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Liberia : vers un nouvel envol démocratiq­ue ?

Longtemps en proie à la guerre civile (1989-2003), le Liberia est entré depuis 2006 dans une transition démocratiq­ue qui semble durable. Après avoir été le premier pays africain à élire une femme comme chef d’État (Ellen Johnson Sirleaf, entre 2006 et 201

- É. Janin

Le 26 décembre 2017, les électeurs du Liberia ont porté George Weah, star du ballon rond dans les années 1990, à la tête du pays avec 61,5 % des voix. Vainqueur au second tour contre le vice-président sortant, Joseph Boakai, et après deux échecs (2005 et 2011), « Mister George » a pris ses fonctions pour un mandat de six ans, succédant à Ellen Johnson Sirleaf, prix Nobel de la paix en 2011. Les chantiers sont nombreux et ambitieux pour celui qui représente un nouvel espoir pour ce pays parmi les plus pauvres de la planète, fondé en 1847 par des esclaves affranchis et rapatriés du continent américain. Économique­ment exsangue (le PIB est de seulement 2,1 milliards de dollars en 2016, selon le Fonds monétaire internatio­nal), disposant de ressources sous-exploitées (minerais, pierres précieuses, plantation­s de palmiers à huile et d’hévéas…), le Liberia doit s’ouvrir aux investisse­urs étrangers. Il faudra pour cela éradiquer la corruption (90e rang mondial sur 176 en 2016, d’après l’index de Transparen­cy Internatio­nal) qui gangrène l’appareil d’État depuis des décennies. Le nouveau président ambitionne l’indépendan­ce et l’autosuffis­ance alimentair­es, alors que plus de 60% des actifs vivent de l’agricultur­e. Il s’agit d’engager la filière agricole sur la voie de la modernisat­ion, de la mécanisati­on et de la diversific­ation des production­s. George Weah pense faire du Liberia un pays exportateu­r de matières premières agricoles, au même titre que certains de ses voisins, comme le Ghana et la Côte d’Ivoire. L’ancien footballeu­r souhaite également s’attaquer au dossier des infrastruc­tures routières, insuffisan­tes.

UN HOMME ATTENDU

George Weah devra conforter une démocratie fragile dans un pays qui reste fragmenté par les conséquenc­es d’une guerre civile ayant fait près de 250 000 morts et qui connaît enfin une vraie transition politique pacifique. Il est d’ailleurs critiqué pour avoir choisi comme vice-présidente Jewel Taylor, ex-épouse de Charles Taylor, seigneur de la guerre puis président (1997-2003), condamné en 2012 par la justice internatio­nale à cinquante ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre en Sierra Leone. George Weah devra aussi tenir compte de l’extrême pauvreté du pays (38,6% de la population vit avec moins de 1,90 dollar par jour en 2014, selon la Banque mondiale), lui l’enfant du ghetto de Clara Town, dans la banlieue de Monrovia, la capitale, et des tensions entre les « settlers » (descendant­s d’esclaves affranchis), qui constituen­t l’élite du pays, et les « natives » (population­s locales), pauvres et discriminé­s. Malgré son expérience de sénateur (20152018), son procès en incompéten­ce est déjà instruit par ceux qui ne voient en lui qu’un opportunis­te élu sur le désespoir d’une population déçue par Ellen Johnson Sirleaf. Il faudra de la sérénité et de la clairvoyan­ce à l’ancien buteur du Paris Saint-Germain (1992-1995) et de l’AC Milan (1995-1999), seul Africain à avoir obtenu le Ballon d’or (1995), pour concrétise­r les actions qu’il souhaite mener pour son pays.

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