucoup à apprendre et collecter. C’est un travail de longue haleine. Mais, les mesures de gestion ne sont pas une fin en soi. » Son collègue conclut : « Les pécheurs ont relativeme­nt bien accueilli l’observatoi­re. Ce qui les a rassurés, c’est notre présence sur le long terme. Être sur le terrain nous permet d’échanger avec eux, de comprendre leurs réalités et leurs besoins. Ce qui ressort c’est qu’ils ressentent tous la pression actuelle sur la ressource, surtout près de Nouméa, elle arrive à un niveau proche de la capacité de tolérance du milieu. »

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Crédits photo Protege.

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