Le lithium, « or blanc » d’Amérique du Sud
Qualifié de « pétrole du XXIe siècle », le lithium suscite les convoitises. C’est particulièrement le cas en Amérique du Sud, foyer majeur des réserves. Face à la hausse de la demande, les prix flambent, ce qui constituerait une aubaine pour le développement des pays producteurs, notamment l’Argentine et le Chili.
Le lithium est un minerai alcalin, au même titre que le sodium ou le potassium. Il est utilisé dans des secteurs industriels aussi diversifiés que le nucléaire, la pharmacie, la fabrication du verre et des céramiques. Mais il est surtout le composant principal des batteries rechargeables des téléphones et ordinateurs portables et des véhicules électriques. Les experts considèrent que la demande en lithium devrait être multipliée par vingt d’ici à 2025. Par conséquent, les prix ne cessent d’augmenter. Depuis fin 2015, ils ont plus que doublé pour atteindre en novembre 2018 12 000 dollars la tonne de carbonate de lithium et 18 000 dollars la tonne d’hydroxyde de lithium ; en d’autres termes, le prix varie considérablement selon la qualité de la matière première. Dans ce contexte, le lithium pourrait bien constituer le nouvel enjeu de développement d’une partie de l’Amérique du Sud, particulièrement du tripôle Argentine-Chili-Bolivie. Ces trois pays détiendraient, selon les sources, environ 55 % des réserves mondiales de lithium (quelque 53 millions de tonnes), notamment dans ce qu’on appelle le « triangle du lithium », situé entre les salars (déserts de sel) du nord de l’Atacama (Chili), de l’ouest du désert d’Uyuni (Bolivie) et de celui d’Hombre Muerto (nord-ouest de l’Argentine). La production mondiale de ce nouvel « or blanc » a atteint 43 000 tonnes en 2017 (hors États-Unis, dont les données ne sont pas rendues publiques). Si l’Australie est le premier producteur mondial (18 700 tonnes), le Chili (14 100), l’Argentine (5 500 tonnes) et la Bolivie (les données ne sont pas disponibles, mais le pays disposerait de 9 millions de tonnes de réserves) sont la cible des investisseurs. Le Chili a longtemps eu une longueur d’avance dans ce secteur considéré comme stratégique et en grande partie nationalisé par la présidente Michelle Bachelet (2006-2010 et 20142018). Mais, désormais, la concurrence entre les trois États est farouche. En Argentine, le président libéral Mauricio Macri (au pouvoir depuis décembre 2015) a largement ouvert son pays aux investisseurs étrangers en supprimant les taxes sur les exportations minières. À l’opposé, la Bolivie d’Evo Morales (au pouvoir depuis 2006) s’oppose à l’exploitation de sa ressource par des firmes étrangères et dénonce les risques de saccage écologique. C’est la Comibol, entreprise minière publique, qui détient le monopole de l’extraction. Son activité est toutefois freinée par l’activisme des populations indiennes qui considèrent les salars comme des lieux sacrés. Au Chili, les concessions d’exploitation sont accordées si leur mise en valeur est conforme aux politiques environnementales de ce pays. Mais là aussi, l’arrivée au pouvoir de Sebastián Piñera (depuis mars 2018) a modifié la donne. Ainsi, le géant chinois du lithium, le groupe Tianqi, vient de prendre le contrôle, en octobre 2018, de 24 % du capital de la puissante Société chimique et minière du Chili (SQM). Les grandes manoeuvres ont débuté entre les trois premiers producteurs mondiaux de lithium : l’américain Albemarle, le chilien SQM et le chinois Tianqi, qui contrôlent les deux tiers de la production. La bataille pour le lithium ne fait que commencer !