L’accès (compliqué) aux études supérieures
Un jeune Américain, Français, Sud-Africain, Espagnol ou Japonais a-t-il les mêmes chances d’étudier à l’université ? Les infrastructures sont une chose, mais les moyens nécessaires pour y aller en sont une autre et posent une question démocratique d’accès à la connaissance. En France, un nouveau système, Parcoursup, doit entrer en application à la rentrée 2018. Il ne fait pas l’unanimité, principalement à cause de la sélection qu’il suppose.
Le 15 février 2018, la loi ORE de réforme de l’université est votée en France. Elle doit permettre une plus grande efficacité dans l’accès et la réussite des études supérieures. L’année antérieure, le système Admission post-bac (APB), sur lequel les futurs étudiants devaient indiquer leurs voeux de filières, avait fait l’objet de vives critiques. De nombreux bacheliers s’étaient retrouvés sans formation ou dans un cursus qu’ils n’avaient pas désiré, sur le simple fait d’un tirage au sort. Pour l’année 2018/2019, APB a été remplacé par Parcoursup. Les lycéens avaient jusqu’au 31 mars 2018 pour faire leurs dix voeux. Cependant, depuis février, la grogne monte, les syndicats d’étudiants dénonçant la mise en place d’une sélection à l’entrée à l’université. Mais la France ne serait pas le premier pays à faire ainsi. En Allemagne, l’accès à l’université est basé sur la note obtenue à l’Abitur (baccalauréat) jusqu’à épuisement des places.
Néanmoins, seuls 55% des jeunes obtiennent ce diplôme (87,8 % en France), les autres ayant été orientés très jeunes vers des formations professionnelles. En Belgique, l’accès est libre, mais l’université connaît un fort taux d’échec en première année (65%)… comme en France (60 %). En Italie, l’unique condition est l’obtention du baccalauréat. Cependant, pour éviter un trop grand nombre d’échecs, des tests d’aptitudes sont demandés et une remise à niveau est imposée si l’étudiant n’a pas les prérequis pour le cursus. L’université publique espagnole prend en compte les notes du baccalauréat (pour 60 %) et des épreuves d’accès aux filières (pour 40 %).
SÉLECTION PAR LE PORTE-MONNAIE
Tous les étudiants du monde ne sont pas logés à la même enseigne. Quand, en 1998, le Labour, alors au gouvernement au Royaume-Uni, a introduit les frais d’entrée à l’université, qui aurait pu imaginer qu’en l’espace de vingt ans, les universités publiques allaient devenir les plus chères du monde ? En 2017, le gouvernement libéral a annoncé un passage à 9 250 livres pour les frais d’admission, soit 10566 euros. Déjà, en 2010, des manifestations avaient ébranlé Londres quand les frais d’entrée avaient triplé, passant de 3000 à 9000 livres. Les États-Unis se placent juste derrière avec une moyenne de 9410 dollars (7619 euros), sachant que ce tarif est réservé aux étudiants habitant dans l’État de l’université. Il est doublé ou triplé pour ceux venant d’ailleurs. Quant aux établissements privés, ils se situent aux environs de 30 000 dollars (24 585 euros) par an, mais peuvent monter jusqu’à 60000 (49166). L’accès à la connaissance supérieure est donc ici lié aux revenus, privilégiant les classes aisées. Certes, des bourses existent et sont mises en place pour recruter les meilleurs éléments intellectuels ou sportifs. Mais beaucoup d’étudiants américains font surtout appel à des prêts très onéreux. Le Japon complète le podium des universités publiques les plus chères (6 500 dollars), suivi par la Corée du Sud (4 773 dollars), le Canada (4 761 dollars) et l’Australie (4 473 dollars). En France, l’accès à l’université n’est pas tant une question d’argent que de place. En effet, les frais d’admission restent modestes : 184 euros pour les licences et 256 pour les masters. En moyenne, les études supérieures coûtent 352 euros (cf. document 2). Dans les autres pays européens, une année universitaire coûte 358 euros en Belgique, 438 en Allemagne, 812 en Italie, 1 250 en Espagne. Elle est gratuite au Danemark et en Finlande.
DE PLUS EN PLUS D’ÉTUDIANTS
Dans les pays de l’OCDE, 57 % des jeunes adultes entameront dans leur vie des études supérieures. Selon l’UNESCO, entre 2000 et 2010, la population étudiante a augmenté de 53 %. Cette croissance est en partie due aux pays émergents, l’Asie représentant 66% de la progression. Les ménages y consacrent aussi une part plus importante de leurs revenus : 13 % en Chine, 11 % en Inde, 10 % au Brésil, contre 2 % au Royaume-Uni et aux États-Unis. En Afrique, seulement 7% des jeunes vont à l’université. L’enseignement supérieur se développe grâce à des dons de fondations privées. Ainsi, l’université du Cap (Afrique du Sud) a reçu 80 millions de dollars de la fondation Gates, celle de Makere (Ouganda), 42 millions de la fondation Rockefeller. Si cela aide fortement le secteur à se développer dans une Afrique en retard en matière d’éducation, ces organismes privés américains privilégient à 90% les institutions anglophones, poussant ainsi vers une anglicisation de l’enseignement. En Europe, l’augmentation importante de l’effectif dans l’enseignement supérieur n’engage pas les mêmes problématiques. Il y avait 19,5 millions d’étudiants en 2015. En France, le nombre de jeunes faisant des études supérieures est passé de 21 % en 1991 à 45 % en 2015. En 2016/2017, il y en avait 2,6 millions, dont 1,4 million à l’université. Ce chiffre est en hausse constante (2,5 millions en 2015), et les prévisions annoncent que les étudiants supérieurs dépasseront 2,8 millions en France en 2024 avec le boom démographique des années 2000. Quand on connaît le taux d’échec en première année, cela laisse songeur. L’accès (trop) libre ne crée-t-il pas un appel d’air au détriment d’une orientation vers des secteurs plus professionnalisants ? Pour 2018/2019, le gouvernement français a promis d’ouvrir 22 000 places dans les filières sous tension. En 2017/2018, il en restait 135 000 vacantes dans les domaines moins privilégiés par les jeunes bacheliers.