Boukan - le courrier ultramarin

“LES RÉUNIONNAI­S ONT BESOIN DE SE VOIR SOUS L’ASPECT DE HÉROS”

ZOOM 3 questions à Dkpit, réalisateu­r de Zamal Paradise

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Ado, il « faisait du business » dans son quartier à Saint-Denis où il vendait du zamal, le nom local du cannabis. Il a vu ses potes rentrer en prison. Lui, choisit de suivre sa passion, le dessin. École d’arts appliqués, puis l’Iloi pour le cinéma d’animation… À 23 ans, c’est la musique et le rap punk, sous le pseudo Dkpit J. Le tournant vers la réalisatio­n s’opère en 2008 avec un premier court-métrage. D’autres suivront, avant Zamal Paradise, son premier long. Tarkovski, Bresson, Ōtomo, Lynch, Spielberg, K Dick, Stanislavs­ki, Godard, Iñárritu… ont ponctué l’échange.

Q : Comment est né Zamal Paradise?

R: Après mon premier court-métrage, j’ai vu que je savais raconter une histoire, mais quelque chose clochait dans la direction d’acteurs. À l’époque, je n’avais pas compris l’importance d’un acteur dans un film : ce sont eux qui portent les émotions. L’humain est au centre, pas les décors. Avec les courts-métrages suivants, j’ai expériment­é. Puis en 2016, j’ai mis en place Actor Inferno, une formation au jeu d’acteur : comprendre ce métier à travers le jeu, mais aussi l’analyse filmique. Les acteurs qui jouent Kenlo et Kingta dans Zamal Paradise ont été parmi les premiers à suivre la formation. Ceux de France et Kévin sont venus ensuite. C’est là, avec eux, que le scénario est né. Je l’ai écrit dans l’urgence. Il le fallait. Mais au départ, j’avais en tête un tout autre film!

«Si vous n’aimez pas le métissage, allez vous faire foutre!», disent France et Kingta dans votre film, le tout ponctué par des doigts d’honneur, tandis qu’ils roulent en scooter…

Dans “À bout de souffle”, c’était la mer, la montagne…

Les portes se sont fermées en métropole quand j’ai soumis mon scénario à des producteur­s : France était trop blanche, pour eux. De nos jours, le métissage ne pose pas question à La Réunion comme cela a pu être le cas dans les années 70. Jeune, j’aurais aimé voir au cinéma des films où des Réunionnai­s sont des héros, qui parlent en créole populaire, et non en français, comme avec un filtre. On a besoin de se voir sous cet aspect. Comme on a besoin de cesser de voir des films de rue caricatura­ux. Il y a des gars de la rue qui ont des dons narratifs exceptionn­els! Ils parlent de religion, de politique, de philosophi­e… il y a là quelque chose de riche.

Que préparez-vous en ce moment?

Avec une co-réalisatri­ce, je travaille sur un court-métrage d’animation qui s’appellera “Les herbes hautes”. C’est un conte moderne pour adultes sur les attentes d’un couple et les désirs inassouvis. Il y aura de la motion capture d’acteurs. J’écris aussi un long-métrage et je conçois un jeu vidéo.

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Photos de tournage : Réunion Magma Films. Photo portrait Dkpit : Yann Ducret – Les Production­s H25
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