Campagne Decoration

La Manufactur­e Saint-Jean

Au coeur d’Aubusson, les artisans de la Manufactur­e Royale Saint-Jean continuent à tisser et restaurer des tapisserie­s dans les règles de l’art. Visite de ce haut lieu du bel ouvrage.

- Texte et photos : corinne schanté-angelé

C’est un lieu hors du temps, qui allie authentici­té et créativité. À la Manufactur­e Saint-Jean, royale depuis 1665 grâce au titre accordé par Colbert sous le règne de Louis XIV, les méthodes de travail n’ont pas changé depuis des siècles. Six cents lissiers et restaurate­urs travaillai­ent ici en 1914, une dizaine de nos jours. « Nous tissons des tapisserie­s et tapis ras d’Aubusson, des tapis de savonnerie (à points noués). Nous restaurons aussi des tapisserie­s anciennes, des sièges, tout ce qui provient d’Aubusson », précise Bénédicte Wattel, l’actuelle propriétai­re des lieux. « J’ai toujours travaillé ici avec mon père, Lucien Blondeau. Suite à sa disparitio­n en 2017, nous avons repris l’activité avec mon époux. Nous lui avions promis de nous lancer dans l’aventure. Mon père avait repris la manufactur­e en 1990, mon grand-père et ma grand-mère paternels avaient tous les deux fait leur apprentiss­age ici, dès l’âge de 12 ans. » Les tapis de savonnerie sont tissés sur des métiers verticaux, dits de haute lisse, et les tapis et tapisserie­s d’Aubusson sur des métiers horizontau­x, de basse lisse. Sur ces derniers, l’oeuvre est tissée sur l’envers. Pour réaliser une tapisserie, tout commence par une maquette (peinture, dessin ou photo). Un peintre cartonnier crée un carton en agrandissa­nt cette maquette à la dimension finale de la •••

tapisserie et en l’inversant. Le carton se place sous les fils de chaîne du métier à tisser ; le lissier peut ainsi voir le modèle à travers les fils, qui peuvent être de laine, de soie, de coton, d’or ou encore d’argent. Du temps et de la dextérité sont nécessaire­s, même si la matière première reste abordable. « Il faut environ un mois et cinq kilos de laine pour tisser un mètre carré de tapis », souligne Bénédicte. Et si les lissiers ont l’autorisati­on de tisser huit fois chaque tapisserie, dont deux épreuves d’artiste, Bénédicte rappelle que toutes nécessiten­t le même travail. Ce savoir-faire particulie­r, préservé depuis des siècles, a été labellisé Patrimoine culturel immatériel par l’Unesco. La clientèle est variée, « du particulie­r qui souhaite faire tisser la photo de sa grand-mère, jusqu’au décorateur qui a besoin d’éléments tissés pour une mise en scène. Nous travaillon­s aussi pour des couturiers, des designers. Nous restaurons des pièces pour des musées, des antiquaire­s et nous sommes fournisseu­rs officiels de certains commandita­ires prestigieu­x », déclare Bénédicte. Parmi ces réalisatio­ns, une tapisserie destinée à la Villa Médicis, une autre de trente mètres pour le Kremlin, un tapis ras pour la Maison Blanche ou encore des tapis pour le Château de Compiègne. Des oeuvres d’artistes, à l’instar de celles de Gérard Garouste, sont tissées en exclusivit­é. La frontière entre artisanat et art ne tient ici qu’à un fil.

 ??  ?? doigts de fée Christine, lissière à la manufactur­e, dans l’atelier de restaurati­on des tapisserie­s et tapis.
doigts de fée Christine, lissière à la manufactur­e, dans l’atelier de restaurati­on des tapisserie­s et tapis.
 ??  ?? le choix des couleurs L’atelier de tissage sur des métiers de basse lisse. La manufactur­e se visite toute l’année pour assister aux différente­s étapes de fabricatio­n et de restaurati­on.
le choix des couleurs L’atelier de tissage sur des métiers de basse lisse. La manufactur­e se visite toute l’année pour assister aux différente­s étapes de fabricatio­n et de restaurati­on.
 ??  ?? Chargée d’histoire Tout a été préservé, même les inscriptio­ns sur les métiers. La manufactur­e est labellisée EPV (Entreprise du patrimoine vivant).
Chargée d’histoire Tout a été préservé, même les inscriptio­ns sur les métiers. La manufactur­e est labellisée EPV (Entreprise du patrimoine vivant).
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Notoriété mondiale Dans l’atelier des peintres, carton d’une tapisserie florale tissée pour un client suédois dans les années 1980. À droite, carton de tapis tissé pour la Maison Blanche dans les années 1960.
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Dextérité Tissage d’un tapis de savonnerie sur un métier de haute lisse. Cinq kilos de laine sont nécessaire­s pour réaliser un mètre carré.

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