LA DOUCEUR DU TAUPE HABITE L’ÉTAGE, PROTÉGÉ PAR LES BOIS D’UN CERF HIÉRATIQUE
le coup de foudre, Charles et Gil l’ont eu de prime abord pour les proportions parfaites du bel escalier en pierre, doté d’une rampe en fer forgé s’envolant jusqu’à la coursive, à l’étage. Ce couple américanosuisse féru d’art, de littérature et de jardinage, résidant à Genève, était à la recherche d’un lieu tranquille à deux heures de la ville. Au cours de leurs expéditions dans le Brionnais, ils découvrent donc cette belle bâtisse carrée, édifiée au centre d’un vieux village bourguignon. Cette maison bourgeoise avait le charme des demeures chargées d’histoire. Construite sous Louis XV par un chirurgien-barbier, elle avait été investie au xixe siècle par la fille du comte de Rambuteau, laquelle souhaitait vivre plus modestement qu’au château familial. Elle y institua une école de filles qui s’est maintenue jusqu’aux années 1970. Charles et Gil ont été séduits par sa haute toiture, sa façade couverte de vigne vierge et son parc planté de buis taillés, avec vue sur le clocher médiéval. Côté restauration, ils se sont réparti les tâches selon leurs inclinations, Charles ayant la passion du jardin, Gil celle de la décoration intérieure. Curieusement, c’est « une bricoleuse », « comtesse de son état et portant l’un des noms français les plus prestigieux », selon ce dernier, qui a aidé les nouveaux propriétaires à redessiner les volumes. « Je ne voulais pas d’une maison “barbante” en pur Louis XV, assure Gil, mais quelque chose d’hétéroclite, à notre image, conçu comme un poème. » Le style est donc un savant mélange de meubles et d’objets trouvés dans la région, mais aussi en Europe et aux États-Unis, que ce couple de globe-trotters sillonne régulièrement. Dans le hall, le tableau d’un peintre helvète représentant un chien et un petit jack russel en faïence manifestent le regret des propriétaires de ne pas en posséder un vrai, pour cause d’allergie aux poils ! Dans le salon, les murs vert Véronèse mettent en valeur un portrait très touchant de l’empereur Pedro II du Brésil avec ses deux soeurs. Une commode noire « deuil de la reine » dissimule un téléviseur, tandis que des encadrements d’intailles et de sceaux s’affichent par paires, dans une belle symétrie. FORMES ARCHITECTURÉES ET FLOU ANGLAIS La salle à manger bleu pétrole, ouverte sur le jardin, s’avère un élégant écrin pour le mobilier néoclassique, en particulier une armoire gustavienne qui dévoile une précieuse collection de porcelaine blanche. Dans la petite cuisine, on accueille jusqu’à quatre convives entre un poêle Empire et un dressoir aux lignes très simples. À l’étage, le palier ouvert distribue les espaces de repos : une chambre-bureau avec alcôve, la chambre principale, de coloris gris zinc, et enfin la salle de bains, au ton framboise écrasée. Mais la propriété ne saurait s’envisager sans son jardin, domaine de Charles, qui l’a imaginé comme le reflet de la maison elle-même : ici le coin des fleurs à couper, là une gloriette avec sa fontaine, plus loin l’indispensable potager, garantie d’une cuisine très saine, ou encore un salon pour l’heure de l’apéritif, des chaises longues à l’ombre d’un arbre… Une vingtaine de variétés de roses anciennes, de bambous, de clématites, d’anémones du Japon créent une symphonie de couleurs dans un mélange de formes architecturées et de flou typiquement anglais. Car si l’atmosphère demeure française, elle témoigne aussi des goûts anglo-saxons des maîtres des lieux, ainsi que de leur respect des lois de l’hospitalité. Les travaux, qui ont duré sept ans, se sont en effet achevés par les communs, un pavillon très confortable où famille et amis profitent des lieux en toute indépendance.
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