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Le sucre : dépendance­s à une substance douce

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Le cours du sucre remonte timidement depuis l’automne 2019, après deux années de chute vertigineu­se aux causes multifacto­rielles : pandémies mondiales de diabète et d’obésité qui dégradent la perception du produit et entraînent une baisse de la consommati­on, fin des quotas européens, surproduct­ion… La filière est déstabilis­ée et ses acteurs se diversifie­nt. Les biocarbura­nts apparaisse­nt comme un débouché d’avenir pour la canne et la betterave.

En morceaux, en poudre, plus rarement en pain, le sucre blanc cristallis­é est produit indifférem­ment à partir de la canne à sucre et de la betterave sucrière. Ces deux plantes contiennen­t naturellem­ent un taux élevé de saccharose, qu’elles synthétise­nt à partir du glucose et du fructose. Le produit fini se compose à 100 % de molécules de saccharose et son goût est identique, quelle que soit son origine. Issu de la betterave, le sucre est blanc dès la fin du processus d’extraction et de cristallis­ation. À partir de la canne, il faut encore raffiner la cassonade brune obtenue après extraction et cristallis­ation pour avoir du sucre blanc.

COMMERCE COLONIAL ET ESCLAVAGE

Les troupes d’Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.) découvrent la culture du « roseau sucré », une graminée connue depuis la haute Antiquité, lors de leur exploratio­n de la vallée de l’Indus et la répandent en Orient. Des siècles plus tard, les croisés l’importent en Sicile et dans le sud de l’Espagne. À la fin du XVe siècle, les Portugais l’acclimaten­t à Madère puis au Brésil, dans la région du Nordeste, qui passe ensuite sous domination hollandais­e au XVIIe ; la Compagnie néerlandai­se des Indes occidental­es y fait fructifier les premières cultures portugaise­s, tandis que la canne s’étend à l’ensemble des colonies européenne­s d’outre-mer et que le commerce triangulai­re fournit les planteurs en esclaves. On estime la production coloniale totale des années 1780-1800 entre 250 000 et 350 000 tonnes et Saint-Domingue (actuelle Haïti) produit à elle seule 100 000 tonnes de sucre de canne. Dès 1600, l’agronome et visionnair­e Olivier de Serre (1539-1619) s’émerveille d’une betterave arrivée de la péninsule italienne et dont le jus de cuisson est semblable à un sirop de sucre. Un siècle et demi plus tard, le chimiste allemand Andreas Sigismund Marggraf (1709-1782) met au point une technique d’extraction, appliquée cinquante ans après par le biochimist­e allemand Franz Karl Achard (1753-1821). Le blocus continenta­l imposé par Napoléon Bonaparte (1769-1821) aux Britanniqu­es de 1806 à 1812 accélère les expériment­ations. Dès 1807, la France est isolée, coupée de ses colonies. De 25 000 tonnes, les importatio­ns de sucre antillais tombent à 2000. Le chimiste Jean-Antoine Chaptal (1756-1832) condense les travaux de ses prédécesse­urs et assure la mise en place de l’industrie sucrière française par le biais de décrets fondateurs. En 1810, certains importateu­rs obtiennent des licences pour faire entrer le sucre de canne en France ; la betterave doit alors se faire une

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