Les géants de la bière à l’assaut de l’Afrique
Alors que la consommation d’alcool et de bière stagne, voire baisse, dans les pays occidentaux, les multinationales du secteur cherchent à développer leurs activités dans de nouveaux territoires, notamment en Afrique, où les groupes français tentent de résister à une concurrence internationale toujours plus forte.
En 2017, la consommation mondiale de bière a diminué avec 196,2 milliards de litres, selon le cabinet Euromonitor, contre 196,9 milliards en 2012. Ce recul touche principalement les plus gros marchés (Europe, Amérique du Nord, Japon, Chine), car, en face, l’Afrique et l’Asie du Sud-Est sont en forte progression. Cette évolution était déjà visible en 2014 avec une production en augmentation de 9,32 % en Asie et de 5,9 % en Afrique, alors qu’en Europe, elle avait baissé de 4,8 %. Les pays émergents représenteraient 65 % de la consommation en 2020. Cependant, ce recul n’a pas empêché une hausse du chiffre d’affaires : 622 milliards de dollars en 2017, contre 522 milliards en 2012. Il faut dire que les coûts de production moindres en Afrique permettent de rapporter près de 50 % de plus. L’un des pionniers à s’installer sur le continent africain est français, pur produit de la Françafrique. Castel rachète des brasseries dans différents pays (Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire) et étend un empire sur l’ensemble de l’Afrique grâce notamment à des ententes avec d’autres grands groupes. En 2001, Castel, deuxième brasseur du continent, se lie avec le premier (et plus gros au monde), SABMiller (racheté par AB InBev en 2016), leur permettant de contrôler 60 % du marché africain. De son côté, le géant Heineken (9 % du marché mondial) avait commencé à poser ses pions, mais accélère son installation. L’entreprise hollandaise s’est donc alliée avec le distributeur CFAO pour pénétrer la Côte d’Ivoire, jusque-là chasse gardée de Castel. Dans un marché qui augmente de 5% chaque année, les appétits sont aiguisés. Les géants du secteur mettent donc en place une stratégie de marketing agressive. En Afrique du Sud, lors du Mondial 2010, une publicité de SABMiller expliquait qu’il fallait boire pour être un homme. En Côte d’Ivoire, la publicité vante les bienfaits de l’alcool sur la santé ! L’UEFA Champions League se fait appeler la Heineken Champions League. Pis, Heineken avait engagé, dans les années 2000, 2 500 prostituées pour vanter les bienfaits sexuels de ses bières au Nigeria (1). Mais l’augmentation importante de la consommation d’alcool dans de nombreux pays d’Afrique ne va pas sans conséquence. Ainsi, le Gabon, plus gros buveur en 2010 avec 9 litres d’alcool pur par an et par habitant de plus de quinze ans, s’est fait dépasser en 2016 par le Nigeria (13,4 litres) tout en augmentant sa consommation (11,5), suivi notamment de la Namibie (9,8) et de l’Ouganda (9,5), selon les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La jeunesse est la première cible des entreprises du secteur et cela fait craindre, à long terme, une augmentation des risques sanitaires directs, en plus plus de ceux causés indirectement. Les rapports sexuels « alcoolisés » sont souvent moins protégés et dans une population très touchée par le virus du SIDA, cela peut favoriser la transmission.