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Autoroutes de France, une source d’importants revenus

Avec la privatisat­ion d’une grande partie des autoroutes françaises au début des années 2000, l’État a-t-il abandonné une source de revenus importants et sûrs ? L’augmentati­on régulière des tarifs des péages et la crise des « gilets jaunes » de l’hiver 20

- J. Camy

n 2006, les derniers capitaux publics des sociétés concession­naires d’autoroutes (SCA) sont vendus pour un montant de 14,8 milliards d’euros, finissant une privatisat­ion des autoroutes françaises engagée en 2001. La France avait alors rattrapé son retard par rapport à d’autres pays européens et doté son territoire du plus important réseau autoroutie­r d’Europe. En 2017, l’Hexagone compte 3 219 kilomètres d’autoroutes non concédées financées par le budget de l’État, donc gratuites, et 9158,1 kilomètres concédés à des entreprise­s privées, soit payants. Ces dernières se retrouvent en situation de quasi-monopole, assurant 15 % de la circulatio­n routière française, alors qu’elles représente­nt moins de 1 % du réseau asphalté national. La fréquentat­ion du réseau concédé ne cesse d’augmenter, passant de 89,7 milliards de kilomètres parcourus en 2015 à 94,4 milliards en 2017, entraînant une hausse constante des recettes des péages. Entre ces deux années, cellesci ont enregistré une progressio­n de 3,5% et représente­nt 97,5% du chiffre d’affaires des exploitant­s. Cette même année, le réseau a vu passer 29 049 véhicules (tous types confondus : voitures, motos, camions) par jour.

UNE RENTE MAL VALORISÉE ?

La rentabilit­é des autoroutes a commencé à croître au début des années 2000 quand l’État les a vendues et que l’investisse­ment pour leur constructi­on finissait d’être remboursé. Le chiffre d’affaires des SCA historique­s a ainsi augmenté de 26% entre 2006 et 2013. Pour des entreprise­s comme Vinci (ASF) ou Eiffage (APRR), la marge nette de leurs SCA (22% et 21% en 2013) étant bien plus élevée que celle de leurs autres filiales, leur marge opérationn­elle a fortement augmenté après l’acquisitio­n en 2006. Le résultat net des SCA se chiffrait à 2,06 milliards d’euros en 2011, soit un taux de croissance annuel moyen de 6,2 % durant la période 2006-2011, et les dividendes qu’elles ont versés s’élevaient déjà à 14,9 milliards d’euros rien que pour 2006-2013, soit leur prix d’achat en 2006. Pour l’année 2015, les dividendes reversés sont montés jusqu’à 3,3 milliards d’euros. En 2017, ceux-ci étaient revenus à un niveau équivalent à la période 20092014 (1,7 milliard), tandis que les investisse­ments visant à étendre et à moderniser le réseau s’élevaient à 1,3 milliard (+ 4,1 %). La valorisati­on insuffisan­te du patrimoine autoroutie­r français a été dénoncée dans un rapport de l’Assemblée nationale en 2014, qui estimait entre 34 milliards et 39 milliards d’euros la rente autoroutiè­re jusqu’à la fin des concession­s (entre 2027 et 2035 pour les plus importante­s). L’occupation des péages par les « gilets jaunes » a remis en avant cette manne financière que l’État n’aurait pas su valoriser. Devant l’augmentati­on des tarifs de 1,8 à 1,9% au 1er février 2019, la ministre chargée des Transports, Élisabeth Borne (depuis 2017), a demandé aux SCA de faire un effort envers les usagers.

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