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Dossier Union européenne

Du projet à la crise

- par Jean-Marc Huissoud

Enseignant-chercheur à Grenoble École de Management, directeur du Centre d’études en géopolitiq­ue et gouvernanc­e Cartograph­ie de Laura Margueritt­e et Riccardo Pravettoni

Le Brexit, la question migratoire, les nationalis­mes revendiqué­s, les tensions avec les États-Unis, la Russie et la Turquie…, jamais le projet européen n’a paru si fragile. Cette faiblesse ravive à son tour les frustratio­ns : trop de règlements, trop de logiques de marché, trop d’influence de tel ou tel pays… L’Union européenne (UE) est d’autant plus difficile à comprendre que la plupart de ses détracteur­s oublient la mise en perspectiv­e, ses contrainte­s d’origine et ses évolutions. Le sujet est trop vaste pour être couvert ici, mais quelques éléments clés sont à rappeler, cartes à l’appui.

Si les Communauté­s européenne­s naissent avec le traité de Rome du 25 mars 1957, le projet hérite de mouvements pacifistes, de l’internatio­nalisme et de la philosophi­e kantienne d’un espace de droit pour la paix. La période ne se prêtait pas à une constructi­on « dure » d’un projet politique. Après le traumatism­e de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), tout ce qui pourrait ressembler à un discours de puissance, ou le leadership d’un pays, est indéfendab­le. C’est donc une toute nouvelle architectu­re qui doit voir le jour, une expérience originale : non pas un projet géopolitiq­ue, mais une stratégie de transforma­tion du monde par l’incarnatio­n d’un modèle désirable, durable et moralement incontesta­ble.

L’EUROPE DES FONDATEURS : ENTRE CHOIX ET CONTRAINTE­S

Le destin politique des États à l’origine du projet est incertain. L’Europe porte la faute de deux conflits mondiaux ; en particulie­r la France et l’Allemagne. La possibilit­é d’une tutelle américaine est réelle et la souveraine­té de l’Allemagne non garantie. De plus, les partis communiste­s de l’Ouest sont légitimés par leur rôle dans la résistance et pèsent lourd dans le choix des alternativ­es. Il faut donc un projet, rapidement, dans un contexte où subsistent des rivalités entre pays fondateurs : visées françaises sur la Sarre ou néerlandai­ses sur le Luxembourg. Dès lors, il n’est pas étonnant que le processus européen prenne certaines caractéris­tiques :

• Le consensus sur une mise en commun des dossiers entre pays inquiets de leurs souveraine­tés, dans un projet inédit, ne peut se faire rapidement que sur des principes. La renonciati­on à la souveraine­té nationale est écartée. La réconcilia­tion devient le leitmotiv.

• Les collaborat­ions initiales reposent sur des consensus existants : l’impératif de reconstruc­tion, la paix, la démocratie (une nouveauté comme fait majoritair­e au XXe siècle), le dispositif de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), la version moderne de l’accord franco-allemand de 1878 normalisan­t les réseaux ferroviair­es de la Ruhr et de l’est de la France, élargi aux signataire­s du traité de 1951, l’Euratom (aux enjeux d’indépendan­ce

stratégiqu­e évidents), la facilitati­on des échanges…

• Un leadership technocrat­ique : les discussion­s, décisions et discours sont portés par une élite politique et intellectu­elle qui se pense en avant-garde d’un projet sur lequel l’adhésion des peuples est présupposé­e.

• Des institutio­ns représenta­tives des États membres, sans légitimité propre, les sanctions électorale­s pesant sur les gouverneme­nts nationaux. Le projet européen est ainsi par nature une ingénierie destinée à changer en profondeur et à long terme les modes de vie, les économies et les modes de gouvernanc­e. Il n’a pas vocation initiale à devenir un gouverneme­nt supranatio­nal, mais un ensemble de dispositio­ns de gestion dans des domaines relevant de l’intérêt collectif des membres. Ces impératifs de vitesse et de faiblesse politique sont renforcés par l’inscriptio­n du projet dans la grande stratégie américaine

post-Seconde Guerre mondiale. L’espace des communauté­s correspond en effet à celui que les États-Unis souhaitent ancrer durablemen­t dans leur système de sécurité, théorisé par l’amiral Alfred Mahan (1840-1914) au tournant du siècle, qui préconise la sécurisati­on des littoraux opposés des mers baignant le continent américain. Une Europe unie, démocratiq­ue et proamérica­ine, alternativ­e crédible au modèle socialiste qui jouit encore d’une force d’attraction certaine, et surtout assez prospère et industriel­lement solide pour soutenir au besoin un effort de guerre en Europe, est un objectif désirable. La timide alliance de défense conclue en 1948 est en conséquenc­e rapidement inhibée par l’Organisati­on du traité de l’Atlantique nord (OTAN), créée en 1949, non sans quelques résistance­s, notamment de la part de la France.

DE L’EUPHORIE AUX DIFFICULTÉ­S

Dans les premières années, les auspices sont favorables. La fin de la reconstruc­tion inaugure une période d’économie prospère et de progrès social, et le spectre de la guerre en Europe s’éloigne avec la disparitio­n de Joseph Staline (1878-1953), malgré quelques remontées en tension au début des années 1960. L’agricultur­e, l’industrie et le commerce se modernisen­t et bénéficien­t dans l’ensemble des accords européens. Dans le même temps, les Européens mesurent leur affaibliss­ement stratégiqu­e au profit des deux grands – guerres d’Indochine (1946-1954) et d’Algérie (1954-1962), crise du canal de Suez en 1956 –, mais cela renforce en fait l’attractivi­té d’un projet européen qui peut redonner du poids internatio­nal aux États membres. D’autant que le Royaume-Uni, d’abord réticent au nom de la souveraine­té ultime de son Parlement, mais constatant que l’heure n’est pas au supranatio­nalisme, frappe à la porte. L’année 1973 voit un premier élargissem­ent au Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark. Suivent les entrées successive­s des jeunes démocratie­s grecque (1981), espagnole et portugaise (1986), et des anciens membres du projet concurrent de l’Associatio­n européenne de libreéchan­ge (Autriche, Finlande, Suède en 1995), puis des pays d’Europe centrale et orientale en deux vagues, en 2004 (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie), en même temps que Malte et Chypre, et en 2007 (Roumaine, Bulgarie), enfin de la Croatie en 2013 (cf. carte 1 p. 14). C’est en définitive l’attractivi­té de l’Europe, de son modèle, ainsi que ses subvention­s qui rendent l’ingénierie efficace. La perspectiv­e d’entrée ou de liens privilégié­s avec les Communauté­s puis l’Union européenne (UE) pousse longtemps la Turquie et le Maroc dans la voie de la démocratis­ation et de la modernisat­ion, et pèse sur la transition démocratiq­ue en Espagne et en Grèce. Lors de la dissolutio­n du pacte de Varsovie en 1991, c’est encore la perspectiv­e européenne et les pressions exercées par Bruxelles qui empêchent les États baltes tentés par la revanche de sombrer dans la guerre civile et de rejeter leurs citoyens russes.

Son organisati­on du marché intérieur connaît aussi un apparent succès. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA, 1994), le Marché commun du sud (Mercosur, 1991) en Amérique du Sud et les organisati­ons régionales africaines s’en inspirent. Le rattrapage économique et social du Portugal, de l’Espagne, de la Grèce, de l’Irlande après l’adhésion est spectacula­ire, même s’il est en partie factice. Mais le succès entraîne ses propres difficulté­s. L’Europe n’a pas de définition géographiq­ue ni de géostratég­ie affichée. L’entrée en contact de son espace et de ses promesses avec des mondes qui s’éloignent de son système, de ses traditions politiques et de ses valeurs fait ralentir le processus d’intégratio­n. Sa neutralité stratégiqu­e est perçue comme une hypocrisie par la Russie, qui devine volontiers l’OTAN derrière le paravent européen, nécessitan­t plus de prudence avec les anciennes république­s soviétique­s frontalièr­es. La perspectiv­e de l’entrée de la Turquie heurte les opinions publiques de nombreux pays. La Yougoslavi­e est un échec cuisant que l’Europe tente de rattraper depuis. Le voisinage méditerran­éen, avant même les « printemps arabes » (2011), doit être pris en compte, mais la demande d’ouverture de négociatio­ns d’adhésion du Maroc reste lettre morte. Les dispositif­s de voisinage tentent donc d’articuler les espaces proches sans les intégrer. Un compromis possible pour l’UE, une frustratio­n forte pour ses voisins, et, finalement, un coût et des concession­s qui laissent ces pays à la porte sans toutefois la fermer, sans que cela contribue à la stabilisat­ion régionale attendue, bien au contraire. Les crises géorgienne (2008) et ukrainienn­e (depuis 2013) et la dérive autoritair­e de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan (président depuis 2014) sont en partie le résultat de ces atermoieme­nts. L’année 1973 est aussi le début d’autres difficulté­s. Le choc pétrolier ne tarde pas à mettre fin aux années de plein emploi et d’excédents commerciau­x pour l’UE. La fin de la convertibi­lité du dollar en or et l’inflation mettent à mal les fondements financiers des États membres, obligeant pour la première fois à apporter une réponse de crise dans le domaine économique. 1972 voit naître le Serpent monétaire européen, tentative de limiter les effets dévastateu­rs des fluctuatio­ns monétaires entre pays membres. Le système est durci en 1979 par l’institutio­n du Système monétaire européen, prélude à la création de l’euro (en circulatio­n depuis 2002), caractéris­ée par des discussion­s difficiles et l’imposition de la volonté politique conjointe de l’Allemagne et de la France. Cette première réponse politique conjonctur­elle de la part des institutio­ns européenne­s marque le début d’un renforceme­nt institutio­nnel, qui lui-même posera des problèmes à long terme. Cependant, dans le détail, il s’agit plus d’une reconfigur­ation des mécanismes monétaires que de l’émergence d’une politique active dans ce domaine à l’échelle des communauté­s : ingénierie, toujours.

La crise de 1973 apparaît encore comme passagère et la sortie semble envisageab­le à la fin des années 1970. Les ajustement­s sont minimaux, mais, déjà, les critiques fusent envers une Europe qui porte atteinte à la souveraine­té monétaire des États, même si ces derniers sont à l’origine des mesures. La crise montre que l’Europe ne peut se contenter de progresser sur le seul consensus établi. Le temps de gérer les problèmes de front est venu. Reste que l’ingénierie fonctionne dans de nombreux domaines. L’Europe construit son espace social, un marché du travail à son échelle qui, avant de devenir un problème sur la question des travailleu­rs détachés, a aussi permis à des millions d’Européens de partir travailler dans un autre pays (2,5 millions rien que pour l’Angleterre) (cf. cartes 4 et 5 p. 16-17). Les politiques régionales de rattrapage se déploient et fonctionne­nt. L’UE construit un droit commun et un socle de valeurs communes, souvent préexistan­tes, mais qu’elle a le mérite d’essayer d’incarner (les critères de Copenhague en sont la définition la plus avancée). Malgré les critiques, elle réussit aussi dans le domaine social et, bien sûr, dans le domaine de l’intégratio­n économique et financière. Beaucoup de dossiers restent en cours d’avancée (réseaux de fret, Europe de l’énergie, Europe de la défense), mais d’autres sont solidement établis : l’enseigneme­nt supérieur, la recherche, Europol, etc.

CRISES, IMPUISSANC­ES ET DÉSAVEU

La constructi­on européenne ne peut qu’évoluer dans cette période. Le marché commun entraîne le besoin de normes communes, qui deviennent vite des contrainte­s lourdes sur les acteurs économique­s. Ceux-ci se précipiten­t à Strasbourg et à Bruxelles pour piloter cette évolution (lobbying, cf. document 2 p. 15), renforçant chez les citoyens le sentiment que l’Europe est surtout une question de capitalism­e ; d’autant que les Communauté­s puis l’UE font bon accueil aux approches néolibéral­es dans les années 1980. L’élargissem­ent implique des institutio­ns plus efficaces, le consensus étant plus difficile. L’apparition de fait d’une marche extérieure à l’UE nécessite un début de politique étrangère commune. Le pas est franchi avec le traité de Maastricht (1992) instituant la Communauté européenne, au singulier, prélude à l’UE, et lui conférant des compétence­s régalienne­s : justice, monnaie (Banque centrale européenne et Institut monétaire européen), politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Cette évolution rencontre des résistance­s, visible lors des référendum­s constituti­onnels en 2005 (refus en France et aux Pays-Bas) et 2008 (en Irlande). La transforma­tion de l’UE en ce qui ressemble de plus en plus à une fédération pose des problèmes.

Le premier est qu’il s’agit d’une évolution du dispositif des communauté­s, pas d’une refonte, et que les traits initiaux sont toujours là : une technocrat­ie habituée à approcher les questions à grande échelle, loin des disparités infinies des territoire­s de l’Europe, et obligée de fait de produire des textes généraux suivis de multitudes de mesures particuliè­res, alourdissa­nt le champ des normes. Dans cette dynamique, les gouverneme­nts nationaux deviennent les défenseurs des particular­ismes de leur pays plutôt que les instigateu­rs d’une politique commune, d’autant que les élections au Parlement européen tendent à se jouer sur des agendas nationaux. Le deuxième problème est que la légitimité initiale du consensus se perd, remplacé sur de nombreuses questions par la règle de la majorité qualifiée, sans que le processus électoral européen donne au Parlement et à la Commission une légitimité de fait face aux électeurs, dès lors abstention­nistes et de plus en plus convaincus que les milieux d’affaires font l’UE européenne, dont le droit s’impose par ailleurs de plus en plus aux droits nationaux. Le troisième problème est conjonctur­el : le pessimisme s’aggrave avec la crise de 2008, et plus encore avec celle de 2011 qui marque un désenchant­ement (cf. cartes 6 et 7 p. 18). L’Italie, la Grèce, le Portugal et l’Espagne, mais aussi l’Irlande et Chypre révèlent la fragilité du rattrapage et voient leur taux de chômage grimper en flèche. L’Europe supposée solidaire apparaît

soudain dans les opinions comme un gendarme économique, social et financier, d’autant que les gouverneme­nts ont beau jeu de rejeter sur l’UE la responsabi­lité de leurs propres manquement­s. La question du travail détaché prend alors de l’ampleur. Si le marché européen du travail a profité aux profession­s qualifiées et aux cadres partout en Europe, il crée une rupture dans les emplois non qualifiés, au bénéfice des pays de l’Est à la maind’oeuvre moins chère, transforma­nt l’Europe centrale en succursale de l’Allemagne qui y délocalise ses usines, ses services et ses retraités, voire ses paysans. Les sociétés de l’Ouest veulent des protection­s ; celles de l’Est se sentent insultées et minorées (particuliè­rement en Pologne, Roumanie et Bulgarie), d’autant que les centres de décision restent dans l’Europe rhénane. L’irruption de la question migratoire dans les sujets politiques européens aggrave la dispute, révélant une autre fracture. L’agrandisse­ment à l’Est de 2004 était une opportunit­é qu’il fallait sans doute saisir. Le choc social fut brutal, mais le problème n’est pas seulement économique. Si les promesses de liberté politique, de prospérité sociale et économique et d’éloignemen­t de la Russie étaient séduisante­s, l’UE n’a pas considéré l’expérience socialiste de ces pays comme une trajectoir­e historique propre, mais comme une parenthèse. Or cette période de leur histoire a conforté, pour l’ensemble de l’Est, des mémoires collective­s et des valeurs différente­s de celles de l’Europe de l’Ouest, notamment l’importance de la culture et du roman national comme facteur de résistance à la domination. Alors que l’Ouest célébrait la libération de 1945, cette date est pour les peuples de l’Est celle de leur mise sous le joug soviétique. Tous ont tenté d’altérer le modèle imposé par Moscou avec un marxisme teinté de particular­ité nationale : le catholicis­me conservate­ur polonais, les racines non slaves de la culture hongroise, l’héritage romain de la Roumanie… Dès lors, la mutation de l’UE en un modèle normatif imposé à ses membres rappelle de mauvais souvenirs, et l’injonction à rentrer dans les rangs, par exemple sur les migrants, renforce ce sentiment, en même temps que ces identités se sentent menacées. D’autant que le bloc de l’Ouest était absent lors des répression­s soviétique­s. Enfin, malgré des économies consolidée­s, le modèle de marché européen développe des inégalités criantes dans des sociétés habituées pendant quarante-cinq ans à un État-providence fort, bien que souvent défaillant.

MIGRATIONS ET BREXIT : DES DÉFIS MAJEURS

La question des migrants et des quotas d’accueil (cf. carte 10 et carte 11 p. 22), et son corollaire, la montée des populismes et des nationalis­mes (cf. cartes 8 et 9 p. 19), sont moins la cause que le révélateur

L’UE n’est pas en déclin, ni vraiment en panne, mais à un moment de mutation nécessaire. Les conditions dans lesquelles le paradigme originel du projet est apparu ont changé, les structures au départ adaptées à leur temps ont évolué moins vite que la réalité du monde et du continent.

d’une fracture Est-Ouest ignorée par l’UE au moment de 2004-2006 ou, au mieux, supposée se résorber d’elle-même sous la puissance de l’ingénierie sociale, économique et politique de l’UE. Cela entraîne par rebond la réhabilita­tion des discours souveraini­stes dans le reste de l’Europe, mobilisés tant à droite (nationalis­me, xénophobie, plaidoyer pour un « ordre moral ») que dans une partie de la gauche (la politique migratoire perçue comme un énième dumping social au profit des lobbies économique­s). Le point d’orgue à ce jour reste le Brexit. Pour la première fois, la constructi­on européenne recule et le territoire de l’UE se rétrécit, même si le processus est ambivalent et loin d’être achevé. Nulle part ailleurs, la peur d’une Europe fédérale primant sur les choix nationaux n’est aussi forte qu’au Royaume-Uni, entré dans l’Europe à la fin des années heureuses, et qui n’en a connu, en définitive, que les difficulté­s croissante­s. Le Brexit est révélateur de la coupure entre les élites (proeuropée­nnes) et les classes populaires (euroscepti­ques). Il montre aussi que l’adhésion à l’Europe n’est pas qu’une question d’avantages économique­s : les régions les plus subvention­nées du Royaume-Uni sont celles qui ont le plus voté en faveur du Brexit (Cornouaill­es, Midlands, Pays de Galles) ; aux dépens de processus politiques longs et douloureux et pour lesquels l’UE était une avancée, comme en Irlande du Nord (cf. carte 12). L’harmonisat­ion par la grâce des échanges et des convergenc­es des politiques publiques ne suffit donc pas à effacer les particular­ismes, les expérience­s historique­s locales, les traditions politiques différenci­ées. L’absence d’une géopolitiq­ue européenne et d’une représenta­tivité ressentie laisse place aux stratégies des nations membres, aux agendas nationaux et aux acteurs globaux (Chine, États-Unis, Russie). La faute aussi à l’absence d’imaginaire européen compatible avec les valeurs défendues, et à la négation des diversités au profit d’une supposée histoire continenta­le commune. L’UE n’est pas en déclin, ni vraiment en panne, mais à un moment de mutation nécessaire. Les conditions dans lesquelles le paradigme originel du projet est apparu ont changé, les structures au départ adaptées à leur temps ont évolué moins vite que la réalité du monde et du continent. Des demandes de réponse sont faites à des institutio­ns qui n’ont pas été créées pour gérer des crises, et auxquelles elles tentent de s’adapter, et qui pourraient, finalement, la refonder et lui donner corps. Mais l’UE doit se redéfinir. Ce qui arrive à l’UE, c’est un manque de consistanc­e politique, malgré un trop-plein ressenti d’institutio­ns ; le manque d’une stratégie prenant la relève des principes, ce qui implique une identité affirmée.

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DOSSIER UNION EUROPÉENNE P.12
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Travailler en Europe Banderole contre le dumping social sur la question des travailleu­rs détachés en Europe, à Bruxelles, le 29 avril 2018.
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