France : les villes face aux municipales
Le pays se prépare aux élections les 15 et 22 mars 2020 : c’est l’occasion d’analyser la puissance des villes et leur hiérarchisation, notamment les grandes et les moyennes. Comment elles se font concurrence pour devenir des pôles régionaux de développement et de technologie, comment elles se positionnent face à Paris dans une France centralisée.
Plus grand pays d’Europe de l’Ouest en superficie, la France métropolitaine (551 500 kilomètres carrés) est relativement peu densément peuplée, avec une moyenne de 117 habitants par kilomètre carré, mais marquée par de fortes disparités de peuplement : plus d’un tiers de la population française est concentré dans 2 % des villes (au moins 2 000 habitants).
ATTRACTIVITÉ MÉTROPOLITAINE
La France compte 34979 communes en 2019, soit plus d’un tiers des 89000 existant dans l’Union européenne (UE). La hiérarchie des villes s’y caractérise par l’écrasante prédominance de l’aire urbaine parisienne résultant d’une ancienne tradition de centralisation. Cette aire rassemble, depuis plusieurs décennies, presque un quart de la population urbaine française avec 12,5 millions d’habitants. Ces trente dernières années, l’attractivité urbaine est surtout le fait des grandes agglomérations de 400 000 habitants ou plus. Ainsi, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), près de 80 % de la hausse de la population urbaine relève des 14 unités urbaines entrant dans cette catégorie, avec pour conséquence une extension de la superficie de ces villes par périurbanisation, conjuguée à un phénomène de densification. Ces grandes villes sont, pour la plupart, situées sur les littoraux, à proximité des frontières ou le long des fleuves. Elles deviennent de plus en plus des lieux de concentration de pouvoirs aussi bien politique qu’économique, administratif, culturel ou social. Paris est ainsi la seule ville en France à jouer un rôle mondial par son rayonnement international et son influence géopolitique et économique, au même titre que New York, Londres, Tokyo ou Hong Kong. Ces cités globales sont dotées de fonctions directionnelles, de services supérieurs, de capacités d’innovation scientifique et technologique, de sièges d’organisations internationales, et bénéficient d’excellentes connexions et conditions d’accessibilité. Elles sont en compétition pour accueillir de grands événements internationaux culturels ou sportifs (Jeux olympiques 2024 à Paris). À l’échelle du monde, la France est généralement symbolisée par sa capitale, elle-même symbolisée par la tour Eiffel, qui devient allégorie du pays. Les autres métropoles françaises sont de rang régional et ont un rayonnement européen (Lille, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Strasbourg). Elles sont intégrées dans de grands
réseaux de transport et concentrent des activités industrielles et de nombreuses fonctions de commandement dans des domaines variés : administration, finance, commerce, culture, enseignement supérieur, etc. Le phénomène de métropolisation se mesure à la concentration spatiale de population et d’activités, à l’accessibilité aux réseaux et à l’attractivité.
LA RÉSISTANCE DES VILLES MOYENNES
La France se caractérise en Europe par un nombre important de villes moyennes qui permettent un maillage assez régulier du territoire national et servent d’intermédiation entre les métropoles et les territoires ruraux. Leur maintien est en partie lié à l’héritage de la Révolution de 1789 et du découpage départemental qui a favorisé les fonctions administratives sur tout le territoire avec le tissu de préfectures et de sous-préfectures. Nombre d’entre elles s’industrialisent, voient leur population augmenter durant la période des Trente Glorieuses (19461975) et participent pleinement à la modernisation économique du pays. Elles se caractérisent par une forte hétérogénéité en fonction de leur insertion dans des réseaux, de leur intégration ou non au sein de grandes agglomérations, de leur fonction ou non de chef-lieu régional ou départemental, de leur intégration ou non dans des conurbations industrielles (1). Face à l’attractivité des métropoles, les villes moyennes cherchent à se différencier et à faire valoir leurs atouts (patrimoine touristique, temps de transport, offre de services à la population et aux entreprises). Par leur importance croissante au sein des territoires, les villes cristallisent un grand nombre d’enjeux géopolitiques, à la fois dans leurs relations et en leur sein. La conquête du pouvoir dans les villes constitue un objectif majeur pour toutes les formations politiques et aiguise les rivalités de pouvoir à l’approche des municipales. Fiefs de notabilités locales ou régionales, les grandes et moyennes villes sont l’objet de rapports de force, d’enjeux et de stratégies entre différents acteurs (élus, associations, entreprises). Les trajectoires et dynamiques des villes françaises dépendent à la fois de leur histoire et du projet urbain proposé par les acteurs locaux qui peuvent en modifier le rayonnement et l’attractivité.
NOTE
(1) François Taulelle, « La France des villes petites et moyennes », in Laurent Cailly et Martin Vanier (dir.), La France : une géographie urbaine, Armand Colin, 2010, p. 149-168.