Le sucre : ami ou ennemi de l’alimentation ?
De nos jours, il est difficile d’échapper au sucre, et pas seulement durant les fêtes de fin d’année ou à Pâques. Il est partout dans notre alimentation, avec une consommation en progression constante dans le monde. La levée des quotas européens le 30 septembre 2017 va favoriser sa production, tandis que le sucre est critiqué pour sa dépendance et les méfaits qu’il entraîne sur la santé.
Produit à partir de canne à sucre ou de betterave sucrière, le sucre représente 185 millions de tonnes à l’échelle mondiale en 2017/2018. Après une légère baisse en 2015/2016, la production destinée à l’alimentation et au carburant à l’éthanol devrait passer à 210 millions de tonnes en 2025, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le Brésil est le plus gros producteur avec 40,2 millions de tonnes par an devant l’Inde (27,7 millions) et l’Union européenne (20,1 millions). Au sein du géant sud-américain, la part de sucre destiné à l’éthanol est proche de 60 %, tandis qu’au niveau mondial, elle s’élève à 20,7 %. La France reste le premier producteur européen avec 4,7 millions de tonnes.
UNE SUBSTANCE OMNIPRÉSENTE DANS TOUS LES PRODUITS
Carburant, confiseries, boissons, plats préparés…, le sucre est utilisé partout. Sa consommation s’accroît de 2% par an : en 2017/2018, elle s’élevait à 174,2 millions de tonnes et devrait atteindre 205 millions en 2025. Mais celle-ci est différente selon les zones géographiques. Le marché des États développés est arrivé à maturité. Sa croissance est ainsi presque nulle, contrairement aux pays en développement en Afrique et en Asie, où le sucre représente une denrée peu coûteuse et facile d’accès avec un bon stockage et un transport sans difficulté. Planifiée depuis juin 2013 avec la réforme de la politique agricole commune, la levée des quotas sucriers en Europe va permettre aux pays européens de produire autant de sucre qu’ils le souhaitent. L’industrie européenne sucrière s’y est donc préparée, et les mises en garde récentes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la dangerosité du sucre pour notre organisme ne semblent pas l’inquiéter. Sur l’exercice 2017/2018, la production européenne de sucre a fait un bond de plus de 20 %, passant de 16,5 millions de tonnes en 2016/2017 à 20,1 millions. Cette hausse va permettre d’augmenter les exportations sur les marchés internationaux et de réduire les importations. En 2017/2018, 2,5 millions de tonnes de sucre européen seront ainsi sur le marché international, mais l’Europe reste loin derrière le Brésil, qui en exporte 29,6 millions. Le sucre continue de connaître une croissance régulière alors que des sonnettes d’alarme sont tirées quant à sa trop forte consommation. La France est passée de 5 kilogrammes (kg) par an et par habitant en 1850 à 26 kg en 1950 et à 35 kg en 2017. Ce chiffre atteint 60 kg aux États-Unis. En 2015, l’OMS préconisait que le sucre libre et caché ne représente que 10 % de l’apport énergétique journalier, conseillant même de se rapprocher des 5 %, soit 10 kg par an et par habitant. Or la part varie selon les pays, avec 6 à 7 % en Hongrie et en Norvège ou 16 à 17 % en Italie et au Royaume-Uni. Les enfants sont également de plus grands consommateurs avec une part de 12 % au Danemark à 25 % au Portugal. Baisser la consommation de sucre réduit le risque de surpoids, mais permet aussi d’éviter de nombreuses maladies. Une étude comparative entre l’avant-Seconde Guerre mondiale et 1946 montre que la pénurie de sucre de 1939 à 1945 a permis de constater une baisse de l’incidence des caries dentaires lors de cette « expérience naturelle ». Dans le monde, l’obésité a triplé entre 1975 et 2016 avec 1,9 milliard d’êtres humains en surpoids (39% des adultes), dont 650 millions d’obèses. En 2016, 41 millions d’enfants de moins de cinq ans étaient en surpoids. Des pays comme l’Écosse ou la France essaient
d’imposer une taxe sur les sodas afin d’encourager les individus, notamment les enfants, à changer leurs habitudes alimentaires et les industriels à baisser la teneur en sucre de leurs boissons. En octobre 2012, le ministère de la Santé a lancé la campagne « Manger Bouger ».
EFFETS SUR LA SANTÉ
Dans le documentaire Sugarland, sorti en janvier 2018, le réalisateur australien Damon Gameau cherche à démontrer par une expérience réelle sur lui-même la dangerosité de la consommation du sucre. Reprenant la méthode de Super Size Me (Morgan Spurlock, 2004), qui dénonçait les méfaits de la « malbouffe » aux États-Unis, Damon Gameau a, pendant deux mois, inclus dans son alimentation 160 grammes de sucre par jour, soit ce qu’un Australien mange en moyenne. Les effets sur sa santé sont évocateurs : prise de poids, détérioration rapide du foie, fatigue, troubles de l’humeur… Le film montre également la complexité pour les consommateurs de l’éviter, le sucre se cachant dans un grand nombre d’aliments (comme le jambon industriel) et de préparations. Et il est parfois impossible de différencier la part de sucre naturel et celle de sucre ajouté sur les étiquettes. Sans oublier les publicités trompeuses, notamment sur les céréales qui mettent en avant leur apport en fer, vitamines B ou D, mais contiennent, pour la majorité, 30 % de sucre. Quant à l’addiction, elle est régulièrement débattue. En août 2017, des chercheurs américains ont publié un article indiquant que le sucre était plus addictif que la cocaïne chez les rongeurs (1), analyse contestée par beaucoup de chercheurs quant à cette comparaison avec une drogue dure. Une douce alors ?
NOTE
(1) James J. DiNicolantonio, James H. O’Keefe et William L. Wilson, « Sugar addiction: is it real? A narrative review », in British Journal of Sports Medicine, 2017.