Brésil : un système carcéral en « burn-out »
En janvier 2017, en seulement deux semaines, plus de cent détenus brésiliens sont morts dans la prison où ils purgeaient leur peine. Cette violence est le reflet de la prise de contrôle des centres pénitenciers par les gangs, mais aussi, et surtout, de l’abandon par l’État d’un système déficient et corrompu.
Le Brésil est l’un des pays ayant des taux d’emprisonnement et de surpopulation carcérale parmi les plus élevés au monde. En février 2018, selon les données officielles, il y avait 672 722 individus incarcérés pour 406 602 places disponibles dans 1 449 prisons (en 2016). Celles-ci présentent dans leur majorité des déficits importants de confort (absence de toilettes ou de lits) et des conditions sanitaires indignes (pas d’accès à l’eau, maladies). Ainsi, nombreuses sont les organisations internationales dénonçant les atteintes aux Droits de l’homme dans des centres laissés à l’abandon et gérés… par des groupes criminels. En effet, malgré une hausse des emprisonnements et des actes de violence dans la société brésilienne, les autorités ont laissé se développer dans les prisons des « directions parallèles » : les gangs. Le mélange de détenus condamnés pour des délits graves (meurtre, trafic de drogue, etc.) et ceux pour de petits larcins accentue le phénomène, les seconds ayant besoin des premiers pour survivre. Dans certains centres, on trouve même des chaveiros, c’est-à-dire des prisonniers faisant office de gardiens à la place des surveillants. Ce constat a conduit, d’une part, à des mutineries de prisonniers appelant à de meilleurs traitements et, d’autre part, à de véritables massacres commis par des bandes armées. Ainsi, le 6 janvier 2017, 31 corps ont été retrouvés dans des conditions dignes de films d’horreur dans le pénitencier de Monte Cristo, dans l’État de Roraima, dans le nord du pays. Officiellement, tous étaient les victimes du Primeiro comando da capital (PCC), gang se vengeant ainsi d’un concurrent, Familia do Norte, qui avait massacré 56 hommes supposément rattachés au PCC, le 1er janvier, dans la prison d’Anisio Jaobim à Manaus (Amazonas). Si les révoltes de prisonniers sont fréquentes au Brésil, jamais elles n’avaient conduit à une telle violence. En octobre 1992, la mort de 111 détenus de Carandiru, à São Paulo, par les forces de l’ordre avait marqué les esprits, inspirant même un film. Les faits de janvier 2017 rappellent non seulement que les conditions ne se sont pas améliorées depuis, mais aussi, et surtout, que les organisations criminelles se sont renforcées, réussissant à imposer leur loi. En janvier 2017, à aucun moment la police ou l’armée ne sont intervenues pour empêcher ou stopper les massacres. Par ailleurs, la prison, détournée de sa mission originelle, est devenue un lieu de recrutement pour ces gangs. Dans un pays où les débats sur l’abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans sont réguliers, les acteurs de la sécurité publique rappellent que cela ne ferait qu’empirer le problème de la surpopulation carcérale et s’inquiètent de la présence croissante en prison et pour des durées de plus en plus longues de personnes en détention provisoire (36,2 % en février 2018). En 2017, le gouvernement avait annoncé la construction de 30 pénitenciers. Cela suffira-t-il à la réinsertion ?