De Pornic à Noirmoutier, un grand bol d’air iodé
ENTRE NANTES ET PORNIC, PARCOURONS LA FÉERIQUE CÔTE DE JADE, AVANT DE PRENDRE LE BATEAU COMME AUTREFOIS JUSQU’À NOIRMOUTIER, CETTE ÎLE DE PÊCHEURS AUX INNOMBRABLES TRÉSORS.
Pour les Nantais, Pornic est l’une des stations balnéaires les plus accessibles. À une quarantaine de kilomètres de l’ancienne capitale bretonne, le voyageur longe la rive sud de la Loire et traverse le bocager pays de Retz pour atteindre la Côte de Jade, au bord de la baie de Bourgneuf. Par temps clair, sur les plages familiales jalonnées de pêcheries, le promeneur aperçoit le pont de Saint-Nazaire, qui enjambe l’estuaire ligérien. Nous sommes historiquement en Bretagne, même si les maisons aux toits de tuiles, très basses pour tromper le vent et la tempête, indiquent que le pays vendéen est proche. Vers Préfailles et la pointe Saint-Gildas, les criques et les falaises ourlent des plages encore sauvages. À marée basse, elles dévoilent un archipel de rochers. Quand la mer se replie suffisamment loin, les pêcheurs sont bottes aux pieds, râteau dans une main, seau dans l’autre. Les moules, les berniques et les huîtres de rocher, noyées sous les algues, ne sont plus à la fête.
UN OEIL SUR LA VENDÉE
Les plaisanciers jettent l’ancre dans la rade de Pornic. En pénétrant dans le port, ils avisent à tribord les villas aux architectures variées de la pointe de Gourmalon, nanties de lambrequin et de kiosque. Au fond de la rade, le château fort de Pornic n’en paraît que plus anachronique. Plusieurs fois amendée depuis son érection au xe siècle, la bâtisse a appartenu au sulfureux Gilles de Rais. L’ancien compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, meurtrier d’une centaine d’enfants, est associé, dans le folklore local, à BarbeBleue, le mythique croque-mitaine.
En partant sur le chemin des douaniers, quand l’horizon se dégage, l’île de Noirmoutier se dévoile. À vol de mouettes, les côtes vendéennes ne sont qu’à une douzaine de kilomètres et l’île s’allonge comme une lame vers le sud pour former avec le continent le détroit de Fromentine. Pornic a longtemps été le point de départ idéal pour aller à la découverte de Noirmoutier (traversée
Bretagne vendéenne ou Vendée bretonne, le pays de Retz est tiraillé entre le nord et le sud de la Loire, frontière géographique et culturelle.
quotidienne en juillet et août, deux fois par jour). À la fin du xixe siècle, la mode des bains de mer attire la bourgeoisie nantaise et parisienne. Un bateau à vapeur assure la liaison entre Pornic et la future plage des Dames, à Noirmoutier. Les élégantes débarquent sur l’estacade et rejoignent leur villégiature dans le bois de la Chaise.
DE SABLE ET DE SEL
À l’époque des mimosas en fleur, c’est-à-dire au coeur de l’hiver, les volets de ces demeures bourgeoises sont toujours fermés. Dans les villages de l’île, les maisons de pêcheurs plus modestes, comme celle de César et Rosalie (le film de Claude Sautet tourné au Vieil en 1971), sont assoupies, et Noirmoutier ne semble se réveiller qu’au printemps. C’est une illusion trompeuse. Au nord, dans la plaine agricole, la végétation est déjà en émoi. Dorlotées par la mansuétude océanique, les pommes de terre sont en fleur et avant même le 21 mars, les premiers bulbes, à la peau
fine et transparente comme du papier de soie, arrivent à point nommé pour régaler de leur douceur sucrée un pavé de bar de ligne pêché au large de l’île. Sur ce territoire plat comme une limande, le château de Noirmoutier est tel un phare pour les promeneurs à bicyclette. En haut du donjon de cette construction médiévale, l’île se dévoile comme sur une carte de géographie déployée. Au premier plan, les arrondis romans de l’église Saint-Philibert se sont affinés au fil des amendements gothiques. La jetée Jacobsen frôle les premiers marais salants qui séparent l’île, presque en deux. Les paludiers y récoltent le sel à la main, comme à Guérande, tandis que l’est demeure le territoire des ostréiculteurs et des éleveurs de moules sur bouchot. De toutes les plages, celle de Luzéronde est la plus enchanteresse. Sa lumière et son sable fin évoquent parfois les tropiques. Elle offre, en prime un coucher de soleil éblouissant sur le phare du Pilier.
Auguste Renoir, comme bien d’autres peintres, est venu à Noirmoutier pour coucher sur sa toile la lumière de l’île.